La question de savoir si les magnétars et les autres étoiles à neutrons ont ou n'ont pas des atmosphères fait toujours l'objet de débats. Cependant, de nouvelles observations concernant la polarisation des rayons X émis par un magnétar viennent d'apporter une nouvelle pièce à ce débat et également à celui concernant l'existence de ce que l'on appelle la biréfringence magnétique du vide quantique.
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Les concepts d'étoile à neutrons et de trou noir en tant que produit de l'effondrementeffondrement d'une étoile sous l'effet de sa propre gravitation dans le cadre de la théorie de la relativité générale datent de la fin des années 1930 lorsque Robert Oppenheimer a posé le socle de ces concepts avec des articles écrits en collaboration avec ses étudiants de l'époque : « On Massive Neutron Cores », avec Georges Volkoff, et « On Continued Gravitational Contraction », avec Hartland Snyder.
La révolution à leur sujet va se produire au cours des années 1960 d'abord d'un point de vue théorique avec notamment des travaux que l'on doit aux prix Nobel de physique Kip Thorne et Roger Penrose mais aussi à des chercheurs du calibre de John Wheeler et Stephen Hawking. Mais, toute théorie ne vaut que par les tests observationnels qu'elle subit et la première signature de l'existence des étoiles à neutrons n'a été trouvée qu'en 1967 avec la découverte du premier pulsarpulsar. En 1972, ce fut le trou du premier trou noir avec des observations concernant la source de rayons Xrayons X baptisée Cygnus X1, clairement associée à un astreastre compact et sans signature stellaire, mais provoquant par sa massemasse les mouvementsmouvements oscillants d'une supergéantesupergéante formant avec lui un système binairesystème binaire.
Qu'est-ce qu'une étoile à neutrons ? Quelle différence entre ces étoiles et notre Soleil ? Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA, nous explique que les étoiles à neutrons rayonnent très peu en lumière visible, contrairement à notre Soleil. Aussi, les étoiles à neutrons ont des tailles beaucoup plus petites que celle du Soleil : une étoile à neutrons a un diamètre compris entre 10 et 15 km, contre 1,4 million de km pour le Soleil. Ce sont également des objets compacts qui contiennent une quantité importante de matière dans un volume très petit. Étudier ces étoiles permet de tester à une échelle différente les théories de physique nucléaire. Une vidéo co-réalisée avec L'Esprit Sorcier. © CEA Recherche
La riche physique des étoiles à neutrons
L'étude des trous noirs et des étoiles à neutrons se poursuit de nos jours. Les étoiles à neutrons font moins rêver le grand public mais elles sont riches d'effets physiques spectaculaires, faisant intervenir aussi bien la superfluiditésuperfluidité que les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles et même ce que l'on appelle la biréfringencebiréfringence magnétique du vide quantique. Cette dernière peut modifier la polarisation des ondes lumineuses. Nous y reviendrons plus en détail.
Un nouvel exemple de l'existence d'un vaste champ d'études toujours ouvert en ce qui concerne les étoiles à neutrons vient d'être donné avec une publication sur arXiv. Elle concerne une forme exotiqueexotique d'étoiles à neutrons que l'on a découverte plus récemment et que l'on appelle un magnétarmagnétar. Comme son nom le laisse deviner, ces étoiles à neutrons possèdent un champ magnétiquechamp magnétique particulièrement intense, 100 à 1 000 fois plus puissant que ceux des étoiles à neutrons standard qui sont déjà spectaculairement forts.
Ce sont les données collectées par un satellite de la NasaNasa, Imaging X-ray Polarimetry Explorer (IXPE), qui a été lancé en décembre dernier, qui ont étonné les astrophysiciensastrophysiciens. Elles concernaient donc un magnétar, celui connu dans les catalogues sous la dénomination de 4U 0142+61, situé dans la constellationconstellation de Cassiopée, à environ 13 000 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire.
Les magnétars peuvent être particulièrement brillants dans le domaine des rayons X avec des éruptions qui peuvent libérer en une seconde une quantité d'énergieénergie des millions de fois supérieure à ce que notre SoleilSoleil émet en un an.
IXPE peut mesurer la polarisation des rayons X à diverses énergies. Rappelons, comme on peut le constater dans le célèbre cours de physique du prix Nobel Richard Feynman, que la polarisation de la lumière concerne la façon dont le champ électriquechamp électrique qui la compose vibre lors de la propagation d'une onde électromagnétiqueonde électromagnétique. Une polarisation linéaire décrit un champ qui se comporte comme une flèche de longueur et de sens oscillant selon une droite fixe dans l'espace mais perpendiculaire à la direction de propagation de l'onde. En passant dans un milieu matériel ou dans une région où règne un champ magnétique, cet état de polarisation peut changer.
