Face à l’avenir incertain du marché des lancements des satellites ouvert à la concurrence, la version 12 tonnes d’Ariane 5 se profile. Développé par Astrium pour le compte de l’Agence spatiale européenne, ce lanceur est certes un beau projet technologique mais sa carrière commerciale risque d’être en-deçà de celle d’Ariane 5 ECA.
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Ariane 5 ME (Midlife Evolution, ex-Ariane 5 ECBAriane 5 ECB) est un lanceur qui doit compléter la famille Ariane 5 vers 2017, augmentant la capacité de plus de 20 % par rapport à l'actuelle Ariane 5 ECA. Il s'agit d'« anticiper les besoins du marché commercial comme du marché institutionnel européen », explique Astrium. Il est cependant difficile de prédire le marché à dix ans et ce lanceur ne fait pas l'unanimité.
Technologiquement, c'est un beau projet qui consiste principalement à doter le lanceur Ariane 5 d'un nouvel étage supérieur équipé du moteur cryotechnique Vinci réallumable, développé par Snecma. De plus, la coiffe sera allongée de 3 mètres, permettant l'emport de charges utiles plus lourdes et plus volumineuses. Ariane 5 élargira ainsi l'éventail de ses missions à l'ensemble des orbites.
Les 10 tonnes de performance de l'actuelle Ariane 5 répondent bien au besoin du marché de lancement de satellites. © Rémy Decourt
À plus d'un titre, le développement du moteur Vinci doit être vu comme une priorité. À l'avenir, ce moteur pourrait être adapté aux besoins d'autres étages supérieurs, voire ceux de véhicules orbitaux. D'ailleurs, certains concepts de lanceurs en lice pour devenir le lanceur de nouvelle génération à l'horizon 2025 prévoient de l'utiliser. Enfin, des missions plus exotiquesexotiques, telles qu'un ATV amélioré ou des missions planétaires, pourraient profiter des belles performances de ce moteur.
Alain Charmeau, P-DG d'Astrium Space Transportation, s'est réjoui de cette étape majeure pour le lanceur européen dont la mise en service est prévue d'ici 2017 : « Ariane 5 ME sera donc un lanceur capable de placer en orbite, en même temps, deux satellites de plus de 5 tonnes pour anticiper les besoins du marché commercial et pour offrir une large variété de missions répondant aux besoins institutionnels de l'Union européenne. Les clients vont disposer de "deux lanceurs en un" et ce pour le même prix que la version actuelle d'Ariane, dite ECA, ce qui correspond à une diminution du prix par kilogramme lancé de 20 % ».
Ariane 5 ME, un cadeau empoisonné ?
Ce lanceur a pourtant ses détracteurs. Ariane 5 ME, en effet, rend perplexe ArianespaceArianespace, qui, d'ailleurs, ne souhaite pas s'exprimer sur ce sujet. Malgré la versatilité de cette fuséefusée et ses gains de coûts et de performance, Arianespace n'a effectivement pas besoin pour l'instant d'un lanceur de cette capacité. L'actuelle Ariane 5 ECA et ses 10 tonnes de performance font très bien l'affaire.
Pour comprendre le point de vue d'Arianespace, il faut savoir que les opérateurs de satellites s'assurent que leurs engins seront compatibles avec au moins deux lanceurs. Cette sécurité garantit une fenêtrefenêtre de lancement supplémentaire dans le cas où un de ces lanceurs serait cloué au sol. Actuellement, les deux lanceurs qui dominent le marché sont Ariane 5 et le Proton d'ILS qui peut lancer jusqu'à 5,5 tonnes en orbite de transfertorbite de transfert géostationnaire (GTO). Autrement dit, sauf pour de très rares cas particuliers, aucun opérateur de satellite commercial ne prendra le risque de construire un engin de plus de 6 tonnes s'il ne peut être lancé que par Ariane 5.
L'avenir d'Ariane 5 ME se jouera en fin d'année prochaine, lors de la réunion au niveau ministériel du conseil de l'Esa qui se tiendra en Italie. On garde à l'esprit les propos de Jean-Jacques Dordain, directeur général de l'Esa, qui nous expliquait lors du Salon du Bourget de juin 2011 que la décision de lancer le développement de l'étage se fera si on « a démontré qu'en investissant dans ce lanceur [Ariane 5 ME] on améliore la compétitivité d'Arianespace sur le marché des lancements de satellites ouvert à la concurrence ».