L'isotope du carbone 14 permet de dater des objets biologiques jusqu'à 50 000 ans environ dans le passé. En conjonction avec l'étude des cernes d'arbres, on a mis en évidence ces dernières années l'existence de super-éruptions solaires il y a des centaines et des milliers d'années qui, si elles se produisaient aujourd'hui, seraient dévastatrices pour notre civilisation technologiquement avancée. Un de ces événements de Miyake, comme on les appelle, s'est produit il y a presque 2 700 ans selon une équipe de chercheurs.
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Depuis quelques décennies, les images de l'activité du Soleil sont de plus en plus spectaculaires et aussi bien les éjections de masse que les boucles coronales de notre étoile sont scrutées à divers longueurs d'onde. Les images les plus intéressantes sont celles fournies par la mission SDO (Solar Dynamics ObservatorySolar Dynamics Observatory). Elles illustrent fréquemment des alertes concernant des tempêtestempêtes solaires en prélude à leur arrivée sur Terre sous forme de rayons cosmiques (essentiellement de noyaux d'hydrogène et d'héliumhélium avec des électronsélectrons), où elles causent des aurores boréalesaurores boréales et perturbent les champs magnétiqueschamps magnétiques de la magnétosphèremagnétosphère terrestre.
Comme on l'a vu pendant cette année 2024, ces tempêtes sont parfois si violentes que les aurores boréales deviennent visibles à des latitudeslatitudes aussi basses que celles de la France. Depuis plus d'une décennie aussi, on commence à avoir des indications qu'il s'est parfois produit dans l'histoire récente de la noosphère, au cours des quelques millénaires passés, des éruptions solaireséruptions solaires bien plus intenses, de sorte que des Homo sapiensHomo sapiens ont parfois contemplé des aurores boréales des centaines de fois plus brillantes que celles de 2024.
En février 2020, l’observatoire de dynamique solaire de la Nasa (SDO) a gardé un œil constant sur le Soleil, étudiant la manière dont le Soleil crée l’activité solaire et détermine la météo spatiale (les conditions dynamiques dans l’espace qui ont un impact sur l’ensemble du Système solaire, y compris la Terre). Depuis son lancement le 11 février 2010, SDO a collecté des millions d’images scientifiques de notre étoile la plus proche, offrant aux scientifiques de nouvelles perspectives sur son fonctionnement. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA's Goddard Space Flight Center
Les événements de Miyake, des tempêtes solaires extrêmes
On peut s'en convaincre en lisant un article publié récemment dans Communications Earth & Environment et qui provient d'une équipe de scientifiques dirigée par Irina Panyushkina, du laboratoire de recherche sur les cernes des arbresarbres de l'université d'Arizona, et Timothy Jull, du département des géosciences de l'université d'Arizona. Les chercheurs y expliquent qu'ils ont identifié et daté un autre événement de Miyake, une des tempêtes solaires extrêmes (extreme solar events ou ESE en anglais), dont l'existence a été démontrée la première fois en 2012 par la géophysicienne et spécialiste des rayons cosmiques japonaise Fusa Miyake, de l'université de Nagoya.
Un événement de Miyake se signale par un pic d'isotopesisotopes de carbonecarbone 14 radioactifs dans les cernes de croissance des arbres ainsi que par des pics du bérylliumbéryllium 10 et du chlorechlore 36 dans les carottes de glacecarottes de glace, datés indépendamment. Ces pics sont dus à l'arrivée des rayons cosmiques du Soleil avec une intensité anormalement élevée, provoquant des réactions nucléairesréactions nucléaires - comme l'explique la vidéo ci-dessous. Les organismes vivants se chargent alors plus que d'ordinaire en carbone 14 dans une atmosphèreatmosphère qui en a été temporairement enrichie plus que d'habitude.
Les événements de Miyake ne se produisent pas périodiquement, mais d'après les données disponibles, ils semblent séparés par des intervalles de 400 à 2 400 ans. En 2012, Fusa Miyake a ainsi identifié un ESE qui se serait produit 774 ap. J.-C. Un autre fut ensuite identifié en 993 ap. J.-C. Et voilà, maintenant, que Irina Panyushkina et ses collègues en ont débusqué un en 664 av. J.-C.
Dans le communiqué de l'université d'Arizona à propos de cette découverte, Irina Panyushkina explique au sujet des événements de Miyake que « grâce au radiocarbone dans les cernes des arbres, nous savons maintenant que six événements Miyake se sont produits au cours des 14 500 dernières années. S'ils se produisaient aujourd'hui, ils auraient des effets cataclysmiques sur les technologies de communication ». Il y aurait en effet des flux de particules solaires, comme ceux des électrons tueurs, qui causeraient potentiellement des dommages massifs aux satellites de télécommunication, par exemple ceux de Starlink.