Des explications sur la polarisation de la lumière étudiée avec IXPE. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Marshall Space Flight Center
Une condensation magnétique de l'atmosphère
En fait, on s'attendait à ce que la lumière produite par la surface d'une étoile à neutrons, qui est solidesolide et constituée d'un réseau cristallinréseau cristallin de noyaux de ferfer pour l'essentiel dans un état de densité extrême mais aussi de température élevée (en moyenne 100 fois celle de la surface du Soleil, soit environ 600 000 K), soit polarisée par son passage à travers une fine atmosphèreatmosphère. Son existence et sa composition dépendent en fait de la température, de la gravitégravité et enfin du champ magnétique de l'étoile à neutrons.
Dans le cas de 4U 0142+61, les chercheurs ont trouvé une proportion beaucoup plus faible de lumière polarisée que celle à quoi on pouvait s'attendre, ce qui déjà suffit à mettre en question l'existence d'une atmosphère. Mais surtout, la polarisation changeait drastiquement à des énergies élevées pour les rayons X, suivant en cela ce que les modèles théoriques prédisaient si l'étoile à neutrons avait une croûtecroûte purement solide entourée d'une magnétosphèremagnétosphère externe remplie de courants électriquescourants électriques.
Selon Roberto Turolla, de l'université de Padoue, qui a mené l'équipe d'astrophysiciens derrière ces observations : « La polarisation à basse énergie nous dit que le champ magnétique est probablement si fort qu'il a fait changer d'état l'atmosphère autour de l'étoile, la transformant en un solide ou un liquideliquide, un phénomène connu sous le nom de condensationcondensation magnétique. » Sa collègue Silvia Zane précise que pour elle : « C'était complètement inattendu. J'étais convaincue qu'il y aurait une atmosphère. Le gazgaz de l'étoile a atteint un point de basculement et est devenu solide de la même manière que l'eau peut se transformer en glace. Ceci est le résultat du champ magnétique incroyablement puissant de l'étoile. Mais, comme pour l'eau, la température est également un facteur - un gaz plus chaud nécessitera un champ magnétique plus fort pour devenir solide. Une prochaine étape consistera à observer des étoiles à neutrons plus chaudes avec un champ magnétique similaire, pour étudier comment l'interaction entre la température et le champ magnétique affecte les propriétés de la surface de l'étoile. »
En fait, les observations concernant la polarisation des émissionsémissions X du magnétar sont potentiellement plus bavardes encore car les chercheurs en déduisent qu'elles manifestent peut-être un autre effet possible avec les champs magnétiques très intenses d'une étoile à neutrons. Les chercheurs ont ainsi peut-être observé également la mythique biréfringence magnétique du vide quantique.
Qu'est-ce qui se cache sous ce nom ésotérique ? Reprenons des explications déjà données par Futura à ce sujet.
Une électrodynamique non linéaire issue du vide quantique
Il s'agit de l'équivalent d'un phénomène découvert avec de la lumière se propageant dans un milieu matériel plongé dans un champ magnétique, l'effet Cottom-Moutton. Elle possède alors deux vitessesvitesses de propagation possibles et donc deux indices de réfractionindices de réfraction, de sorte que se produit un dédoublement de la propagation de la lumière analogue à celui observé dans le célèbre cristal d'Islande, le spathspath. On parle de biréfringence.
Mais comme on observe cette biréfringence dans le vide et qu'il s'agit d'une manifestation de la théorie quantique des champs, plus précisément de la théorie de l'électrodynamique quantiqueélectrodynamique quantique dont les bases ont été posées dans les années 1930 par Heisenberg, Pauli, Dirac et Fermi, on parle donc de biréfringence magnétique du vide quantique.
Il s'agit d'une conséquence de ce que l'on appelle l'électrodynamique non linéaire. Normalement, des ondes lumineuses se traversent les unes les autres sans s'affecter dans le vide. Mais si les champs électriques et magnétiques de ces ondes sont suffisamment intenses, on peut montrer, et c'est ce qu'ont fait en particulier Werner Heisenberg et son collègue Hans Heinrich Euler en 1936, que ces champs créent des paires de particules et d'antiparticulesantiparticules, en l'occurrence des électronsélectrons et des positronspositrons, à partir du vide quantique. Les calculs montrent alors que les équations de Maxwelléquations de Maxwell décrivant le champ électromagnétiquechamp électromagnétique dans le vide cessent d'être linéaires et que l'on peut, entre autres et en quelque sorte, faire entrer en collision des rayons lumineux qui vont se dévier les uns les autres comme le feraient des collisions de particules. La biréfringence dans le vide est un autre aspect de l'électrodynamique non linéaire.