Les lois de la mécanique céleste implique l'existence de région en orbite autour du Soleil et des planètes où des petits corps célestes peuvent se retrouver piégés. Hubble a permis de zoomer sur une comète faisant partie de la famille des centaures alors qu'elle se trouve, temporairement dans l'une de ces régions en compagnie de ce que l'on appelle les astéroïdes troyens de Jupiter.


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    Elle s'appelle P/2019 LD2, LD2 en abrégé, et comme son nom l'indique, c'est une comète périodique découverte en 2019, et ce, avec l'Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System (ATLAS, en français système d'alerte ultime d'impact d'astéroïde) deux télescopes de 0,5 m situés à 160 km de distance, dans des observatoires au sommet du Haleakalā (ATLAS-HKO) et du Mauna Loa (ATLAS-MLO) à Hawaï équipés d'un système automatisé afin de détecter des géocroiseurs quelques semaines à quelques jours avant qu'ils n'entrent en collision avec notre Planète bleue.

    L'étude de LD2 a montré qu'elle faisait partie de  la famille des comètes de JupiterJupiter (en anglais JFC pour Jupiter Family Comets) qui regroupe des comètes périodiques et dont la plupart d'entre elles possèdent une courte période de révolution de 5,93 à 11,86 ans. Mais initialement, LD2 se présentait comme un potentiel astéroïde de la famille des TroyensTroyens de Jupiter. Mais des observations conduites avec l'aide du télescope infrarouge Spitzer alors qu'il était encore actif au début de l'année 2020 ont montré qu'il semblait dégazer, ce qui a motivé la mobilisation de HubbleHubble pour observer LD2 de plus près, ce que seul permettait le télescope spatiale pour un objet aussi lointain.

    Le caractère cométaire a rapidement été confirmé et il est clair maintenant que P/2019 LD2 fait partie de la famille des centaures à laquelle Futura avait consacré le précédent article ci-dessous.


    Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Goddard

    Un centaure devenu troyen qui deviendra interstellaire ?

    En fait, la découverte est particulièrement intéressante comme on peut s'en rendre compte en lisant l'article publié dans The Astronomical Journal et que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv. LD2 se trouve maintenant sur une orbiteorbite autour du SoleilSoleil dont l'analyse à l'aide des lois de la mécanique céleste et l'utilisation de simulations numériquessimulations numériques indique que la comète fait transitoirement partie des troyens de Jupiter. Mais  d'ici deux ans, le champ de gravitégravité de la géante, qui avait perturbé sa trajectoire en provenance de la fameuse ceinture de Kuiperceinture de Kuiper au-delà de NeptuneNeptune pour la faire coïncider avec l'une des régions entourant un des point de Lagrange de Jupiter, va aussi l'éjecter de cette famille de petits corps célestes.

    P/2019 LD2 devrait alors continuer son voyage vers le Système solaireSystème solaire interne. Le jeu de flipper interplanétaire causé par les perturbations gravitationnelles pour les comètes de courtes périodes les conduit généralement à s'approcher trop près du Soleil ce qui les détruit. Le satellite Soho (Solar and Heliospheric Observatory) en a surpris ainsi déjà plus de 4.000 frôlant dangereusement notre étoileétoile. Mais dans le cas de LD2, plus de 90% des simulations numériques conduites en tenant compte des imprécisions des mesures concernant les paramètres orbitaux des corps célestes laissent penser que d'ici environ 500.000 ans la comète rencontrera une fois de trop de plus l'orbite de Jupiter qui lui donnera un effet de fronde suffisant pour en faire un objet interstellaire.

    Mais pour le moment, l'objet qui est incontestablement un centaure reste au voisinage des astéroïdes troyens et on peut donc considérer que  l'on a surpris les détails du piégeage des astéroïdes et comètes par Jupiter qui conduisent à la formation de ces objets au niveau des fameux points découvert par le mathématicienmathématicien Joseph-Louis LagrangeJoseph-Louis Lagrange  et qui sont soit en avance sur Jupiter (point L4), soit en retard (point L5).

    Ces points sont des exemple en mécanique céleste d'un phénomène bien connu et découvert mathématiquement par Euler (1764) puis Lagrange (1772) au dix-huitième siècle. Lorsque l'on considère deux corps, comme le Soleil et la Terre ou Jupiter et le Soleil, il existe 5 points particuliers entraînés par la rotation d'un des deux corps. Ils sont le lieux de valeurs extrêmes relativement à la combinaison des forces de gravitationforces de gravitation et de Coriolis dans le référentielréférentiel tournant autour du corps principal. Deux de ces points sont mécaniquement stables pour un corps céleste, comme un astéroïde, qui s'y retrouve piégé et peut tout au plus effectuer autour de ces points des mouvementsmouvements selon des trajectoires fermées.

