Loin de toute médiatisation à outrance, il est une mission scientifique dont la presse, généraliste comme scientifique, a peu parlé à l'époque, et qui pourtant revêtait un caractère à la fois avant-gardiste et innovateur. Une mission qui a non seulement contribué à la mise au point des explorateurs Spirit et Opportunity dont le travail et l'endurance à la surface de Mars ne cesse de nous surprendre, mais a aussi marqué une étape importante dans des domaines aussi variés que l'intelligence artificielle ou le travail dans les conditions extrêmes.

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    Robot explorateur entièrement autonome, Nomad (Neurally Organized MobileMobile Adaptive Device), développé et construit par l'université de Carnegie Mellon, a été déposé le 2 janvier 2000 dans une région de l'AntarctiqueAntarctique appelée MoraineMoraine de l'Eléphant, avec pour mission de rechercher et d'identifier les météorites pouvant affleurer à la surface de la glace.

    Nomad dans son environnement glacé, le jour de son arrivée. Crédit NASA/Carnegie

    Nomad dans son environnement glacé, le jour de son arrivée. Crédit NASA/Carnegie

    Depuis 1979, plus de 2000 météorites avaient alors été découvertes dans les étendues désertes et gelées du continent Antarctique par sept expéditions scientifiques. L'intérêt des échantillons ainsi mis au jour est que, souvent emprisonnés depuis des temps immémoriaux dans une gangue de glace, ils n'ont pas été souillés par la pollution et n'ont subi aucune contaminationcontamination d'origine terrestre. C'est lors de la fonte de couches superficielles des glaces qu'ils sont généralement découverts et recueillis. L'Antarctique lui-même étant relativement désertdésert et préservé de toute activité humaine, ce sixième continent est considéré comme idéal dans ce cadre de recherche.

    Mesurant 2,40 m x 2,40 m sur 2,40 m pour un poids de 550 kgkg, Nomad était équipé d'un train de quatre roues motrices de 76 cm de diamètre et sa vitesse de croisière atteignait 30 cm par seconde pour une consommation électrique de 2400 watts.

    Le système de navigation du robotrobot comportait une plate-forme à inertie, un gyrocompas et un récepteur GPSGPS pilotés par un système informatique embarqué reposant sur un microprocesseurmicroprocesseur Pentium 133 fonctionnant sous LinuxLinux. Une carte des lieux contenue en mémoire était composée de cellules de 50 cm de côté, chacune étant caractérisée par deux nombres, le premier indiquant au robot la possibilité de rouler sur ce point, le second le degré d'incertitude de cette information.

    Le pilotage automatique traçait une route au travers des cellules présentant un minimum de risques afin d'éviter les obstacles les plus importants. En cas de blocage par un obstacle imprévu, un module de récupération d'erreur inversait la trajectoire et permettait à l'engin de rebrousser chemin jusqu'à un endroit où une voie de déviation était susceptible de l'engager à nouveau dans la direction de son objectif, en intégrant différents paramètres tels que la rugosité du terrain et l'intérêt scientifique en comparaison du risque éventuel.

    D'une importance capitale pour la bonne marche de la mission, le système de vision de Nomad se composait de deux paires de caméras stéréoscopiques couleurcouleur Sony disposées à 1,67 mètre au-dessus du sol dans un boîtier climatisé, l'une observant vers la gauche, l'autre vers la droite. L'image était traitée par un ordinateurordinateur dédié, construit autour d'un système dual Pentium Pro 200 Mhz fonctionnant sous Windows NT. Afin de réduire le temps de réponse, seul un nombre réduit de lignes étaient examinées par le module stéréo, un logiciellogiciel sélectionnant les zones correspondant à des distances de 4,5 à 8,5 mètres devant le robot. Ces données servaient ensuite à l'élaboration d'une carte en trois dimensions utilisée par le module de navigation.

    Le système de vision stéréoscopique de Nomad au banc. Crédit NASA/Carnegie

    Le système de vision stéréoscopique de Nomad au banc. Crédit NASA/Carnegie

    Outre ce système de vision sophistiqué, Nomad était aussi équipé d'une caméra panoramique couleur à 360°, ainsi que de deux caméras noir & blanc en haute résolutionrésolution, l'une permettant une vue de 24 x 32° à 0,9 mrad par pixelpixel, l'autre de 8 x 11° à 0,3 mrad par pixel.

