La très grande diversité des exoplanètes ne finira jamais de nous étonner. Dernier exemple en date, LTT9779b. Cette exoplanète, récemment observée par Cheops, est considérée par l’équipe d’astronomes qui l’étudie comme un monde qui ne devrait pas exister ! Cela soulève de nouvelles questions. Explications.
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Cheops, rappelons-le, n'est pas un satellite conçu pour découvrir de nouvelles exoplanètes, mais plutôt pour mieux comprendre leur grande diversité en les caractérisant. Récemment, il a observé l'étoile autour de laquelle tourne l'exoplanète LTT9779b. Cette planète, découverte en 2020 par le satellite TessTess de la Nasa, se situe à quelque 260 années-lumière de la Terre. Elle présente des similitudes avec NeptuneNeptune en matière de taille et de massemasse, et son atmosphèreatmosphère a été confirmée par les observations infrarougesinfrarouges effectuées par le satellite SpitzerSpitzer de la Nasa. Ce qui intrigue les astronomesastronomes, c'est que LTT9779b est si proche de son étoile que la surface qui lui fait face atteint une température d'environ 2 000 degrés, ce qui aurait dû entraîner l'échappement complet de son atmosphère.
Pour étudier ce phénomène étonnant, le satellite Cheops n'a pas à proprement parler « observé la planète directement, mais la lumière de son étoile », nous explique Sergio Hoyer (Laboratoire d'astrophysiqueastrophysique de Marseille). En particulier, Cheops a observé un moment précis de l'orbiteorbite : « lorsque la planète passe derrière l'étoile, c'est-à-dire pendant les éclipseséclipses de la planète. De cette manière, nous avons pu mesurer la quantité de lumière qui manque au système lorsque la planète est cachée derrière l'étoile ». Les données collectées ne vont pas décevoir l'équipe d'astronomes à l'origine des observations, parmi lesquels Sergio Hoyer et Vivien Parmentier (Observatoire de la Côte d'Azur), auteurs de l'étude The extremely high albedo of LTT 9779 b revealed by Cheops, publiée aujourd'hui dans la revue Astronomy & Astrophysics.
L'exoplanète la plus brillante jamais découverte
Ces données démontrent, pour la première fois, qu'une exoplanète peut rivaliser avec l'éclat de VénusVénus ! En dehors de la LuneLune, la planète la plus brillante dans notre ciel nocturnenocturne est Vénus, dont l'épaisse couche nuageuse réfléchit environ 75 % de la lumière solaire. En comparaison, la Terre ne réfléchit qu'environ 30 % de la lumière solaire. Les mesures effectuées par Cheops révèlent que LTT9779b réfléchit 80 % de la lumière provenant de son étoile hôte. Autrement dit, cela en fait le plus grand « miroirmiroir » connu de l'UniversUnivers à ce jour.
Un ciel rempli de nuages de métal
Pour expliquer la réflectivité et la présence d'une atmosphère autour de l'exoplanète LTT9779b, les auteurs de l'étude expliquent que cette planète est recouverte de nuagesnuages métalliques, principalement composés de silicatessilicates, la même matière que le sablesable et le verre, mélangés à des métauxmétaux tels que le titanetitane.
Cependant, étant donné que toute température supérieure à 100 °C est trop élevée pour la formation de nuages d'eau, la température extrêmement élevée de l'atmosphère de cette planète (2 000 °C) devrait également être trop élevée pour la formation de nuages de métal ou de verre ! Ce sujet a été un sujet de débat « jusqu'à ce que nous comprenions que nous devons considérer la formation de nuages de la même manière que la condensationcondensation qui se forme dans une salle de bains après une douche chaude », explique Vivien Parmentier, co-auteur de l'étude. Et d'ajouter que « LTT9779b peut former des nuages métalliques malgré sa chaleurchaleur car son atmosphère est sursaturée en silicates et en vapeurs métalliques ».
La planète qui ne devrait pas exister
Mais ce n'est pas tout. L'aspect brillant de LTT9779b n'est pas le seul élément surprenant. Sa taille et sa température en font une « Neptune ultra-chaude », mais aucune autre planète de cette taille et de cette masse « n'a été trouvée en orbite aussi proche de son étoile », souligne Vivien Parmentier. Elle vit dans une région que l'on nomme « désertdésert des Neptunes chaudes ».
