Le télescope spatial Svom, conçu conjointement par la Chine et la France, a décollé avec succès depuis la base de Xichang. Mais une vidéo montrant la chute d’un débris de la fusée près d’habitations a fait polémique sur les réseaux sociaux, où elle a été vue des millions de fois. On fait le point.


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    C'est bien malheureux. La vidéo des coulisses du lancement chinois a eu plus d'impact que le décollage lui-même. Il s'agissait pourtant de la mise en orbite du très intéressant télescope spatialtélescope spatial franco-chinois Svom dont la mission est d'étudier les sursauts gamma, témoins des plus grandes explosions dans l'Univers, dont celles de la première génération d'étoiles.

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    Panique dans un village

    La vidéo est parue sur un compte spécialisé dans le suivi du spatial chinois. Elle montre une scène de panique dans un petit village chinois sur lequel tombe un élément de la fusée qui avait décollé du centre spatial du Xichang quelques minutes avant. Le débris est retombé à proximité du village. Heureusement, l'incident n'a pas fait de victime.

    Le débris était le premier étage d'une fuséefusée Long March 2C. Ce lanceur chinois est couramment utilisé pour des lancements de satellites institutionnels chinois depuis 1982 (la version actuelle du lanceur date de 2004). Cette fusée utilise comme carburant un mélange d'hydrazinehydrazine et de peroxyde d'azoteazote.

    L'hydrazine est un carburant de moins en moins utilisé dans le monde. On en trouve surtout à bord des fusées des anciennes générations en Chine. C'est un carburant très polluant et toxique. Par conséquent, il est dangereux de s'approcher des vestiges de boostersboosters qui retombent au sol comme celui-ci.

    On trouve régulièrement de nouvelles images de débris de fusées Long March retombés au milieu de zones habitées, comme cette photo qui date de 2021 — et qui ne correspond pas au lancement de samedi. Jusqu'à présent, aucune victime n'a été répertoriée. © <em>via</em> Weibo
    On trouve régulièrement de nouvelles images de débris de fusées Long March retombés au milieu de zones habitées, comme cette photo qui date de 2021 — et qui ne correspond pas au lancement de samedi. Jusqu'à présent, aucune victime n'a été répertoriée. © via Weibo

    Une longue série d’incidents

    Pourquoi la Chine laisse-t-elle retomber des débris de fusée sur des zones habitées ? Pour le comprendre, il faut savoir que trois des quatre sites de lancement chinois sont à l'intérieur des terres. Le quatrième, le plus récent, est en bord de mer, sur l'île d'Hainan.

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    Quand une fusée décolle des côtes, les opérateurs s'arrangent pour qu'elle se retrouve au-dessus de l'eau quelques dizaines de secondes après le décollage en cas de problème nécessitant l'autodestruction. À aucun moment, la fusée ne doit survoler des zones habitées, du moins sans avoir atteint une certaine altitude.

    Les trois premiers sites de lancement chinois ont été construits au cœur du pays pendant la guerre froide pour éviter les risques de bombardements. Fatalement, une fois leur utilisation terminée, les premiers étages des fusées qui décollent de ces sites retombent à terre, parfois près d'habitations, au lieu de retomber en mer.

     

    Des premières mesures en cours d’expérimentation

    Avec l'accélération du programme spatial chinois, les décollages depuis le Xichang sont de plus en plus nombreux, et avec eux, ces incidents. Les autorités locales émettent régulièrement des ordres d'évacuation. Une partie de la population ne les respecte pas, probablement parce qu'elle n'est pas au courant -- ce qui était sans doute le cas samedi.

    De son côté, la compagnie publique en charge des tirs des fusées Long March (la Casc) étudie diverses solutions pour contrôler la chute des débris, et ainsi mieux assurer la sécurité des gens. Parmi elles, les opérateurs utilisent souvent des grilles de guidage aérodynamique. L'usage de parachuteparachute a également été expérimenté. La Chine a aussi racheté des terrains sur lesquels faire retomber les débris.

    Enfin, la Casc compte à terme rendre réutilisable le premier étage d'une partie de ses nouvelles fusées qui peu à peu remplaceront les Long March 2C obsolètes. Ce week-end, une filiale de la Casc a réalisé un test de décollage et atterrissage vertical avec un démonstrateurdémonstrateur de quatre mètres de haut.

    Poursuivre la collaboration franco-chinoise ?

    Si certains efforts sont notables, il est à craindre que ces incidents se reproduisent. La vidéo a provoqué un certain émoi sur les réseaux sociauxréseaux sociaux, où certains internautes demandent s'il est prudent d'entreprendre des partenariats avec la Chine étant donné son laxisme en termes de sécurité lors des lancements.

    Vue d'artiste du satellite Svom. © Cnes, CNSA
    Vue d'artiste du satellite Svom. © Cnes, CNSA

    Dans la mission Svom, la France fournit deux des quatre télescopes à bord, dont l'instrument principal Eclairs chargé de détecter et localiser la source des sursauts gamma. Svom n'est pas la première collaboration franco-chinoise. Le Cnes et l'agence spatiale chinoise ont déjà conçu ensemble le satellite CFO-Sat spécialisé dans l’étude des vagues. Plus récemment, le détecteur de radon, Dorn, de l'Institut de Recherche en AstrophysiqueAstrophysique et Planétologie de Toulouse, s'est posé sur la face cachée de la LuneLune avec Chang'e 6.