Les quasars sont sans doute les manifestations les plus spectaculaires de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein. Ce sont des monstres brillant comme des centaines de milliards d'étoiles, tirant leur énergie de la matière tombant sur un trou noir supermassif en rotation. Des astronomes viennent d'en identifier un qui bat plusieurs records et que l'on observe tel qu'il était il y a environ 12 milliards d'années !
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On le sait, Einstein ne croyait pas à l'existence des solutions des équations de la théorie de la relativité générale que nous appelons aujourd'hui des trous noirs. Pour lui, une généralisation de sa propre théorie relativiste de la gravitation montrerait sûrement que ces solutions n'étaient que des artefacts du caractère incomplet de la description de la physique que donnait la relativité générale. Il pensait même de toute façon que physiquement, les trous noirs ne pouvaient pas se former. Robert Oppenheimer finira pourtant par montrer le contraire sur ce dernier point avec ses élèves, à tel point qu'on peut le qualifier de fondateur de la théorie des trous noirs, bien que dans un état encore très rudimentaire par rapport à ce qu'elle deviendra des années 1960 aux années 1970.
Aujourd'hui, nous savons qu'il y a des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs, ou pour le moins des objets qui se comportent à bien des égards comme tel dans probablement toutes les grandes galaxies. Ils contiennent au moins un million de massesmasses solaires, sont très probablement en rotation, et quand ils accrètent beaucoup de matièrematière en formant un disque d'accrétiondisque d'accrétion ils produisent alors à l'extérieur de leur horizon des événementshorizon des événements (qui délimite une région fermée d'où la lumièrelumière ne peut s'échapper ni encore moins la matière sauf avec des effets quantiques) une libération d'énergieénergie prodigieuse qui les rend incroyablement brillants et bien visibles à des milliards d'années-lumièreannées-lumière.
Cette vue d'artiste montre le quasar J059-4351, le noyau lumineux d'une galaxie lointaine alimentée par un trou noir supermassif. Grâce au Very Large Telescope (VLT) de l'ESO au Chili, ce quasar s'est révélé être l'objet le plus lumineux connu à ce jour dans l’Univers. Le trou noir supermassif, que l'on voit ici aspirer la matière environnante en tourbillonnant, a une masse 17 milliards de fois supérieure à celle du Soleil et sa masse augmente de l'équivalent d'un autre Soleil par jour, ce qui en fait le trou noir dont la croissance est la plus rapide jamais connue. © ESO, M. Kornmesser
L'astre le plus lumineux observé à ce jour
Il s'agit des quasars et une publication dans Nature Astronomy vient de faire savoir que des astronomesastronomes ayant utilisé le Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESOESO) ont découvert un quasarquasar brillant qu'ils observent tel qu'il était il y a environ 12 milliards d'années, catalogué sous le numéro J0529-4351. Or ce quasar est non seulement le plus brillant de sa catégorie, mais aussi de l'objet le plus lumineux jamais observé, comme l'explique un communiqué de l'ESO accompagnant l'article de Nature qui contient plusieurs commentaires des chercheurs derrière cet article.
Ainsi, Christian Wolf, astronome à l'Australian National University (ANU) et auteur principal de l'étude publiée aujourd'hui, explique que : « Nous avons découvert le trou noir à la croissance la plus rapide connue à ce jour. Il a une masse de 17 milliards de soleilssoleils et mange un peu plus d'un soleil par jour. Cela en fait l'objet le plus lumineux de l'UniversUnivers connu ».
Samuel Lai, doctorant à l'ANU et coauteur de l'étude, ajoute que « toute cette lumière provient d'un disque d'accrétion chaud qui mesure sept années-lumière de diamètre - il doit s'agir du plus grand disque d'accrétion de l'Univers ». À lui seul, le disque brille comme 500 000 milliards de Soleil en s'étendant sur environ 7 années-lumière, soit 15 000 fois la distance entre le Soleil et l'orbiteorbite de NeptuneNeptune, précise le communiqué de l'ESO (Il y a quelques années on avait détecté un quasar brillant comme 600 000 milliards de Soleil mais cette luminosité était amplifiée d'un facteur 60 environ par une lentille gravitationnelle et ne représentait donc pas la vraie luminosité du quasar).
Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS, et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs, notamment des grands trous noirs supermassifs des galaxies qui sont derrière les quasars et qui impactent l'évolution des galaxies. © Fondation Hugot du Collège de France
Le saviez-vous ?
En 1963, Maarten Schmidt et John Beverly Oke publiaient dans le journal Nature les résultats des observations qu’ils avaient réalisées en utilisant notamment la technique des occultations. Ils cherchaient à déterminer la contrepartie optique d’une source radio puissante découverte quelques années auparavant par un autre astronome, Allan Sandage. La source avait été baptisée 3C 273, ce qui veut dire qu’elle était le 273e objet du troisième catalogue de Cambridge recensant les sources radio.
L’article de Schmidt et Oke fut un coup de tonnerre dans le ciel de l’astrophysique et de la cosmologie. L’analyse spectrale de l’astre qu’ils avaient identifié dans le visible dans la constellation de la Vierge révélait des lignes d’émission de l’hydrogène fortement décalées vers le rouge. Cela signifiait que ce qui apparaissait comme une étoile se situait en dehors de la Voie lactée, mais surtout à une distance cosmologique. Pour être observable d’aussi loin, l’objet devait être d’une luminosité prodigieuse.
Cette découverte d’une quasi-stellar radio source, un quasar selon la dénomination proposée en 1964 par l’astrophysicien d’origine chinoise Hong-Yee Chiu, démontrait que l’Univers était différent dans le passé, et donc évoluait. Ceci n’était pas possible dans le cadre du modèle cosmologique standard de l’époque, selon lequel, bien qu’en expansion, l’Univers devait apparaître inchangé pour tous ses observateurs, quelle que soit leur position dans le temps. En revanche, l’existence de 3C 273 était en parfait accord avec la théorie du Big Bang, puisque celle-ci prévoyait que si l’on observait des objets à des distances suffisamment grandes, on remontait de plus en plus loin dans le passé et l’histoire d’un Univers en évolution. Il était donc normal d’observer à des milliards d’années-lumière un univers dont l’aspect diffère de celui qu'il avait il y a seulement quelques dizaines de millions d’années, donc dans l'environnement proche de la Voie lactée.
On sait aujourd’hui que le quasar 3C 273 est situé à 2,44 milliards d'années-lumière à l’intérieur d’une galaxie elliptique géante.
Un quasar paradoxalement trop brillant pour être détectable
On pourrait penser que les caractéristiques record de J0529-4351 auraient dû permettre sa découverte depuis longtemps mais, en fait, elles ont plutôt joué en sa défaveur. L'illustration la plus frappante de cela peut se constater avec ce qui lui est arrivé avec les observations du satellite Gaiasatellite Gaia qui scrute un très grand nombre d'étoilesétoiles.
Les données de Gaia font ensuite l'objet d'analyse par des algorithmes d'apprentissage automatique. Ces algorithmes avaient bien repéré J0529-4351 mais pour eux, il était trop brillant pour être un quasar et devait donc être une étoile proche pour apparaître aussi lumineux.
Des astronomes ont identifié le quasar le plus lumineux observé à ce jour, qui est alimenté par le trou noir à la croissance la plus rapide. Cette vidéo résume la découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO
Le statut de quasar pour J0529-4351 n'a été établi qu'en 2023 en utilisant des observations du télescopetélescope de 2,3 mètres de l'ANU à l'observatoire de Siding Spring en Australie. Pour découvrir qu'il s'agissait du quasar le plus lumineux jamais observé, il a fallu le spectrographe X-shooter du VLT de l'ESO. Il sera étudié encore plus finement dans le futur par l'instrument Gravity+ de l'interféromètreinterféromètre du VLT (VLTI).