Avec son spectromètre à laser, le rover Curiosity a analysé un peu d’air, comme il l’a déjà fait avec un autre instrument. On connaît maintenant assez précisément les teneurs des plus importants composants de l’atmosphère et deux premiers résultats sont tombés : absence de méthane et présence d’isotopes lourds du carbone. Le premier ressemble à une déception et le second démontre que Mars abritait autrefois une atmosphère bien plus épaisse.

Curiosity a avalé un peu d'air et l'a fait pénétrer dans le laboratoire Sam (Sample Analysis at Mars) et plus précisément dans le spectromètre infrarouge TLS (Tunable Laser Spectrometer). TLS se spécialise dans les molécules carbonées, le dioxyde de carbone (CO2), le monoxyde de carbone (CO) et le méthane (CH4). L'autre instrument de Sam, QMS (un spectromètre de masse, Quadrupole Mass Spectrometer), s'intéresse à tout.

Même si l'atmosphère martienne était assez bien connue, les résultats de Curiosity apportent une estimation précise de ses cinq composants majeurs. Le plus abondant, le dioxyde de carbone, représente plus de 95 %, suivi loin derrière par l'argon, l'azote, l'oxygène et le monoxyde de carbone (voir le schéma).

Les abondances de cinq composants mesurées par Sam, installé sur le rover Curiosity, avec deux de ses trois instruments (TLS et QMS). Le gaz carbonique, ou dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>), avoisine 96 % (95,9). L'argon (Ar) est deuxième avec un petit 2 % suivi de près par l'azote moléculaire (N<sub>2</sub>), à 1,9 %. L'oxygène moléculaire (O<sub>2</sub>) n'atteint que 0,14 % et le monoxyde de carbone (CO) seulement 0,06 %. © Nasa/JPL-Caltech, Sam/GSFC

Les abondances de cinq composants mesurées par Sam, installé sur le rover Curiosity, avec deux de ses trois instruments (TLS et QMS). Le gaz carbonique, ou dioxyde de carbone (CO2), avoisine 96 % (95,9). L'argon (Ar) est deuxième avec un petit 2 % suivi de près par l'azote moléculaire (N2), à 1,9 %. L'oxygène moléculaire (O2) n'atteint que 0,14 % et le monoxyde de carbone (CO) seulement 0,06 %. © Nasa/JPL-Caltech, Sam/GSFC

Le mystère du méthane persiste

Le méthane brille par son absence et c'est une surprise. S'il y en a, sa teneur dans la région du cratère Gale se compte au plus en parties par milliard (en volume). La détection de ce gaz en 2003, depuis la Terre, avait fait sensation. L'orbiteur européen Mars Express avait confirmé sa présence en 2004, tout comme, en 2009, des analyses spectroscopiques en infrarouge réalisées grâce à l'Infrared Telescope Facility de la Nasa et au télescope Keck, installés tous deux au sommet du Mauna Kea à Hawaï.

Le méthane étant rapidement détruit dans l'atmosphère martienne, il faut qu'il en soit produit régulièrement. Manifestement, cette production se fait par intermittence. Mais où et selon quel mécanisme ? L'origine est inconnue. On a parlé de volcanisme et certains se plaisent à imaginer des organismes vivants, souterrains, dont le métabolisme produirait cette molécule, comme nos bactéries et archées méthanogènes. Au début de l'année, une équipe d'astrophysiciens avait proposé que l'apport de méthane provenait des météorites.

Mars : une atmosphère amincie

TLS a effectué un autre travail : compter les isotopes du carbone et de l'oxygène, c'est-à-dire les versions plus ou moins lourdes de ces atomes. Résultat pour le carbone : la proportion de carbone lourd est plus forte (de 5 %) que ce que prévoient les modèles de formation de la planète Mars.

La première conclusion des chercheurs de la Nasa est que l'atmosphère martienne, autrefois bien plus épaisse (elle est aujourd'hui cent fois moins que celle de la Terre), s'est amincie par perte de gaz vers l'espace. Les isotopes lourds, qui sont... plus lourds, ont eu un peu moins tendance à s'échapper, ce qui expliquerait ce déficit de 5 %. Les grandes questions sur l'atmosphère martienne demeurent mais Curiosity lève un peu le voile...