Il n’y a pas de fusée sans coiffe. C’est la coquille qui protège les satellites au cours des premières phases du vol, jusqu’au passage de la limite de notre atmosphère. Futura a réalisé un reportage exclusif dans une des plus grandes usines de coiffes de fusée au monde, chez Beyond Gravity. C’est d’ailleurs là que sont fabriquées les coiffes d’Ariane 6. Visite.
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Rendez-vous à Emmen, près du lac de Lucerne, au cœur de la Suisse. C'est là que se trouve l'usine principale de Beyond Gravity, structure très connue sous son ancien nom Ruag Space. Depuis des décennies, l'usine fabrique des coiffes de fuséefusée. C'est notamment ici qu'ont été fabriquées toutes les coiffes des fusées Ariane 5Ariane 5. C'est donc ici que sont construites celles d’Ariane 6.
Jardin de coiffes
L'usine de Beyond Gravity se trouve en bordure d'un aéroport. En effet, le groupe Ruag est également très actif dans l'industrie aéronautique. En arrivant dans leurs locaux, on tombe très vite dans leur grande halle de stockage. Ici, on trouve tout type de coiffe, pour toute taille de lanceur, du micro-lanceur au lanceur lourd comme Ariane 6Ariane 6. Le hangar est plein à craquer. Les équipes stockent les coiffes debout, côte à côte ou encastrées l'une dans l'autre pour optimiser l'espace. Quand on leur demande combien de coiffes d'Ariane 6 on peut stocker, « une dizaine » nous répond-on, sachant que l'objectif à long terme est de faire décoller la fusée européenne toutes les deux semaines.
Le saviez-vous ?
À quoi sert la coiffe d’une fusée ? C’est un élément clé du lanceur qui sert à couvrir les satellites et les protéger des frottements d’air pendant la traversée de l’atmosphère. Elles sont produites en demi-coiffes, qui se séparent du lanceur une fois dans l’espace.
Les plus grosses coiffes fabriquées ici sont celles d'Ariane 6. Hautes de plusieurs dizaines de mètres, leur taille varie selon la version d'Ariane 6 utilisée : version 62 avec seulement deux boosters latéraux, ou version 64 plus puissante avec quatre boosters. Pour cette dernière version, les coiffes sont plus hautes car Ariane 6 peut accueillir plus de charge utile, si bien que le bout se trouve à peine quelques mètres sous le plafond. « Ce bâtiment servait à la production des coiffes d'Ariane 4. On a dû rehausser le plafond pour les coiffes d'Ariane 5 », nous confie un responsable de Beyond Gravity.
Beyond Gravity dispose d'un autre site de production de coiffes aux États-Unis, pour équiper les fusées Atlas V de la United Launch Alliance (ULA). Un autre site en Suède sert à la production d'autres systèmes tels que le « dispenser », système permettant d'embarquer plusieurs dizaines de satellites à bord. Beyond Gravity fournit notamment ceux des dizaines de vols de déploiement de la mégaconstellation Kuiper d’Amazon.
Au four et au moulage
Les demi-coiffes d'Ariane 6 sont gigantesques : 14 à 20 mètres de haut pour 5,4 mètres de diamètre ! Cette capacité de volume importante est nécessaire pour les vols Ariane 6 pour l'orbite géostationnaire qui, à l'instar des vols Ariane 4 et Ariane 5, emportent deux gros satellites de télécommunication en même temps. Ariane 6 peut aussi emporter des charges utiles exceptionnellement volumineuses, comme un gros télescope spatialtélescope spatial (on se souvient d'Ariane 5 avec le télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb). Il faut aussi beaucoup de place dans le cas où Ariane 6 emporte plusieurs dizaines de satellites de télécommunication en orbite basse, comme c'est prévu avec AmazonAmazon. Le dimensionnement de la coiffe a été vu avec l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) et ArianeGroup, maître d'œuvremaître d'œuvre d'Ariane 6.
