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Image agrandie de la région photographiée par la Narrow Angle Camera de Cassini le 15 avril 2013. À la limite de l'anneau A, Carl Murray et son équipe ont observé un ourlet de matière long de plus de 1.200 km et de 10 km de large, vraisemblablement provoqué par un petit satellite naturel en formation. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
Dans le Système solaire interne, les planètes telluriques ne possèdent quasiment pas de satellites naturels. Hormis la Lune gravitant autour de la Terre et deux minuscules corps rocheux (PhobosPhobos et DeimosDeimos) dans le girongiron de Mars, on n'en connaît aucun autour de VénusVénus (pourtant d'une taille équivalente à notre planète) et de Mercure. En revanche, les planètes géantes et gazeuses -- particulièrement les dominantes JupiterJupiter et SaturneSaturne -- sont escortées chacune par plusieurs dizaines de lunes. La deuxième, Saturne -- ô combien célèbre pour ses multiples anneaux qui la magnifient --, n'a pas encore dit son dernier mot ni dévoilé toute sa famille...
En effet, outre la soixantaine de satellites naturels qu'on lui connaît déjà, de nouveaux candidats, de tailles toujours plus petites, continuent de se rajouter. Depuis l'arrivée de la sonde spatiale Cassini (conçue par l'Esa et la NasaNasa) en 2004, leur recensement n'est guère plus facile. L'exploration de ces mondes distants de plus d'un milliard de kilomètres de la Terre révèle aux chercheurs une grande diversité de corps en perpétuel changement, une palette de lunes aux caractéristiques étonnantes, sans oublier de soudaines excroissances de matériaux.
Vue d'ensemble de la région photographiée par Cassini le 15 avril 2013. Sur le bord de l'anneau A, on peut observer Peggy, une possible petite lune en formation à environ 136.600 km de la surface de Saturne. Plus étroit et fin, on distingue en dessous l'anneau F où évolue Prométhée. © Nasa, JPL-Caltech, Space Science Institute
« Nous n’avions jamais vu cela auparavant »
Il y a un an, le 15 avril 2013, la caméra à angle étroit de Cassini mettait en évidence une inhabituelle concentration de matièrematière sur le rebord extérieur du grand anneau A. Quelque 20 % plus lumineuse que tout ce qui l'entoure, sa longueur a été évaluée à environ 1.200 km et sa largeur à 10 km. Les scientifiques emmenés par Carl Murray (Queen Mary University de Londres) reconnaissent qu'ils n'avaient « jamais vu cela auparavant ». L'auteur de l'étude publiée dans la revue Icarus s'enthousiasme : « nous sommes peut-être en train d'assister à l'acte de naissance [d'un satellite], le moment où cet objet s'apprête à quitter les anneaux pour devenir une lune à part entière ».
Si c'est bien ce qui se produit, il faudra cependant patienter avant l'approche du vaisseau Cassini, programmée pour la fin de l'année 2016, pour profiter de davantage de détails sur le processus engagé. Bien que difficile à résoudre, l'agrégat grossier de matière nommé Peggy est supposé mesurer actuellement pas plus d'un kilomètre de diamètre et se composer essentiellement de glace d'eau, puisée dans les anneaux. Les premières détections du phénomène remonteraient à mai 2012, en dépit d'une position orbitaleorbitale défavorable pour la sonde spatiale.
Position des principaux groupes d'anneaux qui ceinturent Saturne. La division de Cassini sépare les anneaux A et B. Peggy a été observée sur la bordure extérieure de l'anneau A, non loin de l’anneau F. © Nasa, JPL, Space Science Institute
Des lunes de Saturne de plus en plus petites
La formation de cette excroissance est imputable au jeu gravitationnel créé par la présence de lunes minuscules comme Janus, Épiméthée ou Prométhée. Ce dernier n'a de cesse, en effet, de répéter des accrocs dans le très fin anneau F qu'il frôle, non loin de là. À l'instar des autres lunes encore mal connues, il fut probablement engendré par l'une de ces ceintures de glace et autres débris qui encerclent la planète gazeuseplanète gazeuse. Cependant, cette ceinture s'appauvrissant, les scientifiques pensent que Peggy serait, en réalité, un des derniers à se former.
« La théorie veut que Saturne possédât il y a longtemps un système d'anneaux beaucoup plus massifs capables de donner naissance à de plus grandes lunes, explique Carl Murray. Si les lunes se forment près du bord, elles épuisent les anneaux et évoluent, si bien que celles qui se sont formées plus tôt sont les plus grandes et les plus éloignées. » Sur ce schéma et en étudiant pas à pas son évolution (certes menacée par les puissantes forces de maréeforces de marée de Saturne et les collisions avec d'autres jeunes satellites naturels), les astronomesastronomes espèrent affiner leurs modèles sur la genèse des planètes de notre système solaire qui a débuté il y a 4,5 milliards d'années.