La datation par le carbone 14 permet d’estimer l’âge de vestiges archéologiques, peintures rupestres, sédiments… Son principe : utiliser les propriétés de décroissance radioactive de l’isotope carbone 14, atome présent dans toute matière organique et dans les carbonates. Cette technique est utilisée pour dater des objets de quelques centaines d’années à 50 000 ans environ. © CEA
Le carbone 14 et la dendrochronologie
Les travaux de Panyushkina et son équipe reposent sur la dendrochronologie (du grec dendron = arbre, chronos = temps et logos = étude) qui consiste à analyser des cernes annuels de croissance d'arbres pour obtenir des datations. On peut utiliser en complément les taux d'isotope 14 de chaque cerne individuel d'arbres à partir d'échantillons de boisbois anciens, notamment des échantillons d'arbres morts enterrés dans les berges des rivières et des bois excavés lors de fouilles archéologiques.
Toutefois, les éruptions solaires ne sont pas les seuls événements cosmiques capables de fabriquer du carbone 14 dans l'atmosphère, et pour vraiment identifier une tempête solaire, il faut aussi mesurer un autre isotope, le béryllium-10, enfermé dans des carottes de glace prélevées dans des glaciersglaciers et des calottes glaciairescalottes glaciaires. « Si les carottes de glace du pôle Nord et du pôle Sud montrent un pic de l'isotope béryllium-10 pour une année particulière correspondant à une augmentation du radiocarbone dans les cernes des arbres, nous savons qu'il y a eu une tempête solaire », précise Panyushkina dans le communiqué.
Ce travail fournit des données importantes aux scientifiques qui étudient et développent des modèles de l'activité solaire au fil du temps. Toutefois, la chercheuse explique : « Les cernes des arbres nous donnent une idée de l'ampleur de ces tempêtes massives, mais nous ne pouvons détecter aucun type de modèle, il est donc peu probable que nous soyons un jour en mesure de prédire quand un tel événement va se produire ». Elle ajoute : « L'énergieénergie de ce type d'événement modifie non seulement la teneur en radiocarbone de l'atmosphère, mais aussi la chimiechimie de l'atmosphère. Nous essayons de comprendre comment ces événements de courte duréedurée et puissants affectent le système terrestre dans son ensemble. »
Le saviez-vous ?
Depuis les travaux des pionniers de la physique nucléaire qu’étaient Ernest Rutherford et Pierre et Marie Curie, les expériences montrent que ni la température, ni la pression, ni des champs magnétiques ne font changer de façon mesurable les taux de désintégration de noyaux. C’est pourquoi il est possible de dater différents objets archéologiques et géologiques en y mesurant la quantité d’un isotope radioactif connaissant celle présente à l'origine.
Le plus connu d'entre eux est le carbone 14, dont la période radioactive est d’environ 5 730 ans. Ainsi, moins il reste de carbone 14 dans le corps momifié d’un pharaon égyptien, plus la date de son décès est ancienne. Si cette période n’était pas constante, le temps mis par les noyaux d'un échantillon de carbone 14 pour diminuer de moitié en nombre (ce qui est la définition de sa période) ne serait pas le même selon l’ancienneté de la constitution de cet échantillon. Cela rendrait incertaines et floues les datations en archéologie.
En effet, la constance dans le temps des taux de désintégration du carbone 14 est au fondement de la méthode de datation développée par Willard Libby en 1949. Elle lui vaudra le prix Nobel de physique en 1960. Toutefois, selon un autre prix Nobel, Emilio Segrè, elle lui aurait été suggérée par Enrico Fermi à l’occasion d’un séminaire à l’université de Chicago.
On sait depuis bien longtemps que le taux de carbone 14 dans l’atmosphère de la Terre varie de façon cyclique en fonction de l’activité du Soleil. Le phénomène est facilement compréhensible car notre étoile produit un flux intense de protons fonçant vers notre Planète, constituant une part importante des rayons cosmiques frappant la Terre. Ces rayons génèrent indirectement un flux de neutrons qui entrent en collision avec les noyaux d’azote de la haute atmosphère, lesquels se transforment alors en cet isotope radioactif du carbone. La magnétosphère de la Terre stoppe une partie des rayons cosmiques et comme elle peut elle-même varier dans le temps, elle influe sur le taux de rayons cosmiques atteignant l'atmosphère.
On sait donc que la méthode de datation développée par Willard Libby en 1949 souffre d’une imprécision liée à la quantité moyenne de carbone 14 dans l’atmosphère produite par les rayons cosmiques. Mais, on sait tenir compte des cycles du Soleil et même des variations du champ magnétique de la Terre, pour obtenir de bonnes datations.