Pour protéger les satellites de la chaleurchaleur engendrée par les frottements de l'airair lors de la traversée de notre atmosphèreatmosphère, la coiffe compte une protection thermique en liège. L'intérieur est recouvert de coussins acoustiques, pour réduire les effets des vibrationsvibrations du décollage. Il y a aussi un système de ventilationventilation pour maintenir les satellites en environnement « contrôlé », en y envoyant de l'air propre. La coiffe héberge aussi des systèmes électroniques permettant de communiquer avec les satellites. Enfin, pour séparer ses deux moitiés dans l'espace, la coiffe est équipée de systèmes pyrotechniques (explosifs).
La fabrication d'une coiffe dure plusieurs mois et passe par plusieurs étapes qui se déroulent dans le nouveau site de production de l'usine d'Emmen :
- moulage du carbonecarbone ;
- cuisson au four durant plusieurs jours ;
- démoulage ;
- contrôle non destructif avec un robotrobot et un système par ultrasonultrason pour vérifier que la polymérisationpolymérisation s'est bien déroulée ;
- intégration des éléments métalliques, découpage des trappes, mise des interfaces ;
- mise en place des éléments pyrotechniques, des coussins acoustiques et autres sous-systèmes ;
- peinture.
Un long chemin vers Kourou
Lors de notre visite le 29 septembre à Emmen, Beyond Gravity mettait en conteneur la première demi-coiffe du premier modèle de vol d'Ariane 6. Avec sa moitié, la demi-coiffe protégera les passagers, des petits et nanosatellitesnanosatellites, du tout premier vol d'Ariane 6 prévu entre le 15 juin et le 31 juillet d’après l’Agence spatiale européenne. Depuis le 29 septembre, les deux demi-coiffes sont arrivées à Kourou, au Centre spatial guyanaisCentre spatial guyanais (CSG).
Le chemin que les coiffes empruntent jusqu'au CSG est celui que prenaient celles d'Ariane 5. D'abord, les coiffes sont transportées dans leur conteneur par camion en convoi exceptionnel jusqu'à la ville de Bâle, frontalière de la France. Les containers sont ensuite chargés sur barge et commencent alors une longue descente du Rhin jusqu'au port de Rotterdam. C'est là qu'elles sont transbordées dans le tout nouveau navire CanopéeCanopée d'ArianeGroup, à bord duquel elles traversent l'océan Atlantique jusqu'en Guyane française.
La première demi-coiffe du modèle de vol d'Ariane 6 est partie le 29 septembre, dans la nuit. La seconde une semaine après. Les deux ont voyagé ensemble à bord de Canopée et sont arrivées au CSG le 3 novembre dernier. Depuis, les coiffes sont restées stockées dans leur conteneur. « Les conteneurs sont mis sous toittoit pour être à l'abri de la pluie et de l'ensoleillement », nous dit-on. Un système de pompage d'air sec les protège aussi de la forte humidité guyanaise. Quant aux coiffes du modèle de test, qui est actuellement sur le pas de tir, elles sont actuellement dépourvues de différents systèmes d'avionique et repartiront pour Emmen afin d'être recyclées pour un vol futur.
Les autres coiffes
Outre celles d'Ariane 6 et celles d'ULA aux États-Unis, Beyond Gravity fournit les coiffes d'autres lanceurs dans le monde. Au fond du hangar de stockage, on retrouve quelques coiffes du lanceur japonais H-III dans sa version la plus puissante. Ces coiffes protégeront les futurs cargos HTV-XHTV-X japonais à destination de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale.
Comme autres coiffes, on retrouve celles des fusées VegaVega. S'y trouvent notamment les demi-coiffes de la toute dernière fusée Vega dans sa version d'origine, qui décollera en 2024 avec à bord Biomass, le satellite d'observation de la biosphèrebiosphère de l'Agence spatiale européenne. Bien sûr, on trouve plusieurs exemplaires de coiffes de la Vega-C. Ces coiffes sont plus volumineuses car Vega-C est plus puissante.
Enfin, on trouve dans le hangar des coiffes encore plus petites. Elles constituent la gamme Flexline proposée par Beyond Gravity à destination des mini et micro-lanceurs.
Contrairement aux autres produits développés pour des fusées spécifiques, la gamme Flexline est plus standardisée. Elle est en cours de commercialisation mais a déjà quelques potentiels clients au Japon, en Australie, et en France avec Maiaspace, filiale d'ArianeGroup qui développe son mini-lanceur réutilisable Maia.
