Avant d'envoyer des humains se poser sur Mars, il sera indispensable d'apprendre à produire sur place l'essentiel des ressources alimentaires nécessaires au séjour et au retour. En 2017, des étudiants allemands vont vérifier si la reproduction végétative de légumes est possible dans l'espace lors d'une expérience inédite d'agriculture spatiale réalisée à bord de l'ISS. Des boutures devront faire pousser des racines, des tiges et des feuilles. Jusqu'ici, les seules expériences concernaient des graines.

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    Savoir alimenter en nourriture et en eau un équipage voyageant jusqu'à Mars est un des nombreux défis à relever avant d'envoyer des Hommes un peu partout dans l'espace. Non seulement parce qu'il est important que les astronautes se restaurent correctement, mais parce que c'est également un facteur déterminant pour le moral d'un équipage. Et les masses en jeu sont importantes : pour les seuls consommables (eau, air et nourriture), il faut compter environ cinq kilogrammes par personne et par jour.

    Aucune agence n'envisage de transporter la totalité des besoins d'une mission qui peut durer plusieurs mois. Tout laisse à penser que l'équipage n'emportera avec lui que les consommables nécessaires au voyage vers Mars. Une fois sur place, il devra être capable de produire sa propre nourriture en utilisant les ressources de la planète et les semences amenées avec lui.

    Des études sont en cours pour découvrir si la reproduction végétativereproduction végétative est possible dans l'espace. Si tel est le cas, cette agricultureagriculture spatiale serait un grand pas pour l'approvisionnement en nourriture lors de vols spatiaux de longue durée, comme ceux à destination de Mars.

    Une mission humaine sur Mars nécessitera de grandes quantités d'air, d'eau et de nourriture. Faire pousser des légumes sur place serait un bon moyen de réduire la charge utile au décollage et aussi d'offrir des produits frais à ces voyageurs au long cours. © Nasa, <em>Johnson Space Center</em>

    Une mission humaine sur Mars nécessitera de grandes quantités d'air, d'eau et de nourriture. Faire pousser des légumes sur place serait un bon moyen de réduire la charge utile au décollage et aussi d'offrir des produits frais à ces voyageurs au long cours. © Nasa, Johnson Space Center

    Cultiver des boutures à bord de l'ISS avant de le faire sur Mars

    L'une d'elles a lieu en Allemagne où trois étudiants de la faculté d'agriculture de l'école Edith Stein de Ravensburg (Maria Koch, Raphael Schilling et David Geray), soutenus activement par la société allemande BASF et la NasaNasa, étudient les effets de l'apesanteurapesanteur sur la culture des légumes dans le cadre du projet V3PO. L'objectif est de déterminer si, en apesanteur, des bouturesboutures produisent des racines et, le cas échéant, comment celles-ci se comportent avec le temps. Si l'expérience se révèle positive, la production d'aliments frais lors de missions spatiales deviendra possible, évitant de transporter de grandes quantités de semences.

    Contrairement aux autres expériences conduites en microgravitémicrogravité, les étudiants n'étudieront pas la croissance des racines lors de la germination des graines mais les boutures. Dépourvues de système racinaire, produiront-elles des racines, des pousses et des feuilles sans l'influence de la gravitégravité ? Dans le même temps, un test similaire sera conduit sur Terre, donc en conditions normalesconditions normales de gravité.

    Afin de protéger ces boutures des maladies fongiquesmaladies fongiques et lors du voyage aller et retour (les boutures pourraient être contaminées par des bactériesbactéries ou des champignonschampignons), la société BASF fournira les fongicidesfongicides. C'est ce que nous explique le docteur Sebastian Rohrer, responsable de la division chargée du projet chez BASF (Crop Protection unit for Early Fungicide Biology).

    Les fongicides qui seront utilisés pour cette expérience ont-ils été adaptés aux conditions spatiales ?

    Sebastian Rohrer : Oui. Des procédures ont été développées pour utiliser les fongicides Xemium et Initium afin de garder l'expérience libre d'infections fongiques pendant la période de recherche à bord de la Station spatiale internationale et lors des vols aller et retour. Il faut savoir qu'à bord du lanceurlanceur, la température moyenne se situe entre 4 à 8 °C contre 22 à 25 °C dans l'ISSISS. Cette différence de température et celle des taux d'humidité peuvent provoquer une accumulation d'humidité dans le récipient d'essai, ce qui pourrait générer une contaminationcontamination bactérienne ou fongique.

    Existe-t-il des risques de mutation des plantes cultivées en apesanteur ?

    Sebastian Rohrer : Contrairement à la croissance à partir de graines, la multiplication végétative à partir de boutures de plantes assure une culture uniforme au fil des générations successives. Jusqu'à présent, les expériences menées en microgravité ont seulement porté sur l'étude de la croissance des plantes à partir de graines. Le projet V3PO sera la première expérience spatiale à observer la croissance de boutures dans des conditions d'apesanteur. Cependant, contrairement aux graines, les boutures ne disposent pas d'un système racinaire pour débuter leur pousse. Nos trois étudiants veulent étudier si les cellules des pousses se développent différemment des cellules de la racine, et comment les racines, les pousses et les feuilles se développent sur des boutures en microgravité.

    Si ces boutures poussent, ce sera en s'adaptant à leur nouvel environnement ou bien le feront-elles comme si elles étaient sur Terre ?

    Sebastian Rohrer : C'est justement ce que l'équipe de V3PO veut savoir. Sur Terre, les plantes s'adaptent en permanence à leur environnement, c'est-à-dire les conditions météorologiques, la température, la luminositéluminosité et l'alimentation en eau. Dans cette expérience, on veut voir comment les boutures de plantes réagissent à des conditions de microgravité. En parallèle, sur Terre, une expérience similaire sera menée afin que lorsque les boutures de l'ISS redescendront au sol, les étudiants comparent les deux lots.