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Deux mois après le dernier Conseil ministériel de l'Esa qui s'était tenu en novembre 2008, le Premier Ministre François Fillon avait sollicité Yannick d'Escatha, président du Cnes, ainsi que Bernard Bigot, administrateur du CEA, et Laurent ColletCollet-Billon, délégué général pour l'Armement. Il s'agissait, à l'issue d'une mission de réflexion, de soumettre un rapport sur l'avenir des lanceurs européens et tout particulièrement le remplacement à terme d'Ariane 5Ariane 5, qui arrive maintenant à mi-vie.
Sans surprise, on constate que la première décision inscrite au rapport est d'écarter à nouveau tout projet de vol habité. A cela plusieurs raisons historiques. Jusqu'à présent en effet, l'Europe a toujours acheminé ses astronautes via les agences américains et russes, tandis que le développement d'un vaisseau habité, à la fois long et coûteux, n'assurerait qu'une possibilité bien inférieure à ce qui existe déjà ailleurs.
A ce sujet, il convient de préciser que les puissances étrangères, Etats-Unis, Russie mais aussi la Chine, basent leurs systèmes de lancement sur des réalisations militaires ou gouvernementales, alors que l'Europe dépend exclusivement du volet commercial d'ArianespaceArianespace. De plus, le taux de fiabilité exigé d'un lanceur pour pouvoir être reconnu apte à un vol habité est de 99,99%, Ariane-5 n'atteignant actuellement que 98,5% (comme la navette américaine, diront les mauvaises langues...). Mais ce taux doit obligatoirement être calculé sur une base de 4 à 5 lancements par année, dont au maximum deux lancements doubles. Or, les lancements doubles sont une des spécificités, et aussi un des principaux arguments de vente, d'Ariane 5.
En matière de propulsion, le rapport souligne l'importance d'un dernier étage équipé d'un moteur cryogénique réallumable basé sur le moteur Vinci (construit par Snecma), tandis que trois options sont encore débattues pour l'étage de base : cryogénie, propergolspropergols solidessolides, mais aussi le développement d'une nouvelle filière, actuellement inexistante en Europe, basée sur un ensemble LOx/hydrocarburehydrocarbure, et dont le coût est estimé entre 3,5 et 8 milliards d'euros de développement. Enfin, toujours selon les termes du rapport, le nouveau lanceur devra être « extrêmement modulable ».
Etude de marché
Selon les prospections les plus récentes, le marché futur sera constitué d'une vingtaine de satellites de communications par an jusqu'en 2025, partagé en un groupe de satellites de 5 à 6 tonnes en croissance modérée et un autre, stable, de satellites de 3 tonnes. Pour la future Ariane 6Ariane 6, le rapport préconise l'abandon du principe de lancement double, malgré son aspect particulièrement économique (deux clients pouvant se partager une seule fuséefusée), pour un vecteur à charge unique située dans le créneau de 3 à 6 tonnes.
Le nouveau lanceur Vega devrait voler fin 2009. Mais dans sa première version, sa capacité ne sera que de 1 tonne en orbite basse circulaire (jusqu'à 1.500 km), sans possibilité d'accès à l'orbite géostationnaire. Crédit Esa
Reste à savoir si cette limite s'avérera suffisante, sachant que la massemasse maximale d'un satellite de communications géostationnaire se situe actuellement aux environs de 6,7 tonnes, et que la nouvelle plate-forme Alphabus, actuellement en cours de développement par l'Esa, a été conçue pour accroître cette masse à 8,1 tonnes. En attendant, le rapport recommande l'évolution d'Ariane 5, mais aussi du nouveau lanceur VegaVega, qui devrait être tiré pour la première fois à la fin de cette année. Si les performances d'Ariane 5 prévoient déjà de franchir bientôt la barre des 9 tonnes en orbite géostationnaireorbite géostationnaire (9,1 TT contre 8,7 T aujourd'hui en tir simple), Vega sera entièrement remotorisée : remplacement du moteur P80P80 par un P100, du Zefiro-23 par un Zefiro-40, et surtout du Zefiro 9 par un étage supérieur réallumable à propergols liquidesliquides (Vinci ou Aestus).
Interrogations et contradictions
Bref, conclusions et recommandations semblent quelque peu contradictoires, sachant qu'Ariane 6 serait destinée, à terme, à remplacer à la fois Ariane 5 et le lanceur SoyouzSoyouz, et qu'on pourrait dès lors se demander par qui seraient lancés les futurs « comsats » de 9 tonnes et plus.
Les études préparatoires sur le futur lanceur européen devront être soumises au prochain Conseil ministériel de l'Agence Spatiale EuropéenneAgence Spatiale Européenne en 2011, sachant que 15 années au minimum sont nécessaires pour la conception et la réalisation d'une nouvelle fusée. Mais il y a fort à parier que cette Ariane nouvelle version connaîtra encore de sérieuses adaptations avant d'être finalisée, du moins sur le papier.