En quelques jours, la Chine a été témoin de deux incidents graves liés à ses fusées. D’abord, la chute d’un booster, puis une grosse explosion, le tout à proximité d’habitations... la Chine spatiale fait la course avec SpaceX d’Elon Musk... quitte à négliger toute sécurité.


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    Dimanche 30 juin, le Henan trembletremble. À 600 kilomètres au sud de Pékin, la province chinoise connue pour être le berceau de la civilisation chinoise est une région densément peuplée. Parfois, les habitants de la ville de Gongyi entendent le rugissement de moteurs provenant d'un site de test non loin de la ville, mais ils ne s'attendaient certainement pas à être bombardés par leur propre pays.

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    Le 30 juin, le test de l'étage principal d'une fuséefusée chinoise privée vire à la catastrophe qui, par chance, n'a fait aucune victime ni aucun dégât matériel. Le choc a été immortalisé par de multiples vidéos, qui tournent sur tous les réseaux sociauxréseaux sociaux, et même par un drone. Le booster a décollé par erreur et s'est crashé dans les environs de Gongyi peu après.

    Le booster appartient à la compagnie privée Space Pioneer, qui s'est fait remarquer l'année dernière par l'envol de sa première fusée Tianlong-2. Le test fait partie du développement d'un futur lanceur plus gros, Tianlong-3, de capacité équivalente à la Falcon 9 de SpaceXSpaceX, et également réutilisable.

    Comment a-t-il pu décoller ? Pour tout essai à feu statique, le booster est censé être bien attaché au banc de test. Mais il s'avère que les attaches ont été mal faites ou mal verrouillées. Dès le début de la mise à feu, le booster a voulu tourner sur lui-même, probablement à cause d'un défaut dans la baie de propulsion. Les attaches ont immédiatement rompu sous cette contrainte latérale manifestement négligée, libérant le booster.

    Le booster s'est envolé dans la seconde après le début du test, restant en l'air pendant de longues secondes, avant de redescendre et de se crasher. Il n'y avait probablement pas de dispositif d'autodestruction ni d'avionique étant donné qu'aucun décollage n'était prévu.

    Sécurité au second plan ?

    C'est un bingo de toutes les fautes graves en matièrematière de sécurité qui aurait pu virer au drame. Jamais on n'imaginerait voir cela au Centre spatial guyanaisCentre spatial guyanais, qui s'est d'ailleurs montré sur le qui-vive à l'occasion du vol inaugural risqué d'Ariane 6.

    En dépit du scandale filmé sous tous les angles, les responsables semblent le voir comme un risque à prendre pour avancer le plus vite possible. En seulement quelques années, la start-upstart-up est passée du stade de la feuille blanche au développement d'une grande fusée équivalente à la Falcon 9 de SpaceX ! Il a fallu quatre ans pour faire décoller la Tianlong-2 (duréedurée équivalente aux retards d'Ariane).

    La Chine spatiale avance à très grande vitessevitesse et, manifestement, sans trop se préoccuper de la sécurité des habitants des environs, en dépit des scènes de panique à cause de la chute de boosters au Xichang, ou de la fermeture forcée d'espaces aériens en France et en Espagne avec la chute du booster géant de la Long March 5.

    Expansion exponentielle en orbite, la Chine en pleine conquête de clients internationaux

    Chaque année, le nombre de satellites chinois en orbiteorbite explose : 1 000 satellites depuis 2010, dont les deux tiers ces cinq dernières années. La Chine soutient la mise en place de mégaconstellations satellites privées ou publiques, avec plusieurs dizaines de milliers de satellites à mettre en orbite d'ici 2030. Ainsi, la Chine disposerait d'autant de satellites dans l'espace que les États-Unis, une logique d'occupation qui lui garantit d'avoir son mot à dire sur l'avenir de l'orbite face aux dogmes occidentaux.

    La Chine cherche aussi à conquérir les marchés étrangers avec ses lanceurs et ses constructeurs de satellites. En première cible : l'Afrique. La Chine est actuellement en train de construire une base de lancement à Djibouti et est partenaire de plusieurs programmes spatiaux du continent. Désertant le salon de l'air et de l'espace du Bourget en 2022, la Chine occupait un des plus gros stands du salon de Luanda (Angola) en avril dernier.

    Les opérateurs chinois privés proposent des vols vers l'orbite, moins chers que SpaceX. Les puissances spatiales émergentes seront alors tentées par cette voie, d'autant que certaines d'entre elles se rapprochent déjà de la Chine avec des alliances géopolitiques, ou via son programme de base lunaire internationale (récemment rejoint par l'Afrique du Sud).

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