Des planètes errantes dont les masses sont comparables à celles des planètes gazeuses de notre Système solaire ont été détectées au XXIe siècle mais jusqu'ici en faible nombre. Toutefois, une équipe d'astronomes utilisant les données de plusieurs télescopes de l'ESO vient d'en découvrir au moins 70 de plus dans la Voie lactée. Le plus grand groupe jamais découvert ! Il constitue une étape importante vers la compréhension des origines et des caractéristiques de ces exoplanètes nomades selon les termes de l'ESO.
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Ce 21 décembre 2021, plus de 4.900 exoplanètes autour d'une étoile ont été découvertes par les yeuxyeux de la noosphère, qu'ils soient en orbite comme le satellite TessTess ou au sol. Certaines peuvent être mises en évidence par de simples astronomesastronomes amateurs utilisant un evscope d’Unistelar.
Mais, comme l'expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous il y a une dizaine d'années, nous avons de bonnes raisons de penser qu'un grand nombre d'exoplanètes errent aussi sans soleil dans la Voie lactée. À l'époque, quelques candidates à ce titre avaient déjà été détectées grâce à des effets de microlentilles gravitationnelles.
Les simulations numériquessimulations numériques concernant la formation des exoplanètes et la découverte des Jupiter chaudesJupiter chaudes avaient montré que des processus de migration planétaires pouvaient se produire ainsi que des éjections au début de l'histoire des systèmes planétaires et qu'il s'en était sans doute produit dans le cas du Système solaireSystème solaire.
Ce n'était pas la seule source possible pour des exoplanètes nomades dans la Voie lactée. Certaines, cousines des géantes gazeusesgéantes gazeuses, pouvaient simplement s'être formées lors du processus de fragmentation et d'effondrementeffondrement gravitationnel d'un nuagenuage moléculaire et poussiéreux, un peu comme y naissent les étoiles et plus particulièrement aussi les naines brunes, ces astresastres qui ne sont ni vraiment des exoplanètes, car trop massives ni vraiment des étoiles car trop peu massives cette fois-ci pour qu'y démarrent des réactions de fusionfusion thermonucléaires autres que celle, très temporaire, de la fusion du deutérium.
La part des deux scénarios pour l'existence d'exoplanètes errantes n'est pas encore parfaitement déterminée. Cela n'a pas empêché des astronomes de se servir de nombreuses observations obtenues avec des instruments de l'ESOESO, et même le satellite Gaia de l'ESAESA, pour découvrir et annoncer aujourd'hui dans une publication du journal Nature Astronomy qu'au moins 70 et peut-être même 170 de ces astres ont sans doute été détectés.
Vidéo de 2012 montrant une animation de la planète errante CFBDSIR J214947.2-040308.9, un corps céleste 4 à 15 fois plus massif que Jupiter et présentant une température superficielle entre 370 et 470 °C. Dans la première partie de la séquence, la planète apparaît en lumière visible comme un disque sombre se profilant sur les nuages d’étoiles de la Voie lactée. Elle n'est pas en orbite autour d’une étoile et, de ce fait, ne peut pas briller par la lumière réfléchie ; la faible lueur qu’elle émet ne peut être détectée que dans l’infrarouge. Dans la séquence finale, nous voyons une vue infrarouge de l’objet avec, en arrière-plan, les parties centrales de la Voie lactée vues par le télescope dédié aux grands sondages dans l’infrarouge, Vista. Dans le proche infrarouge, l’objet apparaît bleuâtre car une grande partie de la lumière dans les plus grandes longueurs d’onde infrarouge est absorbée par le méthane et d’autres molécules qui se trouvent dans l’atmosphère de la planète. En lumière visible, cet objet est si froid qu’il ne devrait briller que très faiblement d’une couleur rouge sombre quand on le regarde en gros plan. © ESO/P. Delorme/Nick Risinger/R. Saito/VVV Consortium
20 ans d'observations avec les instruments de l'ESO
Le communiqué de l'ESO à ce sujet précise que les instruments en question sont le Very Large Telescope (VLTVLT), le Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy (VistaVista), le VLT Survey Telescope (VST) et le MPG/ESO de 2.2-mètres, tous situés au Chili. Plusieurs des chercheurs à l'origine de ces découvertes y prennent la parole.
