On étudie les ondes radio du Soleil depuis presque 80 ans, mais certaines de ces ondes ne peuvent être captées que depuis l'espace, l'ionosphère de la Terre faisant barrage. Ariane 6 vient d'emporter vers l'espace un instrument capable d'observer ces ondes dans un domaine encore inexploré. On attend qu'il nous aide à comprendre et prédire les éruptions solaires qui peuvent affecter l'électronique de la noosphère et menacer des astronautes lors de voyages interplanétaires.


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    Ce mardi 9 juillet 2024, une fusée Ariane 6 est enfin partie pour l’espace depuis le Centre spatial guyanais de Kourou, en Guyane française. Elle a permis à plusieurs CubeSat, appelés également en France « nanosatellitesnanosatellites cubiques », de rejoindre les orbites où ils pourront effectuer leurs missions. Rappelons qu'un CubeSat est un format de satellite artificiel de moins de 20 kilogrammes qui, dans sa forme élémentaire, appelée 1U, est un cube de 10 × 10 × 10 cm de côté et dont la masse ne doit pas excéder deux kilogrammes. La majorité des CubeSat sont formés par la juxtaposition de plusieurs de ces cubes (de 2U jusqu'à 24U).

    Ariane 6Ariane 6 emportait notamment avec elle le nanosatellite CUbesat Radio Interferometry Experiment (Curie) de la Nasa, principalement développé par une équipe de l'University of California-Berkeley (Berkeley). Un communiqué de la Nasa explique que la mission Curie « vise à faire progresser nos connaissances en utilisant une technique appelée interférométrieinterférométrie radio basse fréquencefréquence, qui n'a jamais été utilisée dans l'espace auparavant ».

    L'interférométrie avec des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques, que ce soit dans le domaine millimétrique ou dans le visible, est une technique déjà bien développée sur Terre qui permet de combiner des observations de différents instruments de petite taille pour obtenir virtuellement l'équivalent d'un instrument de grande taille. C'est ce qu'ont fait, par exemple, les membres de la collaboration Event Horizon Telescope pour obtenir un radiotélescoperadiotélescope de la taille de la Terre.

    Curie est composé de deux modules accolés qui seront donc lancés ensemble, puis se sépareront en deux en orbite. Depuis leurs points de vue distincts, les satellites Curie A et B permettront de mesurer les mêmes ondes radio depuis deux endroits en même temps. Le principal objectif scientifique de Curie est d’utiliser l’« interférométrie » radio pour étudier les émissions de sursauts radio provenant des éruptions solaires. Ces événements déterminent la météorologie spatiale, leur influence se faisant sentir sur Terre et sur d’autres planètes lorsqu’ils se produisent, en augmentant l’activité aurorale et les effets géomagnétiques. © ESA
    Curie est composé de deux modules accolés qui seront donc lancés ensemble, puis se sépareront en deux en orbite. Depuis leurs points de vue distincts, les satellites Curie A et B permettront de mesurer les mêmes ondes radio depuis deux endroits en même temps. Le principal objectif scientifique de Curie est d’utiliser l’« interférométrie » radio pour étudier les émissions de sursauts radio provenant des éruptions solaires. Ces événements déterminent la météorologie spatiale, leur influence se faisant sentir sur Terre et sur d’autres planètes lorsqu’ils se produisent, en augmentant l’activité aurorale et les effets géomagnétiques. © ESA

    Un interféromètre radio dans l'espace pour la première fois

    Dans le cas présent, à environ 580 kilomètres d'altitude de la Terre, Curie va se séparer en deux modules distants d'environ trois kilomètres, ce qui permettra de mesurer d'infimes différences dans l'heure d'arrivée de certaines ondes radio, allant de 0,1 à 19 mégahertz, issues du SoleilSoleil, et au final de déterminer exactement d'où elles proviennent.

