Un lanceur russe Proton a de nouveau explosé en plein vol, environ neuf minutes après son lancement. Cet échec intervient seulement trois lancements après le précédent échec survenu en juillet 2013. C’est d’autant plus surprenant que depuis cette date, Roscosmos et Khrunichev, le constructeur du lanceur Proton, avaient mis en place une panoplie de mesures visant à renforcer sa fiabilité. Visiblement, cela n’a pas suffi.

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    Un lanceur Proton au décollage, en octobre 2013. Il avait alors lancé avec succès le satellite Sirius FM6. © Roscosmos

    Un lanceur Proton au décollage, en octobre 2013. Il avait alors lancé avec succès le satellite Sirius FM6. © Roscosmos

    Dans la nuit de jeudi à vendredi, un lanceur Proton d'International Launch Services (ILS) a décollé de BaïkonourBaïkonour pour une mission de neuf heures. L'objectif était de mettre en orbite un des plus puissants satellites de télécommunications de l'opérateur Russian Satellite Communications Company (RSCC). Neuf minutes après son décollage, survenu le 16 mai à 21 h 42 TU, le lanceur s'est désintégré à 160 km au-dessus de la Chine. Ce qui en restait est retombé au sol sans faire de victimes ou de dégâts. Il faudra quelques jours avant de comprendre dans le détail ce qui a produit cette désintégration, mais compte tenu du moment de l'explosion, les causes et les conséquences du dysfonctionnement sont circonscrites à une partie bien précise du lanceur.

    Cet échec est le cinquième en 36 vols depuis décembre 2010. C'est le premier qui concerne ILS, la société qui commercialise le lanceur sur les marchés internationaux, si l'on ne tient pas compte de la mise à poste ratée de Yamal-402, sauvé par Thales Alenia Space. Le dernier échec est survenu le 2 juillet 2013, seulement quelques secondes après le décollage. Le lanceur s'était littéralement retourné en vol, entraînant dans sa chute les trois satellites de navigation Glonass-M. Ce revers avait mis en évidence des failles dans la qualité de la constructionconstruction du lanceur. Roscosmos et Khrunichev avaient mis en place de nouvelles procédures et revues visant à renforcer la fiabilité du lanceur.


    Décollage et première minute de vol du lanceur Proton dans la nuit kazakhe, le 16 mai 2014. La fusée a ensuite explosé au-dessus de la Chine. © Roscosmos

    Quant au satellite perdu, il s'agissait d'Express AM4R, d'une valeur de 200 millions d'euros. Sa perte est d'autant plus significative qu'il avait été acheté à Airbus Espace en remplacement d'Express AM4, un autre satellite de télécommunications, également fabriqué par Astrium pour RSCC, mais perdu à la suite de l'échec de son lancement en mars 2012. Avec une charge utile composée de 63 répéteursrépéteurs actifs (30 en bande C, 28 en bande Ku, 2 en bande Ka et 3 en bande L) et dix antennes, Express AM4R devait, pour le compte de RSCC, fournir pendant 15 ans des services de télécommunications (radio, télévision, téléphonie et InternetInternet haut débitdébit) au-dessus de la Russie, des pays membres de la Communauté des États indépendants (CEICEI) et des régions périphériques.

    Tous les lancements Proton sont suspendus

    C'est évidemment un coup dur pour ILS (et ses clients), qui prévoyait d'ici la fin de l'année le lancement de quatre autres satellites : Inmarsat 5F2, Astra 2G, Türksat 4B et MexSat 1. Dans l'expectative, ILS voit s'accélérer sa perte de compétitivité. Une situation d'autant plus inquiétante que SpaceXSpaceX a réussi son entrée sur le marché commercial en lançant avec succès le satellite SES-8 en décembre 2013. Certes, SpaceX ne peut satelliser que 4,8 tonnes en orbite de transfert géostationnaire, contre 6,3 tonnes pour le Proton, mais l'arrivée des satellites géostationnaires « tout électriques » moins lourds diminuera à l'avenir, à la marge pour l'instant, la part des satellites de plus de cinq tonnes à lancer, que se partagent actuellement ILS et Arianespace.

    À cela s'ajoute que les lanceurs Proton sont en fin de vie et parvenus au terme de leur évolution possible. Ils seront remplacés par les lanceurs de la nouvelle famille Angara. Cependant, le développement de cette famille est très en retard sur les calendriers initiaux. Les premiers vols d'Angara 1 et d'Angara 5 (aux performances similaires à celles du Proton) sont prévus respectivement en juin et novembre de cette année depuis le cosmodrome de Plessetsk, dans le nord de la Russie.