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Au tout début des années 1970, l'euphorieeuphorie est au maximum en ce qui concerne la conquête spatiale. On rêve d'aller sur Mars au début des années 1980 et à plus long terme d'établir des colonies spatiales au point de Lagrange L5, au cours du XXIe siècle, et avant cela des stations spatialesstations spatiales solaires en orbite géostationnaire à 36.000 kilomètres de la Terre, sur la fameuse orbite de Clarke.
En effet dans l'espace, le Soleil brille 24 heures sur 24 et nulle atmosphèreatmosphère ne vient absorber cette énergie, ce qui de facto supprime le problème de l'intermittence au sol et son corollaire redoutable, la nécessité d'un stockage de l'électricité photovoltaïque produite. Cette constatation inspirait déjà l'ingénieur Peter Glaser (à ne pas confondre avec le prix Nobel Donald Glaser, l'inventeur de la chambre à bulles) en 1968 puis, les années suivantes, le physicienphysicien Gerard K. O’Neill. Les deux hommes se sont alors penchés sur la manière d'exploiter cette ressource et menèrent très loin leurs explorations de ce concept.
Une vue d'artiste d'une station solaire envoyant en direction de la Terre un faisceau de micro-ondes produit par l'énergie photovoltaïque collectée. © Nasa
L'ascenseur spatial, clé de la réalisation des colonies et stations spatiales
Mais comment mettre en orbite à des coûts raisonnables les immenses quantités de matériaux nécessaires pour faire des stations solaires de plusieurs kilomètres carrés de surface ou les mythiques colonies d'O'Neill et autres Sphère de Bernal ou Tore de Stanford ? Peut-être à partir d'une base lunaire où les matériaux peuvent être propulsés dans l'espace avec des accélérateurs magnétiques beaucoup plus facilement que depuis la Terre, car la gravité y est plus faible.
D'autres spéculent alors sur une idée déjà proposée, il y a longtemps, par l'un des pères de l'astronautique Constantin Tsiolkovski : le concept d'ascenseur spatialascenseur spatial (Arthur Clarke en fera la base d'un de ses plus célèbres romans, Les fontaines du Paradis). On peut montrer en effet que les coûts chutent drastiquement pour un ascenseur avec moteurs électriques et un câble pour ainsi dire fixe, reliant le sol de la Terre à une station géostationnaire en orbite.
Malheureusement, il faut un câble doué de propriétés mécaniques hors norme pour réaliser un tel ascenseur. Il y a de l'espoir du côté des nanomatériaux en rapport avec les nanotubes de carbonenanotubes de carbone, mais cela reste un défi technologique difficile à relever et peut-être là aussi trop coûteux pour être réalisable.
Une vue d'artiste du projet d'ascenseur spatial de l'entreprise Obayashi. © Obayashi Corporation
Un coût de satellisation divisé par 100 ?
Toujours est-il que le concept d'ascenseur spatial refait surface sporadiquement. On en a un bon exemple avec ce que s'apprête à faire, le 11 septembre 2018, l'agence spatiale japonaiseagence spatiale japonaise, la Jaxa. Un colis partira en direction de l'ISS depuis le centre spatial de Tanegashima au sud du Japon, grâce à un lanceurlanceur H-IIB développé pour mettre en orbite le cargo spatial HTVHTV chargé de ravitailler la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale.
Ce colis contient deux satellites d'une dizaine de centimètres chacun, connectés par un câble de 10 mètres environ. Ce dispositif a été mis au point notamment par des membres de l'université de Shizuoka. Un conteneur agissant comme une cabine d'ascenseur sera déplacé sur le câble en acieracier reliant les satellites à l'aide d'un moteur, une fois qu'ils seront dans l'espace autour de l'ISS. Une caméra attachée aux satellites enregistrera les mouvementsmouvements du conteneur.
Une vue d'artiste d'un capteur au sol pour absorber le rayonnement et l'énergie envoyés au sol par une station solaire spatiale. © Nasa
L'expérience sera la première du genre à être menée dans l'espace et elle a comme partenaire pour sa réalisation l'entreprise de constructionconstruction Obayashi Corp, basée à Tokyo, qui espère avoir un ascenseur spatial opérationnel d'ici à 2050. Elle étudie l'idée depuis un moment déjà et travaille sur un concept avec six capsules de forme ovale mesurant 18 mètres de long et 7,2 mètres de diamètre, chacune pouvant contenir 30 personnes. À 200 kilomètres à l'heure, le trajet vers l'orbite géostationnaire durerait huit jours avec un coût du transport qui devrait être de plusieurs dizaines de milliers de yens par kilogrammekilogramme de charge, soit environ un centième de celui de la navette spatiale.
Nul doute que cela concerne aussi un projet de construction d'une station spatiale solaire, qui est à l'esprit des Japonais depuis longtemps déjà, pour subvenir à leurs besoins en énergie, surtout avec la mise en pause d'une partie de leur parc nucléaire suite à l'accidentaccident de Fukushima et plus encore avec l'urgence de lutter contre le réchauffement climatique.
