Le 3 novembre 1957, l'Union soviétique envoyait dans l'espace, pour un voyage sans retour, le premier animal à tourner autour de la Planète. La petite chienne Laïka quittait la Terre mais entrait dans l'Histoire. Un voyage à ne pas oublier.
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La stupéfaction passée après l'envoi du premier satellite artificiel de la Terre -- Spoutnik 1 -- le 4 octobre 1957, les observateurs s'interrogèrent sur le temps qui allait s'écouler avant la mise en orbite du premier être vivant. Les spécialistes s'accordaient généralement pour une durée allant de un an... à une dizaine d'années. La masse de Spoutnik 1Spoutnik 1 -- 83 kilogrammes -- semblait bien trop faible pour expédier un être vivant. En soi, elle paraissait pourtant phénoménale quand les Américains tentaient toujours vainement de satelliser les 1.470 grammes de leur Vanguard. Moins d'un mois plus tard, le 3 novembre, le monde était fixé : Laïka s'envolait pour l'espace !
La petite chienne qui eut l'insigne honneur de précéder l'humanité dans l'espace avait une origine plus que modeste, puisqu'elle fut trouvée errante dans une rue de Moscou. Bâtarde, âgée de trois ans (environ) et pesant 6 kg, elle fut baptisée Laïka. Le mot signifie « petite aboyeuse » en russe, mais désigne aussi en argot des chienschiens sans race déterminée présentant une ressemblance avec les huskies. Son véritable pedigree restera un mystère mais il est généralement accepté qu'elle était le fruit d'un croisement entre un huskyhusky et un terrier.
Ce n'était pas la première fois qu'un animal franchissait la limite séparant l'atmosphèreatmosphère terrestre de l'espace, fixée pour l'armée de l'Air américaine à 50 miles d'altitude (environ 80 km) et pour les scientifiques à 100 km. Le tout premier fut un singe baptisé Albert 2, qui fut lancé le 14 juin 1949 à 22 h 35 TU (15 h 35 locales) depuis la base militaire américaine de White Sands, à bord d'une fuséefusée V2, et atteignit une hauteur de 133,9 km. L'animal supporta parfaitement le vol ainsi que l'indiquèrent les enregistrements réalisés à bord de l'habitacle pressurisé, mais périt à la suite de l'impact du retour, suite à un défaut de fonctionnement du parachuteparachute.
Le vol de Laïka fut pénible, avant de lui être fatal. L'animal avait été revêtu de sa combinaison spatiale spécialement taillée à sa mesure et installée à bord de sa capsule trois jours avant le départ, soit le 31 octobre 1957. Un réservoir en caoutchouccaoutchouc situé à l'arrière devait recevoir urine et excréments. Deux assistants étaient chargés de veiller à sa santé et de la nourrir tant bien que mal. Les températures étant particulièrement basses à ce moment sur la base de BaïkonourBaïkonour ; un tuyau relié à un radiateurradiateur avait été introduit dans son habitacle pour lui envoyer un peu d'air chaud. Quelques heures avant la mise à feufeu, des techniciens entrouvrirent sa combinaison et badigeonnèrent d'une solution d'alcoolalcool iodé les parties de son pelage qui allaient recevoir des électrodesélectrodes.
Lancement réussi mais problème à la mise en orbite
Le lanceurlanceur R-7, identique à celui qui avait emmené Spoutnik 1 le mois précédent, décolla le 3 novembre 1957 à 2 h 30 TU. Durant la phase d'accélération maximale, le cœur de la petite chienne passa de 103 à 240 pulsations par minute. La coiffe de Spoutnik 2 (officiellement nommé PS2) fut correctement larguée dès la mise en orbite, mais le dernier étage de la fusée ne se sépara pas comme prévu, ce qui entrava le fonctionnement du système de régulation thermique du satellite consistant en un simple ventilateur qui devait s'activer dès que la température de la cabine dépasserait 15 °C.
Spoutnik 2, d'une masse de 508,3 kg, se trouvait à ce moment sur une orbite de 212 x 1.660 km inclinée à 65,30° décrite en 103,70 minutes.
À bord, le thermomètrethermomètre se mit immédiatement à grimper de façon anormale et atteignit, puis dépassa bientôt les 40 °C. Les analyses ultérieures de la télémétrietélémétrie devaient indiquer qu'une partie du revêtement isolant du satellite s'était déchiré. Le poulspouls de l'animal prit trois fois plus de temps à revenir à son rythme normal que durant les essais en centrifugeuse, ce qui trahissait l'intense effet de stressstress qu'il avait subi, ainsi que les conditions pénibles auxquelles il faisait à présent face. Les signaux révélèrent ensuite que Laïka était agitée, mais absorbait cependant le gelgel nutritif qui lui servait de nourriture.
Entre cinq et sept heures après le décollage (l'imprécision provient du fait que les signaux n'étaient pas reçus en continu au sol), le premier animal en orbite de l'Histoire ne donnait plus aucun signe de vie.
La polémique autour du sacrifice de Laïka
En cette époque de guerre froide, reconnaître un échec paraissait inconcevable aux dirigeants de l'URSS. Aussi, les communiqués annoncèrent un succès complet, qui s'était conclu comme prévu : l'euthanasieeuthanasie de l'animal après sept heures de vol.
Ce ne fut qu'en 2002 que le docteur Dimitri Malachenkov, qui avait participé à la mission, révéla que Laïka avait péri suite à une défaillance du système de régulation thermique et du stress, reconnaissant que le plan de mission prévoyait d'euthanasier l'animal au moyen de nourriture empoisonnée au septième jour de l'expérience. Dans un rapport qu'il présenta par la suite au World Space Congress de Houston, il affirma qu'il avait été impossible aux ingénieurs de concevoir un système en si peu de temps, et encore moins un dispositif de rentrée atmosphérique. Laïka était donc, dès son lancement, condamnée à mourir dans l'espace.
Spoutnik 2 est rentré dans l'atmosphère le 14 avril 1958 au-dessus des Antilles après avoir effectué 2.570 révolutions autour de la Terre.
En URSS, la mort de Laïka ne souleva pas beaucoup de polémique, et ne fut annoncée qu'anecdotiquement, les communiqués insistant avant tout sur l'importance du lancement. Ce n'est qu'en 1998 qu'un autre chercheur attaché au programme, Oleg Gazenko, déclara publiquement : « Plus le temps passe, plus je suis désolé à son sujet. Nous n'aurions pas dû le faire... Nous n'avons pas appris suffisamment de cette mission pour justifier la mort de la chienne ».
Mais Laïka avait ouvert une porteporte, celle par où l'humanité s'élancerait un jour vers les étoilesétoiles. Et rien que pour cela, elle mérite que l'on se souvienne d'elle.