Peu avant le sixième vol d’essai du Starship, la présidente de SpaceX, Gwynne Shotwell, a livré des informations sur les ambitions de l'entreprise pour les prochaines années : « Nous voulons le faire voler plein de fois. » Faisons le point avec l’aide d’un expert.


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    « Nous venons de dépasser le cap des 400 vols Falcon, je ne serais pas surprise si on fait voler le Starship 400 fois au cours des quatre prochaines années. » Le 18 novembre, lors de la Baron Investment Conference à New York, la présidente de SpaceXSpaceX, Gwynne Shotwell, numéro 2 de la compagnie derrière Elon MuskElon Musk, a annoncé la couleur.

    Bientôt les missions opérationnelles

    Tout d'abord, est-ce réalisable ? Il a fallu près de quinze ans à SpaceX pour passer le cap des 400 vols de sa fuséefusée Falcon (toutes versions confondues), mais la majorité de ces vols s'est faite ces derniers temps : 96 missions l'année dernière, et déjà plus de 110 vols depuis janvier dernier ! La cadence folle de SpaceX n'a été que brièvement interrompue à deux reprises cette année par des enquêtes faisant suite à des soucis avec le deuxième étage.

    Mais la cadence folle des vols Falcon ne peut être reproduite ici pour le Starship, car il ne dispose pour l'instant que d'un seul pas de tir à Starbase (contre trois pas de tir Falcon, en Floride et en Californie). Deux autres pas de tir Starship sont en cours de constructionconstruction, un à Starbase, et l'autre à Cap Canaveral. Ils pourraient être mis en service l'année prochaine.

    L'autre frein à une telle cadence de vols Starship réside en la difficulté d'approvisionnement en oxygène et méthane liquide, les carburants consommés en quantité monstrueuse par les moteurs Raptor du méga-lanceurlanceur.

    Il est certain que la fréquencefréquence des vols Starship va augmenter, surtout si Elon Musk parvient à museler la FAA, l'autorité fédérale américaine, qui lui octroie les autorisations de vol, ou qui les bloque en cas de risque pour la sécurité ou l'environnement. On se doute que cela fait partie de ses intentions en rejoignant le gouvernement de Donald Trump.

    Remplacer la fusée Falcon, remplacer le Dragon

    « SpaceX espère que le Starship sera en mesure de remplacer la Falcon 9Falcon 9, et donc Dragon pour le vol habité, d'ici dix ans », précise Amaury Dufay, chargé d'études, doctorant à l'Institut d'études de stratégie et de défense, contacté par Futura. Ambition confirmée par Gwynne Shotwell à New York, SpaceX compte bien remplacer le vaisseau spatial qui transporte les astronautesastronautes de la NasaNasa vers l'ISSISS : « Starship rend Falcon 9 et la capsule Dragon obsolètes ».

    SpaceX croit surtout en une meilleure rentabilité. La réutilisation de Falcon 9 n'est finalement rentable qu'à condition de la faire voler aussi souvent que possible, au moins 100 fois par an. Or, plus de la moitié des vols sont dédiés au déploiement de la mégaconstellation StarlinkStarlink de télécommunication en orbiteorbite basse, vraie source de revenus de SpaceX (5 millions d'utilisateurs dans 114 pays).

    Le Starship prendra le relais dans le déploiement de Starlink. Son modèle économique repose certainement aussi sur ça. Pour information, peu de clients externes se sont manifestés jusqu'à présent : Venturi Space et Astrolab pour déployer le rover Flex sur la LuneLune, Voyager et Airbus pour leur station spatialestation spatiale Starlab, mais surtout la Nasa pour déposer ses astronautes d'Artemis III. Amaury Dufay nous précise d'ailleurs que « pour l'orbite basse, le Starship a le volumevolume d'une station spatiale en lui-même. Il pourra de surcroît transporter des équipages vers la Lune, et Elon Musk l'espère, vers Mars à moyen terme ». Mars, Musk l'a promis à Trump et à ses électeurs.

    La pleine Lune éclipsée par le Starship. Le méga-lanceur doit y déposer les astronautes de la Nasa fin 2026 selon le calendrier officiel de la Nasa. Il faudra bien 400 vols avant de lui faire 100 % confiance ! © John Kraus
    La pleine Lune éclipsée par le Starship. Le méga-lanceur doit y déposer les astronautes de la Nasa fin 2026 selon le calendrier officiel de la Nasa. Il faudra bien 400 vols avant de lui faire 100 % confiance ! © John Kraus

    Le Starship comme atout de défense

    Alors que la nature des missions spatiales militaires évolue beaucoup en ce moment, Amaury Dufay, qui est aussi l'auteur du livre Espace, le nouveau front (éditions du Rocher), nous rappelle le rôle stratégique du Starship : « Le Département de la Défense américain est un investisseur clé du Starship et de SpaceX en général. Il espère que le Starship débloquera de nouvelles capacités de lancement à faible coût pour les applicationsapplications de défense comme le renouvellement rapide de constellationsconstellations, voire le transport de charges vers d'autres endroits du globe. » C'est une des raisons pour laquelle la Chine veut aussi à tout prix son Starship.

    Donald Trump a pu voir le Starship en pleine démonstration mardi soir lors du sixième vol test, accompagné d'Elon Musk. L'ancien président, vainqueur des dernières élections, ne tarit pas d'éloges sur le Starship. La méga-fusée a donc quatre ans pour faire ses preuves, et 400 vols ne seront pas de trop !