L'ascenseur spatial est-il en panne ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 01/04/2008
L'ascenseur spatial est un vieux rêve qui, s'il devenait une réalité, révolutionnerait la conquête de l'espace. Il suppose résolus un certain nombre de problèmes technologiques redoutables. D'après une nouvelle étude conduite par le Tchèque Lubos Perek, la stabilisation du câble reliant la planète à l'espace serait plus difficile qu'on ne le pensait.
Le concept d'ascenseur spatial a été rendu célèbre par Arthur Clarke dans l'un de ses romans les plus aboutis : Les fontaines du paradis. Le plus gros obstacle à la création d'une station spatiale en orbite digne de 2001, l'odyssée de l'espace, ou d'une base sur la LuneLune comme on peut la voir dans Cosmos 1999, est le coût faramineux de la mise en orbite du matériel à partir de la surface de la Terre. Si l'on pouvait mettre en orbite une petite station spatiale, ou mieux, capturer un petit astéroïdeastéroïde pour le mettre en orbite géosynchroneorbite géosynchrone, on pourrait imaginer descendre vers le sol un câble fait d'une matièrematière extrêmement résistante.
Les calculs montrent qu'une sorte d'ascenseur électrique circulant sur le câble permettrait de monter en orbite géostationnaire des matériaux de construction à bien moindre coût qu'avec des propulseurspropulseurs chimiques classiques. L'idée est en fait très ancienne, puisqu'elle remonte au fondateur de l'astronautique, Constantin Tsiolkovski.
Le premier problème à résoudre est celui du matériaumatériau constituant le câble. Il semblerait qu'avec la découverte des nanotubes de carbone, le projet soit un peu sorti de la science-fiction, même si des travaux scientifiques avaient déjà abordé le sujet, en Union soviétique et aux Etats-Unis entre la fin des années 1950 et le début des années 1960. En principe, bien qu'il y ait débat sur le sujet, si l'on pouvait produire des câbles en nanotubes de carbone de plusieurs milliers de kilomètres, on pourrait atteindre les performances de résistancerésistance mécanique exigées par une telle entreprise. Aux Etats-Unis, il existe même une compétition pour la mise au point d'un tel ascenseur spatial...
Le second problème est celui de la stabilité du filament littéralement tendu entre Ciel et Terre. Les ventsvents, les forces de maréeforces de marée causées par la Lune et le Soleil sont susceptibles de produire le long du câble des ondulations difficilement acceptables, surtout si une résonancerésonance est atteinte qui conduirait à la rupture de celui-ci.
L'ascenseur spatial entre un astéroïde en orbite géostationnaire et le sol. © The Enterprise Mission
Faut-il une stabilisation active du câble ?
Lubos Perek, du Czech Academy of Sciences' Astronomical Institute, à Prague, vient de relancer le débat. Selon lui, comme il l'explique dans la revue Acta Astronautica, il serait probablement nécessaire de prévoir des propulseurs le long du câble pour en assurer une bonne stabilité. Cela complique singulièrement les choses car il faudrait s'assurer de l'entretien et du réapprovisionnement en carburant de ceux-ci.
Au final, les avantages technologiques et financiers d'une mise en orbite de matériaux de construction pour une station spatiale, ou un vaisseau destiné par exemple à voyager dans le système solairesystème solaire, pourraient bien être minces par rapport à des moyens de satellisation plus conventionnels.
D'autres chercheurs, comme Anders Jorgensen du New Mexico Institute of Mining and Technology à Socorro (Etats-Unis), ne sont pas totalement convaincus, même s'ils reconnaissent le problème de la stabilité du câble. Pour eux, les affirmations de Perek ne sont pas suffisamment étayées. L'influence du champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre sur un léger courant électriquecourant électrique parcourant le filament pourrait bien être suffisante pour obtenir une stabilité adéquate.
Enfin, Bradley Edwards, qui a rédigé en 2003 une étude complète sur l'ascenseur spatial pour la NasaNasa, rappelle que d'après les calculs déjà effectués, l'influence des forces de marée luni-solaires serait négligeable. Comme le reconnaît Lubos Perek lui-même, il est donc encore trop tôt pour enterrer le concept d'ascenseur spatial.
Ce qu’il faut
retenir
- Initié par Tsiolkovski et médiatisé par Arthur Clarke, le concept
- d'ascenseur spatial fait rêver mais pose de redoutables problèmes aux
- ingénieurs, en particulier pour la réalisation d'un câble aux propriétés mécaniques hors norme.
- Un mini-prototype construit par les Japonais sera bientôt
- testé aux abords de l'ISS pour la première fois.
- À terme, on attend d'un tel ascenseur qu'il fasse chuter vertigineusement le prix de la construction de stations spatiales solaires.