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Lors de la session de son Conseil au niveau ministériel de novembre 2012, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa)) a donné son feu vert au démarrage des premières études du programme Ariane 6Ariane 6 et confirmé le développement de la fuséefusée Ariane 5 MEAriane 5 ME adaptée qui doit apporter un gain de performance de 20 % pour le même prix qu'une Ariane 5 ECA (12 tonnes contre 10 tonnes).
Dans un entretien accordé à Futura-Sciences, Guy Pilchen, responsable du projet Ariane 6 au sein de l'Esa, nous explique ce que sera Ariane 6 et précise que « le véritable coup d'envoi de son développement sera donné en 2014, en vue d'un premier vol de qualification à l'horizon 2021 ». Quant à Ariane 5 ME adaptée, « l'idée est de la faire voler en 2017, voire 2018 ».
Points communs entre Ariane 5 ME et Ariane 6
Ces deux lanceurs sont indissociables. En effet, pour réduire les risques et les coûts de développement d'Ariane 6, l'Esa a pour objectif d'avoir un certain nombre de points communs entre Ariane 5 ME et 6. Concrètement, « on va adapter sur Ariane 5 ME des éléments ou des systèmes qui serviront également à Ariane 6 ».
Les quatre concepts de lanceur de nouvelle génération à l'étude avant que l'Esa choisisse le concept PPH (en haut à gauche), qui deviendra Ariane 6 en 2021. © Astrium
« Bien que nous ayons une idée assez précise de ses contours en termes de performances et de coûts d'utilisation, il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera Ariane 6 », explique Guy Pilchen. Des quatre concepts à l'étude dans le Programme préparatoire des lanceurs futurs (FLPP), l'Esa a « retenu le concept de lanceur à plusieurs étages dénommé PPH, avec propulsion solide pour l'étage principal ainsi que le deuxième étage et propulsion cryogénique avec un cycle expandeur pour l'étage supérieur ». Le choix de PPH est apparu « plus intéressant en termes de coûts récurrents ». Par ailleurs, Ariane 6 va « permettre un certain nombre de synergiessynergies avec les évolutions futures de Vega ». L'idée est d'avoir une « famille de lanceurs », ce qui permettra une « réduction des coûts d'exploitation en raison de l'utilisation d'éléments communs aux deux lanceurs ».
Abandon du lancement double avec Ariane 6
Ce futur lanceur aura une capacité d'emport de 3 à 6,5 tonnes en orbite de transfert géostationnaire et de 4 tonnes en orbite synchronisée avec le Soleil (SSO). Cette plage de performance a été resserrée. Initialement, « nos études portaient sur un lanceur capable de lancer jusqu'à 8 tonnes ». L'abandon de ces 8 tonnes s'est fait sur des considérations de coûts de développement et d'exploitation, ainsi que sur la vision du marché des lancements de satellites ouverts à la concurrence qu'ont l'Esa et ses partenaires. Cela dit, Ariane 6 gardera un potentiel de performance. « On ne va pas faire quelque chose de figé sans possibilité de faire évoluer les performances. »
Le concept PPH englobe plusieurs configurations possibles. Ces six prochains mois vont « nous permettre de figer une configuration et de proposer la meilleure solution vis-à-vis des objectifs techniques, de calendrier et de coût (70 millions d'euros par lancement) avec le même impératif de fiabilité que pour Ariane 5 ». En d'autres termes, déterminer l'architecture du lanceur et comment sera traitée sa modularité. Va-t-on vers un lanceur capable de « couvrir la plage de performance demandée », ou un lanceur avec une « configuration différente pour chaque orbite visé (4 t en SSO et 6,5 t en GTO) » ?
La case à équipements, véritable « boîte crânienne » abritant le cerveau électronique du lanceur Ariane 5, n'existera pas sous cette forme pour Ariane 6. © Esa, Cnes, Arianespace
Jusqu'à 12 lancements par an
Cette modularité peut se faire par « l'ajout de boostersboosters solides d'appoint comme on le faisait sur Ariane 4 avec des propulseurspropulseurs d'appoint à poudre (PAPPAP) ». Le choix définitif se fera en fonction du coût récurrent. Il ne faut pas qu'en multipliant le nombre de configurations, le prix de revient du lanceur amène à un coût de lancement supérieur aux 70 millions d'euros visés. C'est là « notre seule exigence ». Pour calculer ce coût récurrent, l'Esa se base sur un « rythme de 9 à 12 lancements par an en phase d'exploitation ».
