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Ce weekend, Orbital ATK a utilisé un missile reconverti en lanceur pour envoyer dans l'espace, pour le compte de l'armée de l'Air des États-Unis, le satellite militaire SensortSat. Conçu pour l'USSTRATCOM, un des neuf commandements de guerre du département de la Défense américain, dont une des missions est la surveillance de l’espace, SensorSat est un petit satellite d'une masse de 113 kilogrammes. Il a été placé sur une orbiteorbite basse circulaire, à près de 600 kilomètres, avec une inclinaison de 0°, c'est-à-dire au-dessus de l'équateuréquateur.
Lors de ce lancement, trois cubesatscubesats ont aussi été placés en orbite. Deux pour une agence gouvernementale non divulguée et un pour la Darpa, l'agence de recherche et de développement de l'armée américaine.
Ce tir était aussi le premier lancement d'un Minotaur depuis Cap Canaveral et le premier depuis le SLC-46 depuis 1999. Le prochain lancement d’un Minotaur est prévu en 2019 avec le test de la tour d’éjection (ou système d’interruption de lancement) de la capsule Orion de la Nasa. © Cap Canaveral Air Force Station
Un satellite espion à l'œil de lynx
Sans surprise, l'U.S. Air force n'a rien dit de ces 3 cubesats. Elle n'a pas donné non plus de détails sur la mission de SensorSat. On sait que cet engin doit surveiller et recenser satellites, résidus de lanceurs et débris spatiaux qui encombrent l'orbite basse et tester de nouvelles technologies pour surveiller l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire, c'est-à-dire à près de 36.000 kilomètres d'altitude.
Personne ne sait de quelles performances sont capables les instruments à bord de SensorSat ni dans quelles longueurs d'ondelongueurs d'onde ils fonctionnent. Quoi qu'il en soit, observer des satellites et des débris spatiaux à aussi haute altitude (36.000 km) depuis une orbite aussi basse (600 km) est un vrai exploit. D'autant plus que l'on peut raisonnablement penser que ces performances seront supérieures à ce que peut faire le télescope de surveillance spatiale de la Darpa qui, depuis le sol, est capable d'observer dans le visible des objets de très petites tailles à grandes distances : 1 mètre à 36.000 km.
Débris spatiaux : il faut apprendre à vivre avec !
Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 20 octobre 2011
Conscientes du problème, la plupart des agences spatiales font de leur mieux mais ne peuvent que limiter autant que possible l'accumulation des débris spatiaux. D'où l'initiative européenne de cofinancer le projet de l'Onera pour la réduction de la vulnérabilité des infrastructures et des missions spatiales vis-à-vis des débris spatiaux. Autrement dit, apprendre à s'en protéger...
Les débris spatiaux constituent aujourd'hui un sujet de préoccupation majeur au sein des agences spatiales et de l'Union européenne. Il s'agit de protéger les infrastructures spatiales tant le rôle des services spatiaux dans la vie quotidienne de la société européenne est important. C'est avec cet objectif de réduire la vulnérabilité des engins spatiaux qu'a été lancé en mars 2011, à l'initiative d'un consortium, le projet P²-Rotect (Prediction, Protection & Reduction of OrbiTal Exposure to Collision Threats). Il sera cofinancé par l'UE dans le cadre du 7e Programme-cadre européen de recherche et de développement technologique (FP7), principal instrument financier européen de soutien à la recherche.
Sept institutions et entreprises européennes spécialisées dans les technologies spatiales participent à ce projet, sous la responsabilité de l'Onera. Depuis une trentaine d'années, l'Office national d'études et recherches aérospatiales travaille sur la question des débris spatiaux. Ainsi, l'Onera a mis en place le système Graves (Grand réseau adapté à la veille spatiale), une surveillance au radar de l'orbite basse. Avec le Cnes et l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne, l'Onera projette de développer un dispositif capable de cataloguer les débris et d'alerter les opérateurs de satellites pour leur permettre de réagir en cas de risque de collision.