    Le premier astéroïde troyen a été découvert en 1906 par Max Wolf qui l'a baptisé Achille. Depuis, on a donné des noms des héros grecs de l'Iliade aux corps célestes en L4 et des noms de héros troyens aux corps trouvés en L5.
    Le premier astéroïde troyen a été découvert en 1906 par Max Wolf qui l'a baptisé Achille. Depuis, on a donné des noms des héros grecs de l'Iliade aux corps célestes en L4 et des noms de héros troyens aux corps trouvés en L5.

    Pour plus de détails sur les points de Lagrange voir cet article. © Alexandre Pousse

     

     

     


    Astéroïdes : beaucoup de centaures seraient des comètes

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 06/08/2013

    Les centaures sont de petits corps célestes faisant partiellement penser à des astéroïdes, se déplaçant sur des orbites instables et très elliptiques entre Jupiter et Neptune. Certains d'entre eux se mettent parfois à dégazer tels des comètes lorsqu'ils s'approchent du Système solaire interne, et la mission Neowise vient de confirmer que leur surface réfléchissait la lumièrelumière dans l'infrarougeinfrarouge comme elles.

    Dans son livre Astéroïdes : la Terre en danger, Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet fait remarquer que depuis peu, la frontière entre comètes et astéroïdes est devenue assez floue. C'est particulièrement le cas pour un groupe d'objets célestes connus sous le nom de centaures. Comme leur nom issu de la mythologie grecque l'indique, les centaures ont une double nature. On les trouve sur des orbites très elliptiques entre Jupiter et Neptune. Fortement perturbées par les planètes géantesplanètes géantes, ces orbites ne sont pas stables et l'on estime que les 332 objets rassemblés dans la famille des centaures (dont 94 confirmés et numérotés) quitteront cette famille en quelques millions d'années tout au plus.

    Pendant un temps, les centaures étaient considérés comme des astéroïdes, mais assez  rapidement, il a été établi qu'ils partageaient (pour certains d'entre eux) des points communs avec les comètes. On pouvait penser que certains centaures étaient en réalité des comètes temporairement piégées entre Jupiter et SaturneSaturne.

    Des astéroïdes qui développent parfois une chevelure de comète

    De fait, le premier objet reconnu comme un centaure a été (2060) Chiron (à ne pas confondre avec CharonCharon, le satellite de Pluton). Découvert en 1977, on a eu la surprise de constater qu'il s'était mis temporairement à développer une chevelure cométaire en 1988 au moment où il s'approchait du périhéliepérihélie de son orbite.

    De nos jours, on pense donc que certains centaures ont une composition de glaces et de roches assez proche des comètes. Voilà ce qui a justifié que (2060) Chiron possède aussi un nom de comète : 95P/Chiron. Les centaures sont toutefois des objets nettement plus grands que les comètes, (10199) Chariklo a un diamètre de 258 km par exemple.

