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La détection de molécules organiques dans les nuages interstellaires grâce aux progrès de la radioastronomie a été une découverte à laquelle personne ne s'attendait. On a réalisé récemment que la cosmochimie dans ces nuages était même probablement plus active et complexe qu'on ne l'imaginait, à cause de l'effet tunnel. La présence de ces molécules est lourde de signification, car elles doivent se retrouver dans les matériaux des disques protoplanétaires que l'on observe, y compris dans les restes de ces disques, à savoir des astéroïdes. On peut donc en conclure que la chimie prébiotiqueprébiotique à l'origine de la vie doit se retrouver dans tous les systèmes planétaires en formation.
Notre Système solaire ne devrait pas échapper à cette règle. Pour le vérifier, il suffit d'examiner les météoritesmétéorites. Venant principalement de la Ceinture d’astéroïdes, plusieurs des météorites arrivées sur Terre contiennent en effet des molécules organiques. On les trouve dans les fameuses chondriteschondrites carbonées, comme celle de Murchison ou d'Allende. Or, certaines de ces chondrites portent des traces montrant qu'elles ont été portées à des températures élevées, avant d'entrer dans l'atmosphèreatmosphère de la Terre. Des altérations aqueuses des minérauxminéraux de ces objets, ainsi que la présence de certaines molécules prébiotiques, montrent que de l'eau chaude a circulé dans des corps célestes parents de ces météorites. De plus, certaines météorites ne sont pas des chondrites, mais ressemblent à des roches volcaniquesroches volcaniques terrestres et même à des roches métamorphiquesroches métamorphiques : on les appelle des achondritesachondrites. L'existence de météorites métalliques constituées de ferfer de nickelnickel, les sidéritessidérites, s'ajoutant à ce tableau, on en déduit que ces achondrites proviennent de gros astéroïdesastéroïdes, voire de petites planètespetites planètes, différenciées.
Radioactivité et induction, la recette pour chauffer les astéroïdes
Mais qui dit différenciation, avec formation d'un cœur métallique et d'un manteaumanteau surmonté par une croûtecroûte comme dans le cas de la Terre, dit sources de chaleurchaleur. Une première hypothèse pour expliquer ces sources est naturellement de faire intervenir des isotopes radioactifs de courtes périodes. On sait que de l'aluminiumaluminium 26, provenant de l'explosion d'une étoileétoile en supernova juste avant la formation du disque protoplanétaire du Système solaire, était présent dans les comètes et les planétésimaux pendant les premiers millions d'années de sa formation. Depuis les travaux d'Urey, le prix Nobel de chimie, on sait que la radioactivitéradioactivité de cet isotopeisotope devait être la principale source de chaleur dans les jeunes corps célestes.
Une vue d'artiste de l'époque où le Soleil était encore une protoétoile tirant son énergie de la seule contraction gravitationnelle. Un disque protoplanétaire (en vert) l'entourait, alimenté par la chute de gaz et de poussières issus de la nébuleuse protosolaire (en bleu avec des flèches noires). Le Soleil était alors en phase T Tauri et émettait donc un intense rayonnement ultraviolet. C'est à cette époque, pendant les premiers millions d'années de l'histoire du Système solaire, que nombre d'astéroïdes ont subi un chauffage important. © Lawrence Berkeley National Laboratory
Or, il existe un gradientgradient minéralogique dans la Ceinture d'astéroïdesCeinture d'astéroïdes qui renvoie à des processus d'accrétionaccrétion à l'origine des corps célestes. Ce gradient ne permet pas d'expliquer facilement le nombre de météorites portant des traces de chauffage uniquement en se basant sur la désintégration d'éléments radioactifs. C'est pourquoi, dès 1968, il avait été proposé un autre mécanisme, celui du chauffage par induction.
L'idée était simple et brillante. En raison des lois de la relativité restreinte, un champ magnétiquechamp magnétique dans un référentielréférentiel au repos peut apparaître comme un champ électriquechamp électrique dans un autre référentiel en mouvementmouvement par rapport au premier (et inversement). En modélisant les astéroïdes comme des corps diélectriquesdiélectriques en mouvement dans le champ magnétique du jeune SoleilSoleil en phase TT-Tauri, un groupe de physiciensphysiciens en avait déduit que des courants électriquescourants électriques y étaient produits. On pouvait donc rendre compte des températures élevées atteintes dans les astéroïdes par effet Jouleeffet Joule.
Un plasma faiblement ionisé autour des protoétoiles T-Tauri
Des chercheurs du Rensselaer Polytechnic Institute viennent pourtant de remettre en cause dans un article sur arxiv, non pas la théorie du chauffage électromagnétique des astéroïdes en elle-même, mais son applicationapplication. En effet, depuis le début des années 1970, notre connaissance des protoétoiles en phase T TauriT Tauri ainsi que celle des disques protoplanétaires ont progressé. L'environnement de ces étoiles, en particulier le plasma dans les disques les entourant, ne se révèle pas conforme aux premiers modèles avancés il y a des dizaines d'années. Les astéroïdes devaient se déplacer dans un mélange de gazgaz neutres et de plasma qui, au final, était un milieu faiblement ionisé. On supposait qu'il l'était totalement. Surtout, les physiciens se sont rendu compte que le raisonnement sous-tendant les calculs de leurs prédécesseurs était faux.
L'idée d'un chauffage par induction électromagnétique est peut-être encore viable, mais les chercheurs sont en train de réexaminer la question dans le cadre de ce qu'on appelle la magnétohydrodynamique multifluide. Ils disposent de nouvelles équationséquations, mais il est encore trop tôt pour savoir si elles suffisent à rendre compte des observations concernant l'histoire thermique des corps de la Ceinture d'astéroïdes, ainsi que de la chimie prébiotique s'y étant déroulée et à l'origine de la vie sur Terre.