Il est le choix de l’excentrique ancien président américain réélu, et il devrait diriger l’agence spatiale américaine dès le début de 2025. Le milliardaire Jared Isaacman, qui a déjà volé deux fois dans l’espace et grand ami d’Elon Musk, aura la charge de faire revenir les États-Unis sur la Lune d’ici quatre ans. Mais à quoi faut-il s’attendre pour la Nasa ?


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    Jamais la Nasa n'aura connu un tel administrateur. Tout au long de son histoire, la plus célèbre des agences spatiales a été pilotée par des astronautes, des scientifiques ou des politiques, mais jamais par un homme d'affaires comme Jared Isaacman.

    Ce mercredi 4 décembre, Donald Trump a annoncé sur son réseau socialréseau social avoir choisi Isaacman pour devenir le 15e administrateur de la Nasa en 2025, succédant à Bill Nelson. Cette annonce a été ressentie comme un tremblement de terretremblement de terre. C'est la première fois qu'un astronaute privé prend les rênes de la Nasa. Jared Isaacman est connu pour avoir fait la toute première sortie spatiale privée de l'histoire.

    Un double d’Elon Musk

    Le parcours d'Isaacman est en parfait écho de celui d'Elon MuskElon Musk, premier partenaire politique de la réélection de Donal Trump : un self-made-man devenu milliardaire, pilote, et passionné d'espace. Il croit dur comme fer en la vision martienne du fondateur de SpaceXSpaceX.

    Jared Isaacman a débuté en fondant une société de paiements en 1999, connue aujourd'hui sous le nom de Shitf4 Payments. Ces débuts nous rappellent comment Elon Musk a commencé à faire fortune en lançant PayPal.

    Jared Isaacman, pilote privé de F-16. © Inspiration4
    Jared Isaacman, pilote privé de F-16. © Inspiration4

    Un pilote et astronaute privé

    Sa différence avec Musk réside dans le pilotage. À 20 ans, Isaacman pratique la voltige et décroche en 2009 un record du monde en faisant le tour du monde en jet léger. En 2012, il cofonde Draken International, une école de pilotage destinée aux forces armées des États-Unis. Il n'est pas rare aujourd'hui de le voir survoler en jet le pas de tir du Starship à Starbase, au Texas.

    Jared est surtout connu pour avoir volé deux fois dans l'espace à bord de capsules Dragon de SpaceX, dans le cadre de missions habitées qu'il a lui-même financées. Il commande la mission Inspiration4 en 2021, où il passe deux jours en orbite basse avec trois touristes spatiaux.

    En septembre dernier, il commande la mission Polaris Dawn, avec notamment deux ingénieures de SpaceX à bord. Il réalise alors une brève sortie en scaphandre, connue pour être la première EVA de l'histoire à ne pas être réalisée par un astronaute professionnel.

    Fan de SpaceX et ami de Musk

    Il est évident que le choix de Donald Trump a été fortement influencé par Elon Musk, qu'il a recruté dans son gouvernement pour chasser des dizaines de milliards de dollars d'économies dans les différentes institutions publiques américaines, dont la Nasa. Les deux vols spatiaux de Jared Isaacman ont été faits à bord du vaisseau Dragon de SpaceX. Deux ingénieures de SpaceX (Sarah Gillis et Anna Menon) faisaient partie de l'équipage de PolarisPolaris DawnDawn, et ont pu vérifier l'intégritéintégrité des scaphandres développés par la compagnie pour les EVA.

    La suite du programme Polaris construit par Isaacman inclus notamment un vol avec le Starship. Il proposait aussi de réaliser un vol en Dragon pour réparer le télescope spatial Hubble, mission qu'il pourrait bien reproposer à la Nasa.

    Jared Isaacman avec l'équipage Inspiration4 devant le hublot du Crew Dragon. © SpaceX
    Jared Isaacman avec l'équipage Inspiration4 devant le hublot du Crew Dragon. © SpaceX

    Priorité sur la Lune

    L'annonce de Donald Trump a été accueillie avec enthousiasme... dans la sphère pro-Musk et pro-SpaceX. Aucune réaction de la Nasa à l'heure où nous écrivons ces lignes. De son côté, Isaacman a réagi sur X (anciennement TwitterTwitter) en citant l'espace comme recélant un gros potentiel en usinage orbital, en biotechnologiesbiotechnologies ou encore en minageminage extraterrestre.

    « Les Américains marcheront sur la LuneLune et sur Mars et, ainsi, nous allons rendre la vie meilleure sur Terre », précise Isaacman dans son post sur X. C'est là sa principale mission. Il devra dans un premier temps faire revenir les astronautes sur la Lune avant la fin du mandat de Trump, soit en 2029 au plus tard, sinon la Chine risque de leur passer devant.

    Changements profonds pour la Nasa

    Le gouvernement Trump risque de demander beaucoup de sacrifices à la Nasa pour aller sur Mars le plus vite possible, comme le souhaite Musk. Pour gagner en budget, la Nasa devra probablement stopper certains programmes, notamment les plus coûteux, comme le SLS (Space Launch System), qui pourrait être remplacé un jour par le Starship.

    Dans un souci de budget, Isaacman pourrait bien mettre fin aux redondances de certains programmes, comme le recours à un second atterrisseur lunaire pour les missions Artemis, demandé à un consortium dirigé par Blue Origin, ou au vaisseau Starliner de Boeing, qui n'est toujours pas opérationnel.

    Le risque pour la Nasa est de voir une partie de ses programmes cannibalisés par cette priorité à la Lune et à Mars. Le programme Mars Sample ReturnMars Sample Return sera sans doute repris en main, mais Isaacman n'est en aucun cas un scientifique. Il pourrait prioriser le soutien de la Nasa à l'innovation technologique aux programmes d'étude du climatclimat ou d'astronomie. La Nasa aura-t-elle droit au chapitre ? On rappelle qu'une fondation proche de Donald Trump a préparé une purge de tout employé critique.

    Sortie en scaphandre de Jared Isaacman, premier astronaute particulier à faire une EVA de l'histoire ! SpaceX
    Sortie en scaphandre de Jared Isaacman, premier astronaute particulier à faire une EVA de l'histoire ! SpaceX

    Les limites

    Jared Isaacman à la tête de la Nasa est un choix qui reflète parfaitement la vision d’Elon Musk. Mais encore faut-il qu'il parvienne à la mettre en œuvre, lui qui n'a pas vraiment d'expérience en politique. Or, c'est l'essentiel de la mission de l'administrateur de la Nasa, qui doit négocier le budget annuel avec le Congrès.

    Entre une vision pro-SpaceX, portée par Musk et Trump, et leur souhait de réduire les dépenses gouvernementales, Isaacman aura du mal à négocier avec le Congrès certaines coupes budgétaires drastiques pour certains programmes, voire des abandons, qui pourraient conduire à de nombreuses pertes d'emplois à la Nasa, et peut-être à la fermeture de certains centres. Si Musk espère voir la fin du SLS, ce n'est pas l'avis du Sénat.

    Enfin, reste à voir comment vont réagir les astronautes de la Nasa. Vont-ils se sentir menacés de se retrouver dirigés par un autre astronaute qui n'est pas passé par leur long et difficile parcours de sélection et d'entraînement ? Verront-ils en lui quelqu'un de légitime pour garantir leur sécurité quand il faudra prendre de lourdes décisions ? Isaacman a tout de même volé deux fois en tant que commandant, et il pourrait prendre un autre astronaute comme directeur adjoint. Dans tous les cas, la Nasa sous l'étiquette Musk-Isaacman va profondément changer de nature, et SpaceX en ressortira gagnant.