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De l'eau sur Mars, les astronomesastronomes savent aujourd'hui qu'il y en a en grande quantité. Car nombreuses sont les traces tangibles de sa présence passée, révélées et par les sondes spatiales en orbite et par les rovers qui arpentent des sites choisis. Rappelons d'ailleurs que Curiosity a plusieurs fois montré l'existence de ruisseaux, lacs et lagunes. De l'eau liquide coulait vraisemblablement dans cette région, il y a plus de 3,7 milliards d'années (Hespérien). On se souviendra aussi que la mission Phoenix Mars Polar Lander, chargée de prospecter près du pôle nord martien, trouvait très facilement, dès 2008, de la glace d'eau piégée dans le sol, en grattant la pellicule de poussières superficielle. Il y a beaucoup d'eau, certes, mais aucune trace sérieuse qu'elle puisse encore exister sous sa forme liquide ! Quoique, peut-être...
L'un des principaux faisceaux de présomptions qu'il en existe encore non loin de la surface est alimenté par la découverte en 2011 de multiples lignes de pente récurrentes (recurring slope lineae en anglais, ou RSL). Remarquées sur les images acquises par la caméra HiRise (High Resolution Imaging Science Experiment) de la sonde Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter (MRO), ces étranges traces sombres observées sur des pentes de cratères ont tendance, en effet, à apparaître et disparaître annuellement, selon les saisonssaisons. Elles sont plus fortes quand il fait plus chaud et moins importantes quand il fait plus froid.
Âprement discutées lors des réunions scientifiques de la mission Mars Reconnaissance Orbiter, les RSL (recurrent slope lineae, lignes de pente récurrentes) remarquées depuis 2011 sur les images de la caméra HiRise témoignent d’une surface dynamique qui pourrait être modifiée occasionnellement par des fuites d’eau liquide saumâtre. © Nasa, JPL-Caltech, University of Arizona
De mystérieuses lignes de pente récurrentes sur Mars
Naturellement, la première explication qui vient à l'esprit est une possible relation avec de l'eau liquide sur Mars. Mais n'étant malheureusement pas sur place, les scientifiques n'ont pas d'autre choix que de mener leur propre enquête à distance pour en déterminer l'origine. « Nous n'avons toujours pas de preuve irréfutable de la présence d'eau sur les RSL, bien que nous ne soyons pas sûrs que ce processus puisse exister sans eau », raconte Lujendra Ojha, étudiant à l'institut de technologie de Géorgie, qui a mené ces récentes études publiées dans Geophysical Research Letters, et bientôt dans Icarus. En compagnie du professeur James Wray, ils ont examiné 200 sites potentiels particulièrement bien exposés, situés aux latitudeslatitudes moyennes australes. Une fois ceux-ci passés au crible de l'instrument Crism (Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars) installé sur MRO, les chercheurs n'en ont identifié que 13 présentant des RSL. Aucun d'entre eux ne montre cependant une signature spectrale de l'eau ou de sels. Néanmoins, une plus grande abondance de minérauxminéraux ferriques et ferreux avec une granulométrie variable a été détectée pour les 13 cas, à la différence des autres sites étudiés.
Plusieurs pistes sont ébauchées pour expliquer le phénomène. Un processus sec ou aqueuxaqueux pourrait très bien déplacer les poussières et mettre à nu les grains les plus gros. D'autre part, sachant que les sulfates ferriques recouvrent la quasi-totalité de la Planète rouge, les chercheurs envisagent l'hypothèse qu'ils agissent comme un antigel et permettent d'abaisser le point de congélation pour des dépôts situés près de la surface. Enfin, la possibilité de brumesbrumes matinales est également considérée, mais puisque les survolssurvols de Mars Reconnaissance Orbiter se sont toujours déroulés l'après-midi, plusieurs heures après leur dissipation, cela a pu leur échapper.
Hypothèse de l’eau saumâtre
La relative rareté des sites (13 sur 200) où l'on peut lire des lignes de pente récurrentes en dépit de conditions favorables indique que « des facteurs supplémentaires comme la disponibilité de l'eau ou de sels peuvent jouer un rôle déterminant dans la formation des RSL », commente Lujendra Ojha. Ayant en tête le fameux slogan de la Nasa édicté pour les missions martiennesmissions martiennes, « follow the water » (« suivez l'eau »), James Wray explique que les RSL ont ravivé l'espoir d'accéder à l'eau moderne, mais il tempère : « prédire les conditions humides reste un défi ».
Il est donc très difficile de prouver l'implication directe de l'eau liquide. Peut-être n'en aurons-nous le cœur net qu'à l'arrivée d'une première expédition humaine. Celle-ci n'est plus tout à fait un rêve pour notre espèceespèce, mais il nous faudra encore patienter une à trois décennies.
Pour Richard Zurek, scientifique de la mission actuelle Mars Reconnaissance Orbiter, « l'écoulement de l'eau, même saumâtresaumâtre, où que ce soit sur Mars aujourd'hui sera une découverte majeure, ayant un impact sur notre compréhension de l'actuel changement climatiquechangement climatique de la planète et indiquera des habitats potentiels pour la vie, proche de sa surface ».