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L'asymétrie dans le rayonnement fossile est ici artificiellement exagérée pour la rendre nettement visible. Crédit : H. K. Eriksen
Il n'est probablement pas exagéré de dire que la preuve la plus décisive de la théorie du Big BangBig Bang provient de l'étude fine du rayonnement fossile laissé par celui-ci et que l'on observe dans toutes les directions de la sphère céleste dans le domaine des micro-ondes. Sa nature de corps noir, parfaite à 10-5 près, et sa température de 2,725 K sont exactement ce à quoi on s'attendait dans le cadre de la théorie du Big Bang. Surtout, les infimes fluctuations de température que l'on y détecte et la polarisation de la lumière qu'il contient nous permettent de remonter, en théorie du moins, à la forme et au contenu en matière et en énergie de l'UniversUnivers primordial. Des renseignements précieux sur les mécanismes à l'origine de la naissance de la matière, celle des galaxiesgalaxies et peut-être même sur la physiquephysique du temps de Plancktemps de Planck, y sont codés. On comprend donc pourquoi plusieurs expériences ont exploré ce phénomène depuis des dizaines d'années.
Les plus célèbres sont les missions Cobe et surtout WMap qui ont fourni une carte extraordinaire des fluctuations de température du rayonnement fossile, appelé encore le rayonnement de fond diffusdiffus. Sans en apporter la preuve, les dernières observations de WMap soutiennent fortement ce qui est en train de devenir le modèle standardmodèle standard en cosmologiecosmologie primordiale, le modèle inflationnaire proposé par Alan Guth, Andrei Linde et quelques-uns de leurs collègues.
Celui-ci repose sur l'existence encore hypothétique d'un champ scalaire, analogue à celui du boson de Higgs, et qui aurait entraîné une brusque accélération transitoire de l'expansion de l'Univers. C'est ce champ encore inconnu et provisoirement baptisé l'inflatoninflaton qui, en fluctuant, aurait créé non seulement les fluctuations de densité de la matière noire à l'origine des galaxies mais aussi la matière du cosmoscosmos.
Cliquez pour agrandir. En haut, la première carte du rayonnement fossile fournie à partir de 1992 par Cobe et en bas celle fournie ces dernières années par WMap. Le gain en précision est net. Crédit : université de Rochester
Une moitié du ciel plus hétérogène que l'autre
Il existe un nombre très élevé de modèles capables de produire une période inflationnaire de l'Univers et l'étude du rayonnement fossile est un bon moyen de contraindre les théories. Or justement, Marc Kamionkowski, Adrienne Erickcek et Sean Carroll, tous trois astrophysiciensastrophysiciens et cosmologistes au Caltech, la célèbre université où Richard Feynman était professeur, viennent de publier un article à ce sujet.
Les observations de WMap indiquent un fait assez curieux qui, sans réfuter l'inflation, est un peu gênant pour cette théorie. De fait, on parle généralement assez peu de ces mesures révélant qu'en moyenne, l'une des moitiés de la sphère céleste présente des fluctuations thermiques plus importantes que dans l'autre hémisphère.
Les auteurs de l'étude ont tenté de rendre compte de ce fait en imaginant qu'au tout début de l'inflation, le champ scalaire - l'inflaton -, présentait des différences de valeurs plus importantes que l'on ne l'imaginait dans les régions de l'espace aujourd'hui visibles et qui ont été dilatées par son expansion. Mais malheureusement cela ne fonctionne pas !
On produit bien, ainsi, une asymétrie mais cela implique des fluctuations de températures partout dans le rayonnement fossile qui doivent être plus élevées que ce que l'on observe. Toutefois, si l'on introduit un second champ scalaire particulier baptisé le curvaton, comme Linde et d'autres avaient proposé de le faire dès le milieu des années 1990, on peut expliquer les observations de WMap. On disposerait alors d'une fenêtrefenêtre nouvelle sur ce qui s'est passé pendant l'inflation et la théorie prédit des phénomènes en principe détectables par la mission Planckmission Planck, que l'Esa devrait lancer cette année.
Marc Kamionkowski et Adrienne Erickcek n'hésitent pas cependant à évoquer une autre conséquence de cette bizarre asymétrie dans le rayonnement de fond diffus, peut-être en relation avec le curvaton. Il pourrait s'agir d'une fenêtre sur ce qui s'est passé non pas seulement pendant l'inflation mais même... avant le Big Bang.