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Apophis (dans le cercle), photographié par le télescope de 2,20 mètres de Hawaï, près du sommet du Mauna Kea. Cet astéroïde géocroiseur découvert en 2004 s'approchera de la Terre le 13 avril 2029 et le 13 avril 2036. © UH/IA
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Exploiter les astéroïdes et leurs minérauxminéraux n'est pas une idée nouvelle. Dans les années 1970, par exemple, Gerard O'Neill pensait les utiliser pour construire les immenses cités spatiales qu'il imaginait. Lui prévoyait d'aller jusqu'aux corps rocheux de la ceinture d'astéroïdes, au-delà de Mars, pour en ramener à faible vitesse, donc à faible énergie, les matériaux d'intérêt. Il ne s'agissait donc pas de les utiliser sur la Terre mais dans l'espace, ce qui allègeallège considérablement les engins spatiaux chargés du transport.
S'il faut ramener au sol ces milliers de tonnes, c'est une toute autre histoire, et il faut démontrer que le jeu en vaut la chandelle. Hexi Baoyin, Yang Chen et Junfeng Li, du Beijing Institute of Technology, n'ont pas exploré cet aspect mais calculent tout de même qu'un astéroïde riche en métauxmétaux représenterait un trésor de 25.000 milliards de dollars... En spécialistes des trajectoires dans l'espace, ils ont cherché quels critères et quels moyens techniques il faudrait envisager pour exploiter des astéroïdes suffisamment riches en minéraux ou en métaux. Leur idée n'est pas de lancer une noria de vaisseaux spatiaux vers l'astéroïde lointain mais d'en envoyer un pour capturer cette manne céleste et en faire un compagnon de la Terre autour du Soleil.
Quand l'orbite de l'astéroïde 2008EA9 s'approche de l'orbite terrestre, un impacteur pourrait modifier sa trajectoire et en faire pour quelque temps un compagnon de la Terre, donnant la possibilité d'exploiter ses ressources... éventuelles. © Hexi Baoyin, Yang Chen et Junfeng Li
Comment capturer un astéroïde
Dans une publication récemment reprise sur Arxiv, et donc accessible, ils étudient la faisabilité d'une capture d'un de ces petits corps gravitant autour du Soleil et à proximité de la Terre, que l'on appelle pour cette raison les géocroiseurs (en anglais NEO, Near Earth Objects). Leur trajectoire croise l'orbiteorbite terrestre de temps à autre et ils peuvent même s'approcher de la Terre, comme ce fut le cas cette année de 2011 MD, passé à seulement 12.300 kilomètres, soit trois fois moins loin que les satellites géostationnairessatellites géostationnaires.
Les trois chercheurs se sont plongés dans l'étude des orbites de 6.000 géocroiseursgéocroiseurs connus, pour sélectionner ceux dont la trajectoire permettrait prochainement une capture. Selon eux, un tel astéroïde doit d'ici à 2060 s'approcher de la Terre à moins de 0,008 UA (unité astronomiqueunité astronomique, l'UA étant la distance de la Terre au Soleil, environ 149,6 millions de kilomètres), soit à peu près 1,2 million de kilomètres. La mécanique céleste nous dit comment vont jouer les forces gravitationnellesforces gravitationnelles. En l'occurrence, il faut considérer le système à trois corps, Soleil-Terre-NEO et le critère recherché dépend de la vitesse et de la position de l'astéroïde (c'est la constante de Jacobi). Il détermine la facilité avec laquelle l'astéroïde pourrait se stabiliser momentanément près du point de Lagrange L1 du système Soleil-Terre-astéroïde.
Un seul candidat sur 6.000
Première solution : il existe quelque part un astéroïde qui, à un certain moment, s'approchera suffisamment de la Terre pour être capturé naturellement et osciller quelque temps autour du point L1, comme un voilier encalminé. Hélas, il n'y en a aucun parmi les objets connus, affirment les chercheurs chinois. Mais il y a une autre possibilité : augmenter, au bon moment, la vitesse d'un astéroïde qui s'approcherait suffisamment de L1. En calculant la puissance de cette pichenette, les chercheurs trouvent deux corps, 2009BD et 2008EA9 pour lesquels elle serait raisonnable. Le premier est le meilleur candidat... mais on l'a raté. Les deux meilleures opportunités pour le pousser jusqu'à nous étaient janvier 2009 et juin 2011. Quant à 2008EA9, il sera en bonne position en février 2049. Nous avons donc le temps de nous préparer.
Il suffira alors d'augmenter sa vitesse de 1 km/s, soit, tout de même, 3.600 km/h. D'après l'étude chinoise, qui envisage plusieurs possibilités, un impacteurimpacteur ferait l'affaire, du fait de la faible massemasse de ce petit corps : il suffirait d'un engin de 26,4 tonnes frappant l'astéroïde 2008EA9 avec une vitesse relative de 60 km/s. Il se retrouverait alors provisoirement en orbite autour du Soleil mais naviguant « de conserve » avec la Terre, comme dirait un marin, à une distance deux fois supérieure à celle de la LuneLune. Il n'y aurait plus qu'à aller creuser.
Le seul problème... est qu'il n'y aurait peut-être rien d'intéressant à trouver sur ce petit astéroïde. En tout cas, la méthode pourrait aussi être utilisable pour une exploration scientifique, qui ramènerait des échantillons en quantités importantes, et aussi pour résoudre le problème inverse : comment éloigner un corps qui risquerait de tomber sur notre planète...