Elle vient de recevoir ses « ailes », on peut donc l'appeler « astronaute Sophie Adenot ». Elle sera la seconde Française à aller dans l’espace après Claudie Haigneré. Sophie Adenot réalisera son premier vol dans la Station spatiale internationale à partir de 2026. Entretien exclusif.
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Cologne, au Centre d'entraînement des astronautes de l'ESA, Sophie Adenot a les yeuxyeux qui brillent et affiche un grand sourire. Elle tient fièrement son certificatcertificat d'astronaute, qu’elle vient juste de recevoir. Dans le hall d'entraînement, elle revient sur sa formation de base de 47 semaines, qu'elle a réalisée avec ses collègues Raphaël Liégeois, Marco Sieber, Rosemary Coogan et Pablo Alvarez Fernandez.
Futura : Comment s’est passé ce « basic training » ?
Sophie Adenot : C'était génial. C'était intense. Franchement, je me suis régalée. Il y avait quatre grands pôles d'apprentissage. L'enseignement théorique va nous servir à dialoguer avec les chercheurs avec qui on va travailler sur les expériences scientifiques à bord de l'ISSISS (biologie, astrophysique, physique des matériaux, etc.). On a suivi des modules plus opérationnels comme le maniement du bras robotiquerobotique canadien, l'apprentissage des procédures de base pour les sorties extravéhiculaires. Il y avait beaucoup de sport parce qu'à bord de la Station, c'est 2 heures à 2 heures 30 de sport par jour. Il faut donc suffisamment connaître son corps pour faire tous les mouvements sans se blesser à bord de la station. Enfin, il y avait les stages de survie, un enchaînement d'expériences insolites vraiment chouettes.
Futura : Qu’avez-vous retenu, Sophie, des deux stages de survie en montagne et dans la mer Baltique ?
Sophie Adenot : Le stage de survie maritime n'a pas été trop nouveau pour moi car j'en avais fait beaucoup en tant que pilote d'hélico à même d'effectuer des missions de sauvetage au-dessus de l'eau. On apprend à opérer et effectuer les premiers secours à bord d'un canot de sauvetage, à monter sur le canot, à écoper l'eau quand il y en a trop, à se signaler, etc. Le stage de survie en montagne était un cran au-dessus par rapport à ceux que j'avais déjà vécus. Là, c'était vraiment chouette. L'expérience la plus insolite pour moi a été de dormir par -10 °C dans la neige, et isolée car on avait comme consigne d'être séparé de 400 mètres les uns des autres.
Futura : Qu’avez-vous appris des entraînements aux sorties extravéhiculaires ?
Sophie Adenot : C'est juste une initiation. C'est un module que j'ai adoré car c'est très opérationnel. La communication opérationnelle ressemble beaucoup à celle que l'on a dans un cockpit. En aéronautique, l'ensemble des procédures est très codifié et orienté sur la sécurité. Ici, il ne s'agit pas seulement d'efficacité opérationnelle, c'est-à-dire de bien installer au bon endroit les bons équipements avec les bons outils avec les bonnes procédures, mais aussi de gérer la sécurité et d'être en mesure de secourir son collègue s'il a un problème de santé. J'ai eu la chance de faire un entraînement avec Luca Parmitano, astronaute italien super expérimenté, en sortie extravéhiculaire. Et en fin de session, il fallait le secourir. J'ai aussi fait un deuxième entraînement où je devais secourir Raphaël.
Futura : Avez-vous eu droit à une simulation de formation d’eau dans le casque comme ce qui est arrivé à Luca Parmitano au cours de sa sortie en 2013 ?
Sophie Adenot : Vous ne croyez pas si bien dire car au cours de ma session avec Luca, il se trouve que j'ai eu des fuites d'eau dans mon casque ! On était prêt à dégainer la procédure d'urgence, mais finalement on n'a pas eu à le faire.
Futura : En parlant de procédures, vous avez dû en apprendre énormément, sans parler des nombreux autres cours. Pas simple de devoir assimiler tant de choses...
Sophie Adenot : C'était intense, mais on s'y attendait. Cette formation est vraiment bien faite. Il y a des phases vraiment dédiées à l'apprentissage. C'est un peu comme une course de fond en longue duréedurée, dans un tempo assez accessible. Et des fois, il y a des pics d'intensité où il faut vraiment tout donner.
Futura : Votre promotion compte des profils très diversifiés. C’est sans doute une force ?
Effectivement, on est ultra-complémentaire. Il n'y en a pas deux qui font le même métier. Raphaël est chercheur en neurosciences, Marco est médecin, Rose astrophysicienne, et Pablo ingénieur système [notamment sur ExomarsExomars, NDLRNDLR]. Ce qui est aussi assez extraordinaire, et là je ne sais pas comment ils ont fait la sélection, c'est que nous sommes aussi complémentaires dans les caractères, ce qui fait que nous sommes réellement soudés. Au stage de survie en montagne, on était éloigné de 400 mètres les uns des autres. C'était une surprise, et en plus on nous avait retiré nos téléphones et nos montres. Mais l'on s'est retrouvé le lendemain matin, c'était comme si l'on avait été juste séparé de 20 centimètres tellement nous étions soudés.
Futura : Quel était le rôle d’Alexander Gerst (pilote du basic training) et des autres astronautes de l’ESA comme Thomas Pesquet ?
Alex nous a beaucoup aidés à être aussi soudés parce qu'il a mis l'accent sur le côté humain de cette aventure. Les instructeurs qui nous donnent des cours sont tous des experts de très haut niveau dans leur métier, avec beaucoup d'expérience en mission spatiale. Certains, même, ont été entraîneurs de Claudie HaigneréClaudie Haigneré ! Mais finalement, aucun n'est allé dans l'espace. Et donc, ce sont les astronautes de la promo d'Alex qui ajoutent une touche d'humanité, et Alex le premier. Ils ont été hyper-généreux en conseils et ça c'est chouette.
Futura : Vous avez aussi rencontré d’autres astronautes, notamment à Houston, le centre d’entraînement de la Nasa.
Sophie Adenot : On a rencontré des astronautes américains et japonais. Ce qui est assez amusant, c'est qu'on a aussi croisé d'autres astronautes candidats. C'est un sentiment assez incroyable de se retrouver là dans une promo internationale. C'est quelque chose que je n'ai jamais vu avant. On a l'impression de faire partie d'une aventure planétaire. Je pense qu'on en prend d'autant plus conscience quand on est dans l'espace et quand on voit la Terre, on est tous les habitants du même vaisseau spatial.
Futura : Quelle est la suite du programme pour vous et vos collègues ?
Sophie Adenot : Nous allons passer dans une phase qui s'appelle le « Pre-assignment Training ». C'est une phase qui est dans l'attente d'une assignation à mission qui arrivera plus tard. Chacun d'entre nous aura une place de vol longue durée avant 2030. Ça va arriver très vite. D'ici là, on aura d'autres qualifications opérationnelles comme le pilotage du bras robotique (au moins trois semaines au Canada), la sortie extravéhiculaire en piscine à Houston pendant cinq à six mois.
Futura : Et il y a des vacances prévues dans tout ça ?
Sophie Adenot : Ouiiiii !
Pour en savoir plus sur l'entraînement de Sophie Adenot et de ses camarades, découvrez une série d'entretiens réalisés à l'EAC avec ce premier épisode. © FranceInfo, Marc Dana
