Les missions Mariner 9 et Viking au cours des années 1970 ont révolutionné notre connaissance de Mars mais elles ont aussi livré de nouvelles énigmes dont l'une concerne la forme de la Planète rouge. Une solution à celle-ci vient d'être proposée en faisant intervenir le champ de gravité d'une grande lune aujourd'hui mystérieusement disparue.
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Peu en sont sans doute conscients, mais il y a 50 ans, notre connaissance de la planète Mars a fait un premier bond de géant quand la sonde spatiale de la Nasa Mariner 9 s'est mise en orbite pour la première fois autour de la Planète rouge au début des années 1970. En fait, Mariner 9 était même la première sonde spatiale placée en orbite autour d'une planète autre que la Terre, notre Lune n'étant pas considérée comme une planète comme les huit autres du Système solaire, justement parce qu'elle est satellite de notre Planète bleue.
Entamant sa mission le , Mariner 9 a alors permis pour la première fois de cartographier l'ensemble de la surface de Mars, révélant des vues détaillées de ses volcansvolcans, du mythique canyon de Valles Marineris ainsi que des calottes polairescalottes polaires martiennes et des satellites naturels de Mars, PhobosPhobos et Déimos.
Mariner 9 révèle également à cette occasion la figure triaxiale de Mars et son champ de gravité. Cette figure apparait comme étonnante. La figure d'équilibre de la Terre sous l'action de son champ de gravitationgravitation et de la force centrifugeforce centrifuge, due à sa rotation propre, est celle d'un ellipsoïde de rotation, une sphère aplatie biaxiale par conséquent. Mais dans le cas de Mars, sa forme fait plus penser à un ballonballon de rugby.
Il existe depuis NewtonNewton toute une théorie des figures d'équilibre possible de corps planétaire, mais dans le cas de la figure triaxiale de la Planète rouge, une explication fascinante vient tout juste d'être proposée dans un article en accès libre sur arXiv et qui a été envoyée pour demander une publication dans Journal of Geophysical Research: Planets mais n'a pas encore été évaluée par des pairs. On la doit à un astronomeastronome états-unien d'origine russe : Michael Efroimsky.
Le célèbre astronome et scientifique de l'Université Cornell, Carl Sagan, emmène le spectateur sur la Planète rouge dans ce film officiel de la Nasa datant d'environ 1972, Mars : The Search Begins. Sagan explique que l'on ne savait pas grand-chose de notre voisin dans l'espace jusqu'à la sonde spatiale sans pilote Mariner 9, lancée vers Mars en 1971. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Ce film fait partie des archives de Periscope Film LLC, l'une des plus grandes collections de séquences d'archives historiques sur l'armée, les transports et l'aviation aux États-Unis. Entièrement soutenu par un film, ce matériel est disponible sous licence en 24p HD, 2k et 4k.
Un sphéroïde asymétrique avec trois axes
La figure triaxiale se manifeste notamment par l'existence du dôme de Tharsis, un vaste soulèvement volcanique d'environ 5 500 kilomètres de diamètre et s'élevant de 4 à 8 kilomètres au-dessus du niveau de référence. Signalons au passage que sa définition est plus problématique que dans le cas du géoïdegéoïde terrestre qui permet l'établissement d'un référentielréférentiel dans lequel on peut définir les altitudes et les coordonnées sur Mars. La finalisation de ce référentiel est intervenue au début du XXIe siècle à partir des relevés altimétriques du Mars OrbiterOrbiter LaserLaser Altimeter (Mola) de la sonde Mars Global Surveyor, bien qu'elle ait commencé dès le début des années 1970. En l'absence d'étendue liquideliquide susceptible de définir une surface équipotentielle globale dans le champ de gravité martien comme on l'a fait avec les océans sur Terre, le niveau 0 des altitudes martiennes a dû être défini conventionnellement.
Toujours est-il que le dôme de Tharsis supporte les quatre plus gros édifices volcaniques martiens, à savoir Olympus Mons et les trois volcans formant Tharsis Montes. Presque symétriquement de l'autre côté de la planète, on trouve un haut plateau volcanique du nom de Syrtis Major PlanumPlanum. Ces structures se sont formées il y a des milliards d'années.
Selon Efroimsky, si Mars est un sphéroïde asymétriqueasymétrique avec trois axes, ce serait parce qu'elle possédait autrefois une lune bien plus massive que Phobos et DeimosDeimos, mais avec une taille de moins d'un tiers de celle de Mars, créée au début de la formation du Système solaire ou capturée un peu plus tard.
Des instabilités convectives amplifiées par les forces de marée
Mars était alors plus chaude qu'aujourd'hui du fait de sa formation par accrétionaccrétion, l'énergieénergie gravitationnelle mise en jeu par ce phénomène ayant été convertie en chaleurchaleur lors d'impact, mais aussi parce qu'elle contenait alors plus d'éléments radioactifs produisant également de la chaleur en se désintégrant.
Cela a eu pour conséquence de rendre la Planète rouge plus plastiqueplastique et déformable qu'aujourd'hui, de sorte que la lune supposée par Efroimsky -- et qu'il a baptisée Nerio en référence, dans l'ancienne religion romaine, à une divinité guerrière qui était la partenaire du dieu Mars dans d'anciennes pratiques cultuelles -- étant en plus en rotation synchronesynchrone autour de Mars, aurait, par ses forces de maréeforces de marée, donné un début de forme triaxiale de Mars, son axe le plus long étant aligné avec Nerio.
Ensuite, en raison de ce début de forme, le manteaumanteau de Mars serait devenu convectivement plus instable sous les régions qui vont finalement devenir les grands plateaux volcaniques dont on a parlé précédemment.
Il faut bien avouer cependant qu'il reste, pour accréditer un peu plus ce scénario, à définir ce qu'il est advenu de cette lune. Il ne semble pas y avoir de grand cratère d'impact sur Mars qui en serait la conséquence. On sait bien toutefois que d'ici quelques dizaines de millions d'années, les forces de marée de Mars détruiront Phobos qui se rapproche lentement, mais surement de la Planète rouge.
Le saviez-vous ?
Le prix Nobel de physique Subrahmanyan Chandrasekhar, Chandra, comme il aimait qu’on l’appelle, a fait des travaux importants sur la structure des étoiles et la théorie des trous noirs, y compris lorsqu’ils sont binaires. Mais dans la lignée des Clairaut, Maclaurin, Darwin et Poincaré, l’astrophysicien s’était également intéressé aux figures d’équilibre des masses fluides autogravitantes et en rotation. Ces figures permettent de comprendre la forme de la Terre et ont donné lieu à des spéculations quant à l'origine de la Lune. En effet, il y a plus d’un siècle, George Darwin, un astronome et mathématicien anglais, fils du célèbre biologiste britannique Charles Darwin, avait calculé ce qui pouvait se passer dans le cas d’une rotation rapide de la jeune Terre à l’état fluide et chaud. Il avait montré que cela pouvait conduire à l’éjection d’un lambeau de matière, un peu à la façon de la formation de gouttes de liquide issues de la séparation d’une goutte unique déformée en forme d’haltère et en rotation.