Comme le souligne l'astronome, « toutes les planètes découvertes jusqu'à présent qui orbitent autour de leur étoile en moins d'une journée sont soit des « Jupiters chaudsJupiters chauds » - des géantes gazeusesgéantes gazeuses dont le rayon est au moins dix fois plus grand que celui de la Terre -, soit des planètes rocheusesplanètes rocheuses dont le rayon est inférieur à deux fois celui de la Terre ». Autrement dit, « c'est une planète qui ne devrait pas exister », déclare Vivien Parmentier. Normalement, on s'attendrait à ce que les planètes de ce type « voient leur atmosphère soufflée par leur étoile, laissant derrière elles de la roche nue », conclut-il.
Le « désert des Neptunes chaudes »
Pour élucider la présence de LTT9779b dans cette région extrêmement chaude autour de son étoile, Sergio Hoyer, principal auteur de l'étude et son équipe, avancent l'hypothèse que « les nuages métalliques aident la planète à survivre dans ce désert des Neptunes chaudes. Ces nuages réfléchissent la lumière et empêchent la planète de devenir trop chaude et de s'évaporer. Par ailleurs, la composition très métallique rend la planète et son atmosphère plus lourdes et plus résistantes à l'échappement ».
En conclusion, cette étude suggère que les nuages métalliques agissent comme un mécanisme de protection qui permet à LTT9779b de maintenir son atmosphère malgré les conditions extrêmes de sa proximité avec son étoile. Cette découverte apporte de nouvelles connaissances sur les propriétés des exoplanètes et ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre les mécanismes de survie des exoplanètes dans des environnements hostiles.
La parole à Vivien Parmentier, co-auteur de l'étude :
Futura : Le télescope James-Webb observera-t-il LTT9779b et si oui, qu’attendez-vous de ses données ?
Vivien Parmentier : Oui le James-Webb a déjà observé LTT9779b et les données sont en cours d'analyse. Nous devrions en savoir bientôt plus, en particulier il devrait confirmer la présence d'un fort albédoalbédo et, surtout, être capable de mesurer la métallicitémétallicité de la planète de manière quantitative, ce qui permettra de savoir si les modèles que l'on a faits pour expliquer l'albédo sont corrects.
Futura : Connaissez-vous d’autres exoplanètes qui ne « devraient pas exister » ?
Vivien Parmentier : La plupart des exoplanètes découvertes jusqu'à maintenant n'étaient pas prédites et donc ne devaient pas exister jusqu'à ce que l'on trouve les raisons de leur existence. En particulier, la première exoplanète découverte, 51 Peg b, est un Jupiter chaud. Comme une centaine de ses cousines, ces planètes, de la taille de Jupiter mais 10x plus proches que MercureMercure de leur soleilsoleil, n'étaient pas vraiment prédites par les modèles de formation planétaire, qui avaient tendance à reproduire le Système solaireSystème solaire.
De manière similaire, le télescopa Kepler a découvert une continuité de mondes entre la taille de Neptune et celle de la Terre. Ces mini-Neptunes ou Super-TerresSuper-Terres n'étaient pas non plus prédites et donc, ne devaient pas exister.
Futura : Selon vous, quels types d’exoplanètes ne « devraient pas exister » mais dont vous vous dites qu’elles pourraient finalement bien exister ?
Vivien Parmentier : Une question compliquée ! J'aimerais beaucoup que l'on trouve des planètes-océans: composé à 50 % d'eau comme les lunes de Jupiter, mais suffisamment chaudes pour avoir un océan et une atmosphère de vapeur d'eau, donc plutôt une planète-saunasauna.
Futura : Quels sont les types d’exoplanètes existants les plus surprenants ?
Vivien Parmentier : Je suis fasciné par la capacité des planètes de se former et de survivre dans tout type d'environnement. Nous avons trouvé des planètes autour de pulsarspulsars, qui ont donc dû survivre à l'explosion de leur étoile hôte ! Ce serait fascinant de trouver une planète autour d'un trou noirtrou noir, comme la planète de Miller dans Interstellar. La proximité du trou noir permettrait de chauffer la planète uniquement en concentrant les photonsphotons reçus de tout l'Univers sur l'orbite de la planète. Mais la surprise finale viendra sûrement de la détection de vie dans des environnements inattendus, considérés actuellement comme trop chauds, trop froids, trop acidesacides ou trop secs.