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Le grand emprunt de 35 milliards d'euros du gouvernement français, dont 22 milliards seront levés auprès des marchés financiers, servira à financer des secteurs stratégiques avec une priorité forte pour la recherche et l'enseignement qui recevront 11 milliards d'euros. 500 millions seront affectés au Centre national d'études spatiales (Cnes) pour préparer notamment le lanceur Ariane 6Ariane 6 (2025-2030).
Il est bien trop tôt pour se prononcer sur l'utilisation de ces 500 millions. On sait juste que parmi les propositions faites par les acteurs de l'industrie au Ministre chargé de l’Industrie auprès du Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi et soumises à la Commission Juppé Rocard, deux concernent Ariane 6. Astrium et le think tank Cercle de l’industrie ont fait la proposition de les utiliser pour un démonstrateurdémonstrateur de hautes technologies pour Ariane 6 sans aucune autre précision. On peut raisonnablement penser qu'ils vont servir à définir le cahier des charges du lanceur et établir un plan de développement en identifiant les technologies existantes réutilisables et celles qu'il faut améliorer ou développer.
Comme nous l'ont confirmé lors de leur conférence de presse de début d'année Jean-Jacques Dordain (Directeur de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne) et Jean-Yves Le Gall (PDG d'ArianespaceArianespace), « il est temps de préparer l'après Ariane 5Ariane 5 », même si la carrière de ce lanceur est loin d'être terminée.
Cette année donc, l'Esa et Arianespace devraient caractériser Ariane 6, ce qui permettra de définir les démonstrateurs et les technologies qui permettront de faire les bons choix finaux de façon à minimiser les risques inhérents au développement d'un nouveau lanceur. Guy Pilchen, chef du Programme préparatoire des lanceurs futurs à l'Esa « les exigences prises en compte dans les études systèmes s'appuient sur un lanceur en ligne capable de lancer en lancement simple 5 tonnes, ce qui représente l'essentiel des missions dites institutionnelles et jusqu'à 8 tonnes ce qui correspond au maximum des missions commerciales que l'on peut avoir ». Autrement dit, il s'agit d'un lanceur dit bi-étage, comprenant un étage principal, voire des propulseurs d'appoint, et un étage cryotechnique utilisé pour des lancements simples.
Avec ce lanceur de nouvelle génération, on abandonne le lancement double et on revient au concept modulaire d'Ariane 4, bien mieux adapté pour lancer des satellites de taille moyenne (3 tonnes). En faisant cela on garde la possibilité de lancer des satellites plus lourds mais, « avec des objectifs de coûts complètement différents » explique Jean-Yves le Gall.
Il y a parfois trop de place dans Ariane 5...
Ce retour aux sources se justifie par l'évolution de la performance d'Ariane 5 qui n'est pas adaptée pour lancer des satellites institutionnels, aux tailles moyennes et aux orbites souvent exotiquesexotiques. Certains Etats membres de l'Esa rechignent à la financer parce que la plupart des satellites institutionnels de l'Europe, comme les satellites d'observation de la Terreobservation de la Terre sont lancés par des fuséesfusées russes. « L'idée de réconcilier la performance des lanceurs avec les besoins institutionnels européens me semble très pertinente » conclut Jean-Yves Le Gall.
Or, avec l'augmentation des performances des satcoms et de leur durée de vie en orbite, la nécessité de trouver deux satellites prêts pour une intégration simultanée sous la coiffe peut devenir un handicap face à des concurrents émergentsémergents (russes, chinois, américains, japonais ou indiens) qui seraient opérationnellement plus souples. La majorité des satcoms ont une massemasse de 5 tonnes et Ariane 5, dont la capacité qui est de l'ordre de 10 t (portée à 12 t dans quelques années) n'est pas adaptée au lancement simple. C'est même un facteur d'augmentation des coûts puisqu'on est pratiquement certain qu'il n'y aura pas de compagnon sur ces orbites exotiques.
Le lancement simple implique donc une limitation de la masse des satcoms par rapport aux capacités actuelles d'Ariane 5. On peut aussi penser que l'Esa prévoit une utilisation accrue de l'orbite basse pour répondre aux besoins d'utilisateurs dans de nombreux domaines liés à l'observation et la surveillance de la Terresurveillance de la Terre réclamant un flux de données constant sans aucune interruption. D'où un nombre important de satellites en orbite ayant chacun une mission bien spécifique. Satellites opérationnels donc, mais également en backup en orbite ou au sol le cas échéant.
La raison d'être d'Ariane 6 n'est pas seulement de répondre aux besoins de ses clients institutionnels que sont les Etats membres de l'Esa. En filigrane il s'agit de préserver la garantie de l'accès à l'espace de l'Europe, la compétitivité des lanceurs européens et de pérenniser l'activité d'Arianespace et de l'industrie spatiale européenne sur le marché des lanceurs civils. Il faut garder à l'esprit qu'en ce qui concerne les télécommunications, tous les opérateurs n'ont peut-être pas les moyens de s'offrir ces super plateformes que l'on nous prédit et, la miniaturisation aidant, les plateformes de taille moyenne gardent leur intérêt.
Comme le souligne à juste titre Jean-Yves Le Gall, « la taille des satellites dépend des performances des lanceurs ». En poussant le raisonnement à son excès, on peut penser que les énormes capacités de lancement d'Ariane 5 ont probablement freiné, en les rendant en quelque sorte superflus, les efforts d'allègement des charges utiles.