Un sursaut gamma long exotique, l'une des catastrophes cosmiques les plus brillantes connues, serait le résultat de la collision de deux astres compacts errant initialement autour d'un trou noir supermassif, par exemple deux étoiles à neutrons dans le disque d'accrétion entourant ce trou noir. C'est le scénario proposé pour rendre compte de l'énigmatique GRB 191019A.
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Les sursauts gamma, appelés en anglais gamma-ray bursts (GRB), sont restés inconnus de la communauté des astrophysiciensastrophysiciens pendant des années après leur découverte. Ce n'est qu'après que le secret militaire a été levé en 1973 concernant les observations de la famille des satellites Vela états-uniens que cette même communauté a commencé à s'étonner de leur existence. Elle a ainsi compris que les bouffées de rayonnement gamma détectées en juillet 1967 par ces satellites initialement dédiés à vérifier l'application des traités interdisant les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphèreatmosphère ne pouvaient pas provenir des événements astrophysiques connus à cette époque, comme les éruptions solaires ou les supernovaesupernovae et novaenovae classiques.
Les GRB étaient si exceptionnellement brillants qu'ils semblaient défier la physique connue jusqu'à ce que l'on comprenne que la majorité de l'énergieénergie libérée pouvait l'être sous forme de jets focalisés et pas dans toutes les directions comme le ferait une explosion. On obtenait quand même des chiffres spectaculaires car c'est environ mille fois la massemasse de la Terre qui est convertie en rayonnement principalement gamma, mais aussi X et dans le visible par un GRB.
On sait qu'ils sont de deux grands types, les sursauts gamma courts qui ne durent que deux secondes tout au plus et les sursauts gamma longs, quelques heures. Ce n'est qu'au cours des années 1990 et des années 2000 que l'on a commencé à vraiment comprendre la théorie derrière ces catastrophes cosmiques et à pouvoir les localiser relativement précisément sur la voûte céleste.
Une très belle vue d'artiste de l'explosion d'une hypernova avec la formation d'un trou noir dans l'étoile génitrice. Ces images de synthèse illustrent le modèle d'hypernova, qui doit rendre compte de la majorité des sursauts gamma longs. Avant l'explosion d'une étoile très massive, un trou noir se forme à la place de son cœur en avalant ensuite le reste de l'étoile. Comme il se forme aussi un disque d'accrétion avec des jets de particules, on les voit émerger de la surface de l'étoile et se propager dans le milieu interstellaire en créant une onde de choc. Des émissions de photons gamma s'y produisent alors. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Desy, Science Communication Lab
Une kilonova qui mime une hypernova ?
Les sursauts gamma courts sont alors conçus comme résultant de la collision de deux étoiles à neutronsétoiles à neutrons dans un système binairesystème binaire du fait de la perte d'énergie sous forme d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles. La collision finale conduisant à ce que l'on appelle une kilonova, un scénario démontré il y a quelques années avec l'essor de l'astronomie gravitationnelle rendue possible par LigoLigo et VirgoVirgo et qui a abouti à la détection en 2017 de la source GW 170817 associée à GRB 170817A, le sursaut gamma court observé à la fois par les satellites Fermi et Integral.
Les sursauts gamma longs relèvent eux du scénario des hypernovaehypernovae expliqué par la vidéo ci-dessus. En fait, la frontière entre les deux types de GRB est un peu floue et on a découvert des événements qui, si de prime abord relevaient d'un des scénarios, étaient en réalité mieux expliqués par l'autre, comme l'illustre d'ailleurs un article récemment publié dans le célèbre journal Nature Astronomy et dont une version existe aussi sur arXiv.
Dans l'article de Nature, les astrophysiciens se sont penchés sur le cas de GRB 191019A, un sursaut gamma ayant duré environ une minute et détecté le 19 octobre 2019 par le satellite Neil Gehrels SwiftSwift Observatory de la NasaNasa. Il a été localisé au cœur d'une vieille galaxiegalaxie et on pouvait également observer au sol, mais sa contrepartie dans le visible avec le télescopetélescope de huit mètres de l'observatoire Gemini Sud au Chili.
Comme aucune trace de supernovae et encore moins d'hypernovae n'a été mise en évidence à ce moment-là, les astrophysiciens ont été forcés d'envisager un autre scénario pour expliquer GRB 191019A tout en tenant compte de données du télescope le situant dans un environnement bien particulier, à savoir une sphère d'environ 100 années-lumièreannées-lumière de diamètre entourant un trou noir supermassif. La densité stellaire y est énorme, jusqu'à environ un million d'étoiles dans un volumevolume de quelques années-lumière de diamètre. Pour mémoire, dans le disque de la Voie lactéeVoie lactée, la distance entre deux étoiles est d'environ 4 années-lumière en moyenne.
Un nouveau scénario pour des émissions d'ondes gravitationnelles
Les calculs des chercheurs conduisent donc à penser que pour expliquer GRB 191019A il faut des collisions entre des astresastres compacts comme des naines blanchesnaines blanches, des étoiles à neutrons et des trous noirstrous noirs, éventuellement dans le disque d'accrétiondisque d'accrétion riche en gazgaz du trou noir supermassiftrou noir supermassif central.
Mais il ne s'agirait pas de collisions entre des astres faisant initialement partie d'un système binaire, mais bien de l'analogue des collisions entre les moléculesmolécules d'un gaz se déplaçant dans toutes les directions dans un volume donné.
« Ces nouveaux résultats montrent que les étoiles peuvent rencontrer leur disparition dans certaines des régions les plus denses de l'UniversUnivers où elles peuvent être amenées à entrer en collision. C'est passionnant pour comprendre comment les étoiles meurent et pour répondre à d'autres questions, telles que quelles sources inattendues pourraient créer des ondes gravitationnelles que nous pourrions détecter sur Terre », a déclaré dans un communiqué du NSF's NOIRLab (National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory, le centre national états-unien pour l'astronomie optique nocturnenocturne au sol) Andrew Levan, astronomeastronome à l'Université Radboud aux Pays-Bas et auteur principal de l'article paru dans la revue Nature Astronomy.