    Phoebé, une lune de Saturne, a été survolée par Cassini en 2004. On pense qu'elle a été capturée par Saturne et qu'elle aurait pendant un temps fait partie des centaures. Avant cela, elle appartenait peut-être à la ceinture de Kuiper au-delà de Neptune. © NasaContrairement à la <a title="La comète Wild 2 précise la date de formation de Jupiter" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-comete-wild-2-precise-date-formation-jupiter-37239/">comète Wild 2</a> ou à l’astéroïde <a title="L'astéroïde Lutetia est recouvert d'un épais manteau de régolite" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-asteroide-lutetia-recouvert-epais-manteau-regolite-25460/">Lutetia</a>, aucune sonde n’a encore survolé un centaure. Toutefois, certains suggèrent qu’une des lunes de Saturne, <a title="La sonde Cassini-Huygens a frôlé Phoebe, une lune de Saturne" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-sonde-cassini-huygens-frole-phoebe-lune-saturne-3843/">Phoebé</a>, qui a été examinée de près par Cassini, pourrait bien en être un ancien : elle ne ressemble pas à une comète, mais des éléments indiquent qu’il pourrait s'agir d’un centaure capturé. Cela renforce la nécessité de savoir quelle portion des centaures est vraiment constituée d’astéroïdes.Pour tenter de répondre à cette question, les astronomes ont utilisé le <em>Wide-field Infrared Survey Explore</em><em>r</em> (Wise), plus exactement la partie de la mission appelée Neowise consacrée à l’étude des comètes et des astéroïdes de type <em>Near</em>-<em>Earth Object</em> (Neo), des <a title="Astéroïdes géocroiseurs : comment mieux évaluer les risques ?" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-asteroides-geocroiseurs-mieux-evaluer-risques-46428/">géocroiseurs</a> donc. Il se trouve que les données collectées dans l’infrarouge par les instruments contiennent des informations sur les centaures. Les résultats des analyses de ces observations ont été publiés dans un article déposé sur <a title="Centaurs and Scattered Disk Objects in the Thermal Infrared: Analysis of WISE/NEOWISE Observations" target="_blank" href="http://arxiv.org/abs/1306.1862">arxiv</a>.Une vue d'artiste du <em>Wide-field Infrared Survey Explorer</em>, Wise, observant l'univers dans l'infrarouge. En arrière-plan, on voit une image en fausses couleurs de la voûte céleste obtenue avec les instruments du satellite. © NasaAu moins deux tiers des centaures ne sont pas des astéroïdesLe programme Neowise a permis d’estimer dans l’infrarouge l’albédo de 52 corps célestes parmi lesquels se trouvent des centaures, et ce que l’on appelle des objets épars, c’est-à-dire des objets transneptuniens situés au-delà de la <a title="La glace couvrant la planète naine Haumea ne serait pas amorphe" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-glace-couvrant-planete-naine-haumea-ne-serait-pas-amorphe-30213/?">ceinture de Kuiper</a> (à environ 48 UA), et dont l'orbite est fortement excentrique. Ces objets auraient été éjectés du disque planétaire par les forces gravitationnelles des <a title="Le VLT observe en direct la naissance d'une planète géante" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-vlt-observe-direct-naissance-planete-geante-44984/">planètes géantes</a>.On avait déjà observé la surface de certains centaures dans le visible. Jusqu’à présent, les images obtenues étaient soit de couleur bleu-gris, soit rougeâtres. Dans le premier cas, il pouvait s’agir aussi bien d’astéroïdes que de comètes. Dans le second, la balance penchait très nettement du côté des astéroïdes. En complétant ces observations par celles de <a title="Cinq mille astéroïdes nous menacent, dit la Nasa" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-cinq-mille-asteroides-nous-menacent-dit-nasa-38879/">Neowise</a>, il était possible de départager ces hypothèses.Il semble bel et bien que deux tiers des centaures aient en fait une couleur noire, les faisant ressembler aux comètes dont la surface glacée est recouverte d’une telle couche noire. La majorité des centaures serait donc des comètes. Mais comme des incertitudes persistent encore concernant la nature du tiers restant, qui ne serait pas forcément constitué d'astéroïdes, l’étude des données de Neowise se poursuit et apportera probablement plus de réponses.
    Phoebé, une lune de Saturne, a été survolée par Cassini en 2004. On pense qu'elle a été capturée par Saturne et qu'elle aurait pendant un temps fait partie des centaures. Avant cela, elle appartenait peut-être à la ceinture de Kuiper au-delà de Neptune. © NasaContrairement à la comète Wild 2 ou à l’astéroïde Lutetia, aucune sonde n’a encore survolé un centaure. Toutefois, certains suggèrent qu’une des lunes de Saturne, Phoebé, qui a été examinée de près par Cassini, pourrait bien en être un ancien : elle ne ressemble pas à une comète, mais des éléments indiquent qu’il pourrait s'agir d’un centaure capturé. Cela renforce la nécessité de savoir quelle portion des centaures est vraiment constituée d’astéroïdes.Pour tenter de répondre à cette question, les astronomes ont utilisé le Wide-field Infrared Survey Explorer (Wise), plus exactement la partie de la mission appelée Neowise consacrée à l’étude des comètes et des astéroïdes de type Near-Earth Object (Neo), des géocroiseurs donc. Il se trouve que les données collectées dans l’infrarouge par les instruments contiennent des informations sur les centaures. Les résultats des analyses de ces observations ont été publiés dans un article déposé sur arxiv.Une vue d'artiste du Wide-field Infrared Survey Explorer, Wise, observant l'univers dans l'infrarouge. En arrière-plan, on voit une image en fausses couleurs de la voûte céleste obtenue avec les instruments du satellite. © NasaAu moins deux tiers des centaures ne sont pas des astéroïdesLe programme Neowise a permis d’estimer dans l’infrarouge l’albédo de 52 corps célestes parmi lesquels se trouvent des centaures, et ce que l’on appelle des objets épars, c’est-à-dire des objets transneptuniens situés au-delà de la ceinture de Kuiper (à environ 48 UA), et dont l'orbite est fortement excentrique. Ces objets auraient été éjectés du disque planétaire par les forces gravitationnelles des planètes géantes.On avait déjà observé la surface de certains centaures dans le visible. Jusqu’à présent, les images obtenues étaient soit de couleur bleu-gris, soit rougeâtres. Dans le premier cas, il pouvait s’agir aussi bien d’astéroïdes que de comètes. Dans le second, la balance penchait très nettement du côté des astéroïdes. En complétant ces observations par celles de Neowise, il était possible de départager ces hypothèses.Il semble bel et bien que deux tiers des centaures aient en fait une couleur noire, les faisant ressembler aux comètes dont la surface glacée est recouverte d’une telle couche noire. La majorité des centaures serait donc des comètes. Mais comme des incertitudes persistent encore concernant la nature du tiers restant, qui ne serait pas forcément constitué d'astéroïdes, l’étude des données de Neowise se poursuit et apportera probablement plus de réponses.