    Au cours de ses pérégrinations, Nomad devait trouver les roches affleurantes en les distinguant par leur couleur foncée tranchant sur le fond blanc de la glace. Un logiciel devait alors opérer un classement parmi les objets aperçus et déterminer un ordre d'examen. Ensuite, l'ordinateur devait déterminer si le robot devait atteindre la première cible en roulant, ou s'il lui suffisait d'allonger le bras, en l'occurrence une main artificielle montée sur un support télescopique.

    Dès que l'objet serait saisi, il serait placé devant un objectif et un spectrographespectrographe entrerait alors en action, procédant à une première analyse au terme de laquelle l'échantillon serait soit rejeté, soit entreposé dans un container pour examen ultérieur en laboratoire. Bien entendu cela n'était que pure théorie en ce 2 janvier 2000, les chercheurs estimant que si Nomad arrivait à ne découvrir ne fût-ce qu'une seule météorite, cela constituerait un précédent remarquable en matièrematière de robotiquerobotique de pointe.

    Il faut dire que les techniciens n'avaient rien fait pour faciliter la tâche du robot. Aucune équipe d'intervention ne l'accompagnait (une équipe de scientifiques était présente mais n'intervenait que pour constater les résultats) et aucune pièce de rechange n'avait été prévue, l'engin étant totalement abandonné à sa solitude glacée durant le mois entier que devait durer l'expérience, qui devait parfaitement simuler une mission spatiale. Seule une toute petite concession avait été consentie: par crainte qu'un échec ne survienne tout simplement parce qu'il n'y aurait rien à trouver aux environs, une météorite déjà découverte quelques semaines auparavant avait été laissée en place à quelques dizaines de mètres du point de départpoint de départ.

    Les techniciens du centre de contrôle, qui ne pilotaient pas l'engin, rappelons-le, mais se contentaient de l'observer à distance, ne durent pas attendre longtemps puisque quatre jours après sa prise d'autonomieautonomie, Nomad annonçait la "découverte". A raison de 12 m² explorés quotidiennement en détail, ce concentré d'intelligence artificielleintelligence artificielle avait atteint son but. Mais l'expérience n'était pas terminée.

    Première découverte du 6 janvier et première météorite "naturelle" du 22 janvier. Crédit NASA/Carnegie

    Première découverte du 6 janvier et première météorite "naturelle" du 22 janvier. Crédit NASA/Carnegie

    Le robot poursuivit infatigablement sa quête tout en transmettant ses coordonnées aux techniciens comme le ferait une sonde planétaire, lorsque soudain, le 22 janvier, fut reçu ce message:

    " Old target has been updated
    " Target 4 is at -61.988968, 672.027832, -1.168753
    " Sending a message to navigator to clear morphin map
    " New infogains received
    " ALERT!! ALERT!!
    " I have discovered an interesting rock.
    " Target 4 has a meteorite probability of 0.352245
    " Waiting for user command to resume the search
    " Classifier finished
    " In TS_Evaluate Target Stage - evaluating all targets

    Et cette fois, aucune préméditation n'avait entraîné l'événement. Parmi les chercheurs, c'était la jubilation. La découverte de cette météorite, de type chondritechondrite et qui fut classée sous le numéro 11331, fut considérée comme un évènement historique. Ce n'était qu'un début.

    Le lendemain 23 janvier, Nomad découvrait deux nouvelles météorites dont la deuxième allait cependant être considérée comme "douteuse" par le robot alors qu'il s'agissait bien d'une authentique pierre du ciel, reconnue depuis.

    Le 27 janvier, quatre nouveaux échantillons étaient collectés, une chondrite, une achondriteachondrite et deux rochers terrestres. Il identifiera également ces deux derniers comme météorites, mais avec cependant un faible taux de confiance.

    Chondrite et achondrite découvertes le 27 janvier. Crédit NASA/Carnegie

    Chondrite et achondrite découvertes le 27 janvier. Crédit NASA/Carnegie

    Enfin le 30 janvier, Nomad était récupéré et rapatrié dans son laboratoire d'origine de l'université de Carnegie, avec les échantillons collectés. Pour les scientifiques, l'expérience était un succès complet. La mission avait été remplie à 100%, et ouvrait la voie à de nouvelles possibilités et un nouveau champ de recherches dans l'exploration planétaire, et même, pourquoi pas, dans l'exploration d'endroits difficiles d'accès tels les fonds océaniques.

    Ce ne sont pas les robots SpiritSpirit et OpportunityOpportunity qui nous contrediront.

    Nomad de retour au laboratoire, mission accomplie. Crédit NASA/Carnegie

    Nomad de retour au laboratoire, mission accomplie. Crédit NASA/Carnegie