Núria Miret-Roig, astronome au Laboratoire d'astrophysiqueastrophysique de Bordeaux (France) et à l'université de Vienne (Autriche), et premier auteur de l'article publié explique ainsi que : « Nous ne savions pas à combien de planètes errantesplanètes errantes nous attendre et nous sommes ravis d'en avoir trouvé autant. Nous avons mesuré les mouvementsmouvements infimes, les couleurscouleurs et les luminositésluminosités de dizaines de millions de sources dans une grande région du ciel. Ces mesures nous ont permis d'identifier de manière sûre les objets les plus faibles de cette région, les planètes errantes ».
La technique pour détecter ces exoplanètes a en effet été la suivante. Impossible de mettre en pratique celle des vitessesvitesses radiales ou encore de faire une détection par imagerie directe mais lorsqu'une géante gazeuse massive se forme, elle hérite d'une énergie potentielleénergie potentielle gravitationnelle de contraction qui l'a chauffée, comme dans le cas d'une protoétoileprotoétoile ou même simplement, initialement, de Jupiter et SaturneSaturne dans le Système solaire. Mais qui dit chaleurchaleur interne dit rayonnement et c'est celui-ci que l'on peut tenter de détecter avec des instruments assez sensibles et lorsque l'exoplanète nomade est encore jeune, c'est-à-dire âgée de quelques millions d'années. Dans le cas présent, 20 ans d'observations astronomiques dans une région de formation d'étoiles proche de notre Soleil, dans les constellations du Scorpionconstellations du Scorpion supérieur et du Serpentaire, ont été mises à contribution.
Des milliards d'exoplanètes errantes dans la Voie lactée ?
« La grande majorité de nos données provient des observatoires de l'ESO, qui étaient absolument essentielles pour cette étude. Leur large champ de vision et leur sensibilité unique ont été les clés de notre succès. Nous avons utilisé des dizaines de milliers d'images à grand champ provenant des installations de l'ESO, correspondant à des centaines d'heures d'observations, et littéralement des dizaines de téraoctets de données », précise à ce sujet Hervé Bouy, astronome au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux.
Pour lui, en ce qui concerne ces astres : « Il pourrait y avoir plusieurs milliards de ces planètes géantesplanètes géantes flottant librement dans la Voie lactée sans étoile hôte. Ces objets sont extrêmement peu lumineux et les installations actuelles ne permettent guère de les étudier. L'ELT sera absolument crucial pour recueillir davantage d'informations sur la plupart des planètes errantes que nous avons trouvées ».
Les astronomes ont utilisé les télescopes de l'ESO pour détecter au moins 70 planètes errantes de masses comparables à celle de Jupiter dans notre Voie lactée, le plus grand groupe détecté à ce jour. Apprenez-en davantage sur ces insaisissables nomades cosmiques dans cette vidéo qui résume la découverte ! Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO
Le communiqué de l'ESO indique également que : « Le nombre exact de planètes errantes découvertes par l'équipe est difficile à déterminer car les observations ne permettent pas aux chercheurs de mesurer les massesmasses des objets sondés. Les objets dont la masse est supérieure à environ 13 fois la masse de Jupiter ne sont très probablement pas des planètes, et ne peuvent donc pas être inclus dans le décompte. Cependant, comme l'équipe ne disposait pas de valeurs pour la masse, elle a dû se fier à l'étude de la luminosité des planètes pour fournir une limite supérieure au nombre de planètes errantes observées. La luminosité est, à son tour, liée à l'âge des planètes elles-mêmes, car plus une planète est âgée, plus elle s'est refroidie et a perdu de sa luminosité. Si la région étudiée est ancienne, alors les objets les plus brillants de l'échantillon ont probablement une masse supérieure à 13 Jupiter, et inférieure si la région est plus jeune. Compte tenu de l'incertitude quant à l'âge de la région étudiée, cette méthode donne un nombre de planètes errantes compris entre 70 et 170 ».
