Tout comme les exoplanètes, les trous noirs deviennent des objets d'observation courants pour les astronomes en cette fin du premier quart du XXIe siècle. On peut s'en convaincre avec le début de la réalisation d'une carte montrant déjà 25.000 trous noirs supermassifs sur une portion de la voûte céleste. Elle provient d'images réalisées à partir d'observations à basse fréquence du radiotélescope géant Lofar (LOw Frequency ARray).
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Le contrastecontraste est saisissant... En 1939, EinsteinEinstein publie un article dans la revue Annals of Mathematics portant le titre « On a Stationary System with Spherical Symmetry Consisting of Many Gravitating Masses ». Pour lui, c'est l'acte de décès de l'existence des trous noirs. Pour nous, en 2021, ils sont partout, dans les galaxies, dans les amas globulaires et probablement aussi dans l'infiniment petit sous forme de trous noirs virtuels existant transitoirement dans l’écume de l’espace-temps. Nous observons les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles qu'ils émettent lors de collision et nous imageons même directement ce qui définit un trou noir, la présence d'un horizon des événements entourant une région finie de l'espace.
Jusqu'à la fin des années 1950, la majorité des physiciensphysiciens et des astronomesastronomes pensent qu'Einstein a raison mais sans en avoir la preuve. Et pourtant, seulement quelques mois après la publication de l'article d'Einstein, et sans le dire explicitement, Robert Oppenheimer pulvérise l'argumentation d'Einstein dans un article, « On Continued Gravitational Contraction », écrit en collaboration avec un de ses étudiants de l'époque, Hartland Snyder. Il complétait un autre article publié en début d'année avec Georges Volkoff, « On Massive Neutron Cores », les deux publications posant le socle sur lequel les théories des étoiles à neutrons et celle de leur effondrementeffondrement gravitationnel conduisant à la formation d'un trou noir seront construites au début des années 1960.
À ce moment-là, les progrès de l'astrophysique nucléaire et le renouveau de la relativité générale, entraîné par la découverte des quasars et du rayonnement fossile, vont précipiter l'entrée dans le domaine de l'astrophysique relativiste. Et le problème de la détermination de l'état final de la matièrematière dans le cas d'une étoile en fin de vie ayant épuisé son carburant nucléaire se posera alors avec plus d'acuité et d'urgence. Mélangeant relativité générale, thermodynamiquethermodynamique et physiquephysique nucléaire, le plus important ouvrage traitant de ces questions à la fin des années 1960 est probablement celui de Harrison, Thorne, Wakano, et Wheeler : « Gravitation Theory and Gravitational Collapse », publié en 1965. La même année, le prix Nobel de physique Roger Penrose allait publier son théorèmethéorème sur les singularités, plantant le dernier clou dans le cercueil des idées développées par Einstein dans son article de 1939.
Une présentation de Lofar. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © WebsEdgeEducation
Lofar et les trous noirs supermassifs
Nous l'avons dit, pour la noosphère du XXIe siècle, les trous noirs sont partout en astronomie et ils peuvent être supermassifs, contenant des millions ou des milliards de massesmasses solaires. Accrétant de la matière ils émettent indirectement des rayonnements que l'on peut détecter sur Terre dans le domaine des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques. Une équipe internationale d'astronomes annonce aujourd'hui qu'elle a même réussi à dresser une carte inédite sur la voûte céleste montrant 25.000 trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs au cœur des galaxies. Comme l'explique l'article en accès libre sur arXiv, cet exploit a été rendu possible par la mise en service d'un des plus grands radiotélescopesradiotélescopes jamais construit, en réalité un réseau de milliers de petits radiotélescopes baptisé Lofar (Low Frequency Array).
Ce radiotélescope est exploité par l'Institut néerlandais de radioastronomie (Astron) qui coordonne des prises de données par des instruments répartis en Europe. La partie française de Lofar étant, sans surprise, installée à Nançay, dans le Cher, au sein de la célèbre et ancienne station de radioastronomie de l'Observatoire de Paris (Observatoire de Paris - PSL/CNRS/Université d'Orléans). Astron utilise donc une technique de synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture par interférométrieinterférométrie qui, dans le cas présent, permet de combiner les signaux des différentes antennes pour créer un radiotélescope géant virtuel, dont la taille peut atteindre l'équivalent de 15.000 terrains de football.
Un communiqué de l'université de Leyde, la plus ancienne des universités néerlandaises, explique que la carte aujourd'hui publiée ne couvre pour le moment que 4 % de la voûte céleste que l'on peut contempler quand on se trouve dans l'hémisphère Nordhémisphère Nord. Il a fallu combiner les contributions de 52 stations Lofar totalisant 256 heures d'observation pour dresser cette carte qui a pour vocation de rendre compte à terme de tout le ciel nordique.
Le volumevolume de données acquises a nécessité pour être traité d'avoir recours à des superordinateurssuperordinateurs et tout comme dans le cas de bien des observations faites sur Terre, il a fallu utiliser des algorithmes de traitement du signal pour tenir compte des perturbations causées par l'atmosphèreatmosphère de notre Planète bleue, plus précisément dans le cas présent celles de son ionosphèreionosphère.
Il s'agit d'un problème analogue à celui que l'on résout partiellement avec l'optique adaptative et qui dégrade, en raison de la turbulenceturbulence de la troposphèretroposphère notamment, les images prises par les télescopestélescopes car ne leur permettant pas d'atteindre leur résolutionrésolution théorique issue de la théorie de la diffractiondiffraction.