    « Il s'agit d'une mission très ambitieuse et très passionnante. C'est la première fois que quelqu'un fait voler un interféromètreinterféromètre radio dans l'espace de manière contrôlée, et c'est donc un éclaireur pour la radioastronomie en général », a déclaré dans le communiqué de la Nasa le chercheur principal de Curie, David Sundkvist de l'Université de Californie à Berkeley.

    On sait depuis des décennies que le Soleil émet des ondes radio et notamment lors des sursautssursauts radio solaires associés à des éruptions géantes sur le Soleil appelées éjections de masse coronale ou CMECME. Ces sursauts radio se produisent surtout en période de grande activité solaire en accompagnant l'évolution des taches. Leurs effets viennent s'ajouter au rayonnement du Soleil calme et peuvent provoquer des perturbations graves sur les satellites, les communications et d'autres technologies sur Terre, sans oublier les conséquences sur la santé des astronautesastronautes. C'est pourquoi leur étude est importante dans le cadre de celles menées pour percer les mystères de la météorologie spatiale.

    La bande de fréquence des ondes radio que va étudier Curie n'est pas accessible à des antennes sur Terre comme, par exemple, celles du radiohéliographe de Nançay, car elles sont bloquées par son ionosphèreionosphère. C'est pour cette raison qu'il faut donc aller dans l'espace.

    De Curie à SunRise

    Curie est en fait un galop d'essai pour Sun Radio Interferometer Space Experiment, ou SunRise. Les six satellites SunRise circuleront sur l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire en étant séparés les uns des autres de 10 kilomètres, créant par interférométrie un radiotélescope virtuel de plus de 10 kilomètres de diamètre.

    SunRise doit capter les ondes radio (0,1 - 25 MHz) qui précèdent de plusieurs dizaines de minutes l'arrivée des particules de vent solairevent solaire des CME. L'objectif de la mission est de démontrer l'efficacité de ce système d'alerte et de cartographier les lignes du champ magnétiquechamp magnétique solaire.


    En février 2020, l’Observatoire de la dynamique solaire (SDO) de la Nasa célébrait son 10e anniversaire dans l’espace. Au cours de la dernière décennie, le vaisseau spatial a constamment surveillé le Soleil, étudiant comment celui-ci crée l’activité solaire et détermine la météorologie spatiale – les conditions dynamiques dans l’espace qui ont un impact sur l’ensemble du Système solaire, y compris la Terre. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA's Goddard Space Flight Center

    Le saviez-vous ?

    Depuis son lancement le 11 février 2010, SDO a collecté des millions d'images scientifiques de notre étoile la plus proche, donnant ainsi aux scientifiques de nouvelles informations sur son fonctionnement. Les mesures du Soleil effectuées par SDO – de l’intérieur à l’atmosphère, en passant par le champ magnétique et la production d’énergie – ont grandement contribué à notre compréhension de notre étoile la plus proche. Les images de SDO sont également devenues emblématiques : si vous avez déjà vu un gros plan d’une activité sur le Soleil, cela provenait probablement d’une image de SDO.

    On l'a dit, cela fait des décennies que l'on étudie le Soleil dans le domaine des ondes radio et Curie est en fait le dernier avataravatar d'une quête qui a pris naissance peu de temps après la démonstration de l'existence des ondes radio par Heinrich HertzHeinrich Hertz en 1889. En effet, peu de temps après, les physiciensphysiciens Henri Deslandres et Oliver Lodge, respectivement français et britannique, pensent que le Soleil émet peut-être des ondes radio et entreprennent de les détecter.

    Hélas, la sensibilité des instruments de l'époque et le fait que les recherches ont été faites pendant un minimum de l'activité solaire ne débouchent sur rien. Il faut attendre le physicien anglais James Stanley Hey, qui travaillait  sur la mise au point des radars, pour qu'il détecte en 1942 des émissionsémissions radio dans la longueur d'ondelongueur d'onde d'un mètre et remonte à leur source qui coïncide avec les taches solaires. Ces résultats ne seront publiés qu'en 1946, une fois la Seconde Guerre mondiale achevée, ouvrant un nouveau chapitre de la physiquephysique solaire.