Quant au nombre d'étages, « le choix n'est pas encore fait entre un lanceur à deux ou trois étages ». Cela dépendra du chargement des propulseurs à poudre. Parmi les concepts à l'étude, « nous travaillons sur un lanceur à trois étages avec un premier étage chargé à 180 tonnes et un deuxième à 110 tonnes ». Pour ce lanceur, il y a une notion de modularité, car on doit lui ajouter des boosters de 30 à 40 tonnes pour atteindre les 6,5 tonnes en GTO. Cela dit, quelles que soient les configurations retenues, l'étage supérieur est « toujours basé sur le moteur Vinci d'Ariane ME adaptée ».
Nouveaux logiciels et nouvelle avionique pour Ariane 6
En raison d'un objectif de coût d'exploitation du lanceur inférieur à celui d'Ariane 5, Ariane 6 ne sera guère innovante. « Ce n'est pas un objectif prioritaire ». Néanmoins, si les études montrent que l'utilisation de nouvelles technologies amène vers cet objectif financier, « et avec le même impératif de fiabilité que pour Ariane 5 », alors elles seront intégrées dans le lanceur.
S'il devait y avoir une surprise sur ce lanceur, ce pourrait être l'absence de case à équipements. Sur Ariane 5, cela signifie une structure dédiée avec des interfaces et donc « de la massemasse et des opérations spécifiques à son assemblage ». Pour Ariane 6, « l'aménagement des équipements électriques peut se faire de manière différente sans avoir une structure dédiée ». Des solutions sont d'ores et déjà à l'étude. Enfin, « on travaille sur de nouveaux logicielslogiciels et une nouvelle avionique ». Le cerveaucerveau d'Ariane 6 sera très différent de celui d'Ariane 5 en raison « d'un programme de vol différent, et de l'obsolescence en 2020 des systèmes utilisés sur Ariane 5 ».
En plus des pas de tir de Vega (en haut et à gauche), d'Ariane 5 (au premier plan) et du Soyouz russe, le Centre spatial guyanais va devoir en construire un pour Ariane 6. La photo est prise depuis le réservoir d'où sera déversée de l'eau (dans la canalisation jaune), au moment du lancement, pour atténuer les vibrations sonores au moment du décollage. © Esa, S. Corvaja
Un nouveau pas de tir en Guyane
La question industrielle est importante dans ce programme. Un des reproches faits à l'écosystèmeécosystème Ariane 5 est que son paysage industriel est très éclaté, principalement du fait de la contrainte de retour géographique qui s'applique à sa production. Résultat, la chaîne industrielle du programme Ariane 5 regroupe plus de 550 entreprises (dont plus de 20 % de PME) dans 12 pays.
Pour Ariane 6, l'Esa milite pour un système moins éclaté et rappelle qu'il existe des marges importantes de progrès dans l'organisation industrielle. Ainsi, s'il est évident que « l'on doit utiliser les industriels dans les domaines où ils sont les meilleurs », cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faut plus répartir les activités dans plusieurs pays. Il faut trouver un juste milieu entre la nécessité de « garder les compétences » et maîtriser les coûts récurrents du lanceur en « privilégiant les industriels les mieux-disants ». Bien évidemment, il ne faut pas lier la réduction des coûts d'exploitation avec une perte de fiabilité, mais plutôt rechercher une « plus grande standardisation et des volumesvolumes de production plus importants ».
Le programme Ariane 6 aura également un impact au Centre spatial guyanais. Les usines de production du P80P80 et des boosters d’Ariane 5 (les EAPEAP) vont devoir être adaptées et de nouveaux bâtiments de stockage et d'intégration sont à prévoir. Bien que le lanceur soit intégré à la verticale comme Ariane 5, « nous ne réutiliserons pas le bâtiment d'intégration (BILBIL) et le bâtiment d'assemblage finalbâtiment d'assemblage final (BAF) d'Ariane 5 ». Enfin, Ariane 6 aura « besoin d'un nouveau pas de tir, sans interaction avec celui d'Ariane 5 (ELA-3) ».