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Lorsqu'en 2010, le président des États-Unis annonce qu'il abandonne le programme Constellation de retour sur la Lune, il décide en même temps de privatiser l'accès à l'espace. Ce faisant, il fait le pari de réussir à diminuer les coûts en faisant appel au secteur privé plutôt que de confier à la Nasa le développement de nouveaux systèmes de transport spatial. Au vu des premières réalisations de SpaceXSpaceX et des projets qui émergent, il semblerait que ce pari soit en passe d'être gagné.
Lorsque Eon Musk (président de SpaceX) présente son futur lanceur lourd et précise qu'une version plus puissante serait capable de lancer jusqu'à 150 tonnes en orbite basse pour un coût inférieur à un vol de navette, Robert Zubrin voit là une opportunité unique de concrétiser son vieux rêve d'envoyer des Hommes sur Mars pour un coût nettement inférieur à ce qu'a toujours budgétisé la Nasa. L'agence américaine a continuellement soutenu qu'une mission habitée vers Mars reviendrait à une centaine de milliards de dollars. Pour son projet Mars Direct, Zubrin, lui, s'en tient à 20 milliards. Avec SpaceX et ses projets « low cost », le rêve peut-il devenir réalité ?
Vue d’artiste de 1994 montrant un MAV rejoignant un véhicule spatial en orbite martienne. Pour Zubrin, la capsule Dragon du voyage aller serait utilisée comme habitat sur Mars. L’exploration de la planète se ferait à l’aide d’un véhicule tout terrain. © Nasa/Johnson Space Center
SpaceX voit rouge, rouge comme la planète Mars
La version plus puissante du lanceur Falcon Heavy de SpaceX consisterait à le doter d'un étage supérieur rendant possible l'envoi de plus de 17 tonnes vers Mars, dont 14 tonnes installées en orbite martienne (la différence étant le carburant consommé) ou 11 tonnes descendues sur sa surface. Avec ces performances, une mission habitée martienne pourrait être réalisée en trois vols.
Le premier vol installerait autour de Mars une capsule Dragon dotée d'un module de propulsion, qui serait utilisée pour ramener sur Terre un équipage martien. Le deuxième amènerait les éléments de surface dont un véhicule d'exploration, une petite unité de production d'énergieénergie (solaire ou nucléaire) et le MAV (Mars Ascent Vehicle) destiné à faire décoller depuis Mars les astronautesastronautes pour rejoindre l'orbite martienne, d'où ils partiront en direction de la Terre. Cet engin arriverait sur la Planète rouge avec ses réserves de méthane (2,6 tonnes) et fabriquerait sur place pendant une période de 500 jours plus de 9 tonnes d'oxygèneoxygène à partir du dioxyde de carbonedioxyde de carbone qui compose 95 % de l'atmosphère martienne.
Les explorateurs martiens arriveraient avec le troisième vol, une fois produit l'oxygène nécessaire à la mission. En raison de la taille de la capsule Dragon, seulement deux astronautes embarqueraient à bord avec du fret et environ 2.500 kilos de consommables pour un vol direct de 6 mois. Le retour sur Terre se ferait après une mission de 18 mois sur place. Les deux « martionautes » rejoindraient la capsule Dragon en orbite à l'aide du MAV et retourneraient sur Terre en 6 mois.
Accepter l'échec avant de penser au succès
Contrairement au lancement de satellites commerciaux, le développement de ce lanceur martien ne pourra pas être rentable. Or, SpaceX est une entreprise privée et n'a pas vocation à financer des missions de cette nature. Le gouvernement devra donc financer ce lanceur.
Reste que de nombreux points sont à éclaircir. SpaceX sera-t-elle en mesure de parvenir à ses fins et serons-nous capables d'utiliser les ressources naturelles de Mars pour soutenir une expédition ? Le pouvoir politique et la communauté scientifique seront-ils prêts à dépasser les limites qu'ils se sont fixées et à prendre le risque que cette première mission humaine vers Mars puisse arriver à bon port mais ne jamais revenir sur Terre ?