Gros plan sur un impact de débris spatial examiné au microscope électronique à balayage. Malgré sa petite taille, le débris à l'origine de ce trou aurait causé de gros dégâts s'il avait percuté un des réservoirs du satellite. © Cnes
Un code de bonne conduite pour ne pas trop polluer l’espace
Comme nous l'explique Sébastien Merit, chef de projet à l'Onera, P²Rotect traite de la « vulnérabilité des systèmes spatiaux aux débris spatiaux et des réponses que nous pouvons apporter ». Le but n'est pas seulement de calculer un indice de vulnérabilité au niveau d'un satellite, mais au niveau de « la mission qu'il remplit ». Ce projet doit permettre de déterminer avec précision la probabilité et la sévérité des collisions avec les débris spatiaux et la façon dont cela peut affecter la réalisation de la mission à moyen et long terme, pour ensuite analyser différentes méthodes de réduction de la vulnérabilité aux collisions.
Pour ce faire, « l'un des objectifs du projet est d'édicter des recommandations chiffrées dans des domaines que l'on a déjà identifiés », à savoir l'amélioration de la prédiction des collisions vis-à-vis des objets catalogués, l'amélioration des protections (blindages) ou encore l'optimisation de la conception des engins spatiaux et des missions vis-à-vis des « collisions non prévisibles impliquant des objets non catalogués ».
« Les objets existants sont plus susceptibles d'entrer en collision avec d'autres débris et de produire alors des morceaux supplémentaires, ce qui accroît le risque de nouvelles collisions et de défaillance des satellites », expliquent les auteurs du rapport Limiting Future Collision Risk to Spacecraft. © Esa, 2010
Pour les opérateurs de satellites, qui sont déjà encouragés à respecter un code de bonne conduite édicté par l'IADC pour ne pas trop polluer l'espace, le coût économique de ces mesures ne doit pas être un frein à leur applicationapplication. C'est pour cela qu'un des objectifs de P²Rotect est de « proposer des recommandations dont le coût financier a été évalué » de façon à « démontrer qu'elles ont un intérêt financier sur la mission si elles sont appliquées dès la conception des satellites ou pendant les opérations en vol ».
Limiter les manœuvres pour accroître la durée de vie
Si rien ne vient perturber le fonctionnement d'un satellite, sa « duréedurée de vie dépend avant tout de ses réserves en carburant », de sorte que chaque manœuvre orbitaleorbitale ampute d'autant son activité future. Or, la plupart de ces manœuvres qui « sont réalisées pour éviter les débris spatiaux ne sont pas nécessaires ». D'où la nécessité de déterminer avec précision la probabilité et la sévérité des collisions avec les débris spatiaux, ce « qui passe par une meilleure précision de suivi de la trajectoire des débris ».
L'amélioration de la prédiction des collisions vis-à-vis des objets catalogués est un « réel sujet de préoccupation ». La collision entre un satellite de la constellationconstellation de communication Iridium et un ancien satcom russe, CosmosCosmos 2251, au-dessus de la Sibérie, en février 2009 pousse vers de « nouvelles approches capables de protéger efficacement les infrastructures et les missions spatiales ». Pour donner une idée du choc, il faut savoir que les deux objets, l'un pesant 560 kg (IridiumIridium 33) et l'autre 900 kg (Cosmos 2251), se sont heurtés à une vitessevitesse de 42.120 km/h (voir le rapport La sécurité européenne face au problème des débris spatiaux).
Le résultat de cette collision est la création de plus de 10.000 débris supplémentaires allant d'un centimètre à la taille d'une balle de tennis. Les deux satellites étaient évidemment surveillés mais les analyses de trajectoires ont conclu qu'ils ne pouvaient pas se percuter. Or, une telle collision catastrophique risque de se produire tous les cinq à dix ans avec comme corollaire la saturation rapide d'une position orbitale et toutes les conséquences qu'il en résulterait en terme de restriction d'accès à l'espace et de pertes de capacités associées.
Enfin, à l'issue de cette étude, on « souhaite mettre en place un indice de vulnérabilité pour évaluer les propositions que nous ferons ». Cet indice sera « calculé pour trois missions de références évoluant à trois altitudes de fonctionnement typiques que sont les orbites basses, moyennes et géostationnaires », sur la base de donnéesbase de données provenant des partenaires industriels du projet (OHB et Thales Alenia Space). Pour l'orbite basse, il s'agit de la mission opérationnelle Sentinelle 1 (700 kilomètres) ; pour l'orbite MEOorbite MEO, une orbite intermédiaire entre orbite basse et géostationnaire, ce sera la constellation Galileoconstellation Galileo (23.000 kilomètres) ; enfin, pour l'orbite géostationnaire, la mission test sera celle du satellite de météorologie de troisième génération (MTG3). L'implication dans le consortium des industriels concernés devrait permettre une application rapide des recommandations les plus intéressantes.