Le premier lancement d’une fusée russe Soyouz depuis la Guyane, le 21 octobre dernier, signe le succès d’une coopération entre l’Europe et la Russie. Arianespace devrait exploiter ce lanceur mythique pendant une dizaine d’années avant que le remplaçant d’Ariane 5 le pousse hors de Guyane.

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    Vous l'avez suivi en direct sur Futura-Sciences : malgré un report de 24 heures, Soyouz a réussi sa première mission en Guyane. Le lanceur a décollé vendredi 21 octobre à 10 h 30 (TU) depuis sa nouvelle base de lancement du CSGCSG, un Ensemble de lancement construit par le groupe Vinci.

    Le lanceur russe a mis sur l'orbite visée les deux premiers satellites de la constellation Galileo, le système de navigation et de positionnement par satellites conçu par l'Europe pour s'assurer l'indépendance en matière de géolocalisation et concurrencer le GPS américain.

    Le Soyouz guyanais annonce-t-il d'autres coopérations ?

    Comme le souligne la presse européenne, il s'agit d'un « véritable succès pour tous les acteurs du projet », qui a suscité un réel enthousiasme en Europe et en Russie. C'est la première fois qu'un lanceur russe Soyouz décolle d'une autre base que celles de Plessetsk en Russie ou de BaïkonourBaïkonour au Kazakhstan. Ce premier très grand projet mené en coopération entre l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne et la Russie pourrait en appeler d'autres. D'ici quelques semaines, l'Esa et Roscosmos pourraient dévoiler un projet commun d'exploration, comme l'a annoncé Vladimir Popovkine, le chef de Roscosmos, lors du Salon aérospatial international Maks 2011, qui s'est tenu cet été près de Moscou.

    Photographié depuis le portique, la structure mobile qui différencie l'Ensemble de lancement Soyouz des installations utilisées en Russie et au Kazakhstan, le lanceur Soyouz décolle pour la première fois depuis la Guyane. © Esa/S. Corvaja, 2011

    Photographié depuis le portique, la structure mobile qui différencie l'Ensemble de lancement Soyouz des installations utilisées en Russie et au Kazakhstan, le lanceur Soyouz décolle pour la première fois depuis la Guyane. © Esa/S. Corvaja, 2011

    Pour l'Esa, responsable du programme SoyouzSoyouz en Guyane, ce lancement avec la mise à poste réussie des deux premiers satellites de la constellation Galileo « est un double événement historique, qui illustre bien les avancées de la coopération : entre l'Esa et la Russie d'une part, avec une contribution de la France d'une importance capitale, mais aussi entre l'Esa et l'Union européenne dans le cadre d'une initiative commune », a souligné Jean-Jacques Dordain à la fin de la mission. Quant au Cnes, maître d'œuvremaître d'œuvre système du projet et responsable du développement et de la qualification technique de l'Ensemble de lancement Soyouz en Guyane, ce succès « démontre la maturité de ses équipes en Guyane qui garantissent à ArianespaceArianespace des installations au sol fiables et disponibles pour lancer dans les délais impartis ».

    En Guyane, Soyouz ne durera pas ad vitam aeternam

    Pour Arianespace, qui a assuré la fourniture des systèmes russes, coordonné les activités des entreprises russes et commercialisé le lanceur, ce succès élargit son offre commerciale. Elle peut ainsi mieux répondre aux besoins actuels de lancements de satellites, quelles que soient la masse à lancer et l'orbite à atteindre. « Avec ce lancement, nous ouvrons un nouveau chapitre de notre propre histoire, celle d'une Europe qui réussit, d'une Europe qui s'affirme dans le domaine spatial et d'une Europe ouverte qui sait coopérer », s'est exprimé Jean-Yves Le Gall, P-DG d'Arianespace.

    Reste que tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. En Russie, des responsables politiques fustigent l'utilisation du lanceur Soyouz hors des frontières russes et kazakhes. D'autres personnalités, en Europe, sont dubitatives sur son avenir en Guyane et s'étonnent qu'au final un Soyouz lancé depuis la Guyane revienne pratiquement aussi cher qu'une Ariane 4, dont les performances étaient supérieures et que l'on avait abandonné en 2003 en raison de son coût !

     Septembre 2002, un lanceur Ariane 4 lance sur une orbite de transfert géostationnaire le satellite Intelsat 906, d'une masse au lancement de 4,7 tonnes. © Esa/Cnes/Arianespace-Service Optique CSG

    Septembre 2002, un lanceur Ariane 4 lance sur une orbite de transfert géostationnaire le satellite Intelsat 906, d'une masse au lancement de 4,7 tonnes. © Esa/Cnes/Arianespace-Service Optique CSG

    Bien qu'Arianespace ait d'ores et déjà signé 14 contrats de lancement, et en signera d'autres car un satellite de 3 tonnes pourra être lancé soit par Soyouz soit par Ariane 5Ariane 5 en lancement double, son utilisation depuis la Guyane va progressivement être freinée. En cause, la nouvelle politique de l'Esa et de l'Union européenne qui ont clairement fait le choix de la préférence européenne pour le lancement des satellites européens et de l'arrivée, à l'horizon 2025, du remplaçant d'Ariane 5 qui devrait pousser le lanceur russe hors de Guyane.

    Ce futur lanceur (NGL) vise les missions institutionnelles couvrant une plage de performance à partir d'un équivalent à 3 tonnes en orbite géostationnaire (incluant ainsi le segment 4 tonnes en orbite héliosynchronehéliosynchrone), jusqu'à un équivalent de près de 8 tonnes en orbite de transfertorbite de transfert géostationnaire.