Dans le cas des ondes radio étudiées avec Lofar, le chercheur qui a dirigé les travaux menant à la carte des trous noirs supermassifs, Francesco de Gasperin, explique que la réussite de leur analyse : « est le résultat de nombreuses années de travail sur des données incroyablement difficiles à traiter. Nous avons dû inventer de nouvelles méthodes pour convertir les signaux radio en images du ciel ». Son collègue, Reinout van Weeren, donne une image simple du casse-tête qu'il a fallu résoudre pour tenir compte de l'ionosphère et de ses particules chargées qui se comporte comme une lentillelentille trouble dont la réfringenceréfringence serait fluctuante aussi bien dans le temps que dans l'espace : « c'est comme lorsque vous essayez de voir le monde tout en étant immergé dans une piscine. Lorsque vous levez les yeuxyeux, les vaguesvagues sur l'eau de la piscine dévient les rayons lumineux et déforment la vision ».
En bonus, la carte des trous noirs supermassifs est aussi une nouvelle carte des structures géantes rassemblant des galaxies et dont les cosmologistes essayent de comprendre l'origine et de les décoder.
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Le radiotélescope géant Lofar observe les jets des quasars
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 11/02/2011
Chaque fois qu'une bande de fréquencesbande de fréquences du spectrespectre électromagnétique s'est ouverte pour l'astronomie, il en a résulté un bon pour l'astrophysique et à la cosmologiecosmologie. Une nouvelle fenêtrefenêtre observationnelle s'ouvre aujourd'hui, comme le montrent les images hautes résolutions à basses fréquences du radiotélescope géant Lofar (LOw Frequency ARray).
C'est grâce à la mise au point des télescopes capables d'observer dans le domaine des rayons Xrayons X et des rayons gammarayons gamma, que l'on a pu découvrir les disques d'accrétionsdisques d'accrétions des trous noirs et les sursautssursauts gamma (toujours quelque peu énigmatiques). Et c'est la mise en service des radiotélescopes qui a permis de découvrir les quasars. Le rayonnement fossilerayonnement fossile lui-même a pu être observé dans le domaine des microondes à l'aide de la radioastronomie. Dans l'infrarougeinfrarouge, les observations de SpitzerSpitzer nous ont fourni des informations précieuses sur les disques protoplanétairesdisques protoplanétaires. Il restait toutefois une gamme de fréquences assez peu étudiée jusqu'à présent, en tout cas pas avec la résolution angulaire suffisante.
Pour pallier ce manque, plusieurs pays en Europe se sont associés pour développer un réseau d'antennes combinant des observations en basses fréquences (de 30 à 240 MHz) par la méthode bien connue de l'interférométrie. De cette façon, il est possible d'obtenir, avec un grand nombre d'antennes réparties sur un large territoire, l'équivalent d'un radiotélescope géant pouvant atteindre, par exemple, la centaine de kilomètres de diamètre.
Ce réseau a finalement vu le jour : il s'agit d'un groupe d'antennes, nommé Lofar (LOw Frequency ARray pour réseau à basses fréquences), aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, avec pour notre pays la station de radioastronomie de Nançaystation de radioastronomie de Nançay. Il permet d'obtenir aujourd'hui des images à haute résolution des extrémités du jet issu du noyau du quasarquasar 3C196, situé à environ 7 milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Terre (il existe une belle vidéo en anglais sur ce radiotélescope s'étendant maintenant sur 1.000 kilomètres environ).
Lofar et le programme d'observations
Lofar est un instrument qui va permettre d'entreprendre un programme d'observations ambitieux et très diversifié. Plusieurs thèmes de travail sont prévus, dont cinq principaux.
- Ère de la réionisation : après l'émissionémission du rayonnement fossile, l'universunivers est devenu froid, avec des atomesatomes neutres. C'est le début de la période surnommée « les Âges sombresÂges sombres » car les étoiles n'existaient pas encore. Puis vers 400 millions d'années les premières étoiles et les premiers quasars apparaissent et évoluent, illuminant et ionisant les nuagesnuages d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium. Les émissions de ces derniers avec la raie à 21 cm tracent la formation et l'évolution de ces toutes premières structures de l'univers ;
- Observations à grand champ : pour l'observation à grande échelle du ciel entier, et notamment des objets étendus, galaxies et amas de galaxiesamas de galaxies et la formation d'étoiles ;
- Sources transitoires : de nombreuses sources observées en radioastronomie basse fréquence sont variables, qu'il s'agisse par exemple de planètes, de pulsarspulsars ou de trous noirs accrétant la matière environnante ;
- Magnétisme cosmique : en particulier le champ magnétiquechamp magnétique des galaxies ;
- Observation du Soleil ;Rayons cosmiquesRayons cosmiques : les rayons cosmiques de très haute énergieénergie produisent, lorsqu'ils pénètrent dans l'atmosphère, un intense signal radio. Celui-ci pourrait être intéressant pour étudier les sources astrophysiques des rayons cosmiques, ce que font déjà des instruments comme Auger.
Il existe un domaine de recherche moins académique qu'il est possible d'explorer avec Lofar. L'équation de Drake a cinquante ans cette année et si le programme Seti n'a toujours rien donné, c'est peut-être parce que nous observons aux mauvaises longueurs d'ondelongueurs d'onde. Les basses fréquences sont employées sur Terre pour des applicationsapplications militaires et civiles. Si des E.TT. existent pas trop loin de la Terre et font de même actuellement, il se pourrait que Lofar nous le dise.