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Le lancement spatial aéroporté est une des solutions alternatives aux systèmes de lancements traditionnels pour lancer de petites charges utiles en orbite. Comme l'explique Jean Oswald, coordinateur du programme Perseus au Cnes, « lorsque l'on veut lancer un petit satellite de quelques kilos, il est automatiquement mis en passager d'un satellite commercial sur un lanceur conventionnel, de type Ariane 5 par exemple ». Cette solution n'est évidemment pas la plus satisfaisante car « la charge utile doit s'adapter à la trajectoire du satellite commercial, ce qui fait qu'elle ne se retrouve pas sur une orbite optimale et les créneaux de lancement sont également définis par celui du satellite commercial ». D'où l'intérêt d'utiliser un système de lancement propre à ces petits satellites pour « les rendre plus performants et efficaces ».
En France, de nombreuses initiatives dans ce domaine ont été amorcées, comme celle de Dassault Aviation avec son projet MLA, mais à ce jour, aucune n'a débouché sur un programme opérationnel. Lors du dernier Salon du Bourget, l'Onera (Office national d'études et de recherches aérospatiales) a présenté le projet Eole, un système expérimental de lancement aéroporté qui bénéficie d'un financement du Cnes.
Premier assemblage de la cellule de vol Eole chez Aviation Design. © Aviation Design
Remplacer le premier étage d'une fusée par un engin aéroporté
Futura-Sciences a rencontré Jean Hermetz, le directeur de ce projet qui se passionne pour les études à caractère prospectif, notamment autour du transport aérien futur et des systèmes de drones. Comme nous l'explique cet ancien de l'École nationale supérieure d'arts et métiers (ENSAM 1986) et de l'École supérieure des techniques aérospatiales (ESTA 1990), « Eole occupe à l'Onera une douzaine de personnes, coordonnées par le Département de recherche DCPS à vocation système de l'Onera qui fédère autour de lui d'autres départements de façon à rassembler les différentes compétences scientifiques requises pour aboutir à un système de démonstration opérationnel ». Ce programme est également réalisé dans le cadre du projet étudiant Perseus, coordonné par le Cnes. De ce fait, « il intègre chaque année des étudiants (d'écoles d'ingénieur) dans les travaux ; cette année, 26 ont rejoint Eole, soit en projet d'école (pour 19 d'entre eux) soit en stage à l'Onera (7) ».
Depuis cinq ans, l'Onera réalise des études avec le Cnes dans le domaine du lancement aéroporté avec comme ligne directrice de « remplacer le premier étage d'une fuséefusée traditionnelle », étage qui fait une bonne partie du travail du sol à une altitude moyenne de 20 à 25 km. L'idée est de faire effectuer cette partie de la mission « non pas par un étage consommable mais par quelque chose qui soit réutilisable, que l'on récupère au bout d'un parachuteparachute ». Au sein de l'Onera, cette idée de la réutilisabilité, « s'appuie sur des progrès faits dans des systèmes automatiques comme les drones », ce qui laisse à penser que « l'on pourrait dériver un étage sur la base de ces technologies dans des délais et pour un coût raisonnables » en raison de l'utilisation d'un certain nombre de technologies disponibles sur étagère.
Dans ce contexte, l'Onera a mené plusieurs « études avec en ligne de mire la réalisation d'un étage alliant simplicité et robustesse » de façon à évaluer dans quelle mesure il est possible de construire un système de lancement relativement peu onéreux et facile à utiliser. Ces études ont donné des résultats probants et identifié quelques points durs, notamment « autour des conditions de largage de la fusée », un moment critique pendant lequel la fusée subit des « perturbations susceptibles de dégrader ses performances », qui impactent directement la mise en orbite.
Un modèle réduit : la meilleure solution pour les tests
Au moment du largage, « les conditions doivent être idéales ». Or, avec deux engins, le véhicule porteur et la fusée positionnée en dessous, qui sont de masse sensiblement identique, des « interactions dynamiques et aérodynamiques se produisent et compliquent le pilotage et la manœuvrabilité du système de lancement ». Il serait possible de régler ce problème à l'aide de « modélisations numériquesnumériques et d'essais en soufflerie » mais le coût est apparu trop élevé. Il a alors été décidé, en septembre 2010, de réaliser un « démonstrateurdémonstrateur à échelle réduite Eole, un engin représentatif d'un certain nombre de facteurs de similitudes » des conditions au moment du largage sur un système de grandes dimensions. En reproduisant avec un engin de plus petites dimensions cette phase du vol, l'Onera compte obtenir des informations « qui vont permettre d'apprendre ce qu'il va subir » de façon à les analyser et les interpréter pour évaluer ce qui se « passerait sur un système de plus grandes dimensions, c'est-à-dire opérationnel ».
Maquette de soufflerie échelle 1/2 d'Eole dans la veine de la soufflerie Onera L2. Ces tests permettront de définir l'ensemble des caractéristiques aérodynamiques, statiques et dynamiques du démonstrateur. © Onera
Eole est un engin de 6,7 m d'envergure et d'une masse au décollage de 150 kgkg avec une forme qui, « par rapport à l'usage qui en est fait, a été brevetée (Cnes, l'Onera, Aviation, Design) ». Sa taille est suffisamment grande pour y intégrer « de nombreux capteurscapteurs pour simuler des conditions de largage représentatives d'un système opérationnel ».
Si ce démonstrateur à échelle réduite représente un indéniable saut conceptuel, il n'y a aucune rupture technologique. « C'est un assemblage innovant qui s'appuie sur des technologies existantes ». Aujourd'hui, l'engin est en phase de constructionconstruction chez Aviation Design. L'Onera vise une première série de vols de démonstration en juin 2012 pendant laquelle seront testées « des fusées sans charge utile qui ne vont pas aller dans l'espace » mais seront représentatives de « situations réelles au moment de la séparationséparation ». À la fin de cette campagne d'essais qui devrait durer plusieurs mois, Eole devrait être « déclaré apte au vol » et amener l'Onera et le Cnes à s'interroger sur « l'opportunité ou non de poursuivre son développement vers un engin plus grand et pleinement opérationnel pour des missions institutionnelles, voire commerciales à plus long terme ».