Des centaines de milliards de planètes errantes dans la Voie lactée ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 20/05/2011
Probablement éjectées lors de la formation de systèmes planétaires, des centaines de milliards de planètes parcourraient en solitaire le milieu interstellaire dans la GalaxieGalaxie. C'est ce que déduisent les astronomes de la détection de dix géantes gazeuses par microlentille gravitationnelle.
Lorsqu'un corps céleste passe devant une source de lumièrelumière, son champ gravitationnel courbe les rayons qui en sont issus, à la façon d'une lentillelentille. L'effet est faible mais il avait été étudié en 1936 par Albert EinsteinEinstein. On savait déjà que la gravitationgravitation pouvait dévier des rayons lumineux comme les observations d'Eddington l'avaient montré en 1919 lors de la célèbre éclipseéclipse qui servit de test à la relativité générale. Mais il avait fallu plus de quinze années avant que Rudi Mandl ne déduise la conséquence naturelle de cette observation et suggère à Albert Einstein qu'il puisse exister dans l'espace de véritables lentilles gravitationnelleslentilles gravitationnelles. Le père de la théorie de la relativité publia donc une petite note avec des calculs simples, en concluant : « Bien sûr, il n'y a aucun espoir d'observer directement ce phénomène ».
La performance accomplie par les membres de la collaboration Microlensing Observations in Astrophysics (MOA) vient de singulièrement démentir la prédiction d'Einstein, pessimiste mais réaliste pour l'époque. En effet, de 2006 à 2007, ils ont observé dix effets de microlentilles gravitationnelles indiquant la présence de planètes errantes dans l'espace interstellaire.
Une animation montre l'effet sur les images de la voûte céleste du passage d'une planète errante. L'effet de microlentille gravitationnelle provoque une brusque augmentation de luminosité (brightness en anglais) d'une étoile caractéristique. © Animation M. Freeman (University of Auckland, New Zealand)-NasaNasa/JPLJPL-Caltech/YouTubeYouTube
L'effet de microlentille se manifeste par une brusque augmentation selon une courbe caractéristique de la luminosité d'une étoile lorsqu'un corps céleste massif l'éclipse. C'est le cas lors du passage d'une naine brune ou d'une planète géante. Pour l'effet d'une galaxie ou d'un amas de galaxie, on parle plus sobrement de lentille gravitationnelle. Depuis des dizaines d'années, les astronomes traquaient dans le halo de la Voie lactée de tels effets de microlentilles dans l'espoir d'expliquer la présence de la matière noirematière noire avec des naines brunesnaines brunes ou des minitrous noirs. Des naines brunes ont effectivement été trouvées mais en nombre très insuffisant pour expliquer la quantité de matière noire déduite des observations des courbes de vitesses des étoiles dans les galaxies.
De la matière noire aux exoplanètes
Toutefois, la même méthode pouvait servir à trouver des exoplanètes géantes seules dans le milieu interstellaire. C'est effectivement ce que les chercheurs japonais et néo-zélandais de MOAMOA ont fait en détectant dix planètes dont les masses sont approximativement de l'ordre de celle de Jupiter. En moyenne, elles ont été trouvées à des distances de la Terre comprises entre 10.000 et 20.000 années-lumièreannées-lumière. Comme il s'agit d'un échantillonnageéchantillonnage, et que d'autres planètes plus petites doivent probablement aussi exister dans le milieu interstellaire, les chercheurs en déduisent qu'il y a dans la Voie lactée au moins deux fois plus de telles exoplanètes non liées à une étoile que de soleils !
Ces observations semblent confirmer ce dont on se doutait depuis un certain temps. En effet, la découverte des Jupiter chauds ont conduit à introduire des mécanismes de migrations planétaires dans les modèles de formation de systèmes planétaires. Les simulations numériques montrent qu'il se produit parfois des éjections de certaines planètes du fait des perturbations gravitationnelles. On aurait donc là, peut-être, la preuve que ces événements sont fréquents lors de la formation des systèmes planétaires. Les détails sur cette découverte se trouvent dans un article de Nature.