La Nasa a présenté les premières images des échantillons de l’astéroïde Bennu et indiqué qu’au vu des résultats de leur analyse, l’étude poussée de cette matière extraterrestre devrait nous apporter un nouvel éclairage sur l’histoire de la formation du Système solaire et comment la vie a pu émerger sur la Terre.


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    Hier, la Nasa a dévoilé les premières images des échantillons de l'astéroïde Bennu, rapportés par la sonde Osiris-Rex le 24 septembre. Précisons toutefois que ces échantillons sont ceux qui se trouvent à l’extérieur du mécanisme d'acquisition d'échantillons Touch and Go (Tagsam) utilisé en octobre 2020 pour les récupérer.

    Victime du succès de la récolte

    En raison de la « grande » quantité de poussières et de grains de matière de Bennu à l'extérieur du mécanisme, la Nasa a reporté de plusieurs jours l'ouverture du mécanisme d'acquisition. La masse totale des échantillons récupérés sur Bennu n'a donc pas encore été pesée mais, comme nous l'expliquait récemment Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur et co-investigateur de la mission Osiris-Rex, « sur la base des observations faites lors de la récolte, on s'attend à quelque 250 grammes, bien loin des 60 grammes qui étaient l'objectif minimal de la Nasa ». Ces échantillons à l'extérieur du mécanisme sont bien évidemment identiques à ceux logés à l'intérieur et n'ont pas été altérés lors du voyage du retour et pendant la traversée de l'atmosphèreatmosphère. Ce premier aperçu des échantillons de Bennu, considéré comme un vestige de la formation du Système solaire, est une très bonne surprise pour les scientifiques. Les grains les plus grands sont de taille millimétrique.

    Mieux comprendre l’émergence de la vie sur Terre

    Lors de cette conférence, la Nasa n'a pas fait de grandes annonces. Elle a simplement confirmé que la matière de Bennu nous aidera à voir sous un nouveau jour l'histoire du Système solaire, la formation de notre Planète et peut-être l'origine de l'eau et de la vie sur Terre et partant de là, de l'émergenceémergence de la vie.

    En effet, et sans surprise car on s'y attendait, ces premières analyses préliminaires de ces échantillons ont montré qu'il y a des carbonates et des minérauxminéraux hydratés, c'est-à-dire qui ont été en contact avec de l'eau dans le passé. Ce qui est intéressant, c'est qu'ensemble, ces deux éléments pourraient indiquer que les éléments constitutifs de la vie sur Terre peuvent être trouvés dans la roche de Bennu et donc expliquer sur la façon dont ces matériaux précurseurs de la vie ont pu être ensemencés sur Terre.

    Une analyse préliminaire prometteuse

    Cette première analyse scientifique a certes été rapide mais elle a été faite avec des instruments de pointe dont un microscope électronique à balayagemicroscope électronique à balayage. Des mesures infrarougesinfrarouges et chimiques ont été réalisées. La tomodensitométrie à rayons Xrayons X a également été utilisée pour produire un modèle en trois dimensions de l'une des particules, mettant en évidence son intérieur diversifié. Cet aperçu a fourni la preuve d'une abondance de carbonecarbone et d'eau.

    Bien que davantage de temps soit nécessaire pour comprendre la nature des composés carbonés qui s'y trouvent, ces premiers résultats sont de bon augure pour mieux comprendre ces échantillons. L'excitation des scientifiques est si forte que Bill Nelson, administrateur de la Nasa, est convaincu « qu'une science comme nous ne l'avons jamais vue auparavant attend les scientifiques ».


    « Bennu n’a pas été choisi au hasard » : pourquoi la poussière de cet astéroïde est si spéciale pour la Nasa

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt, publié le 30/09/2023

    Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur et co-investigateur de la mission Osiris-RexOsiris-Rex, nous explique quelles sont ses attentes concernant les échantillons de l'astéroïde Bennu. Ils pourraient nous renseigner sur le rôle des astéroïdes dans l'émergence de la vie sur Terre et nous réserver une très bonne surprise avec la présence de grains pré-solaires. 

    Dès le lendemain du retour sur Terre de la capsule Osiris-Rex, les échantillons de l'astéroïde Bennu ont été transférés au Laboratoire de conservation de la mission Osiris-Rex au Centre spatial Johnson, au Texas, où la Nasa les conserve dans une salle blanche spécifiquement conçue pour cela.

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    Le 11 octobre prochain, la Nasa tiendra une conférence de presse pour présenter l'échantillon de l'astéroïde Bennu. Entre-temps, elle devrait fournir des informations sur la nature de poussière de Bennu récupérée tout autour du cylindre qui contient les échantillons.

    La capsule d'Osiris-Rex avec à l'intérieur le conteneur qui abrite les échantillons de Bennu. © Nasa
    La capsule d'Osiris-Rex avec à l'intérieur le conteneur qui abrite les échantillons de Bennu. © Nasa

    Reconstituer l’histoire de la formation de Bennu et mieux comprendre celle du Sytème solaire

    Comme nous l'explique Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur et co-investigateur de la mission Osiris-Rex, « si l'on se fie aux images de la capture des échantillons, on s'attend à ce qu'au moins 250 grammes de matière de l'astéroïde ont été récupérés ; une quantité historique car nous n'avons jamais ramené autant de matière extraterrestre depuis les missions ApolloApollo ».

    Des échantillons qui couvrent un intervalle de temps très large

    L'analyse de cette matière de Bennu « nous donnera un aperçu de l'histoire la plus ancienne de notre Système solaire, avant même que les planètes se soient formées ». Pour comprendre cet optimisme, il faut savoir que Bennu « n'a pas été choisi au hasard ». Il est un « objet primitif et carboné, même si son histoire est complexe, dont on suppose que sa composition a conservé la mémoire de la composition initiale du matériaumatériau présent lorsque s'est formé le Système solaire et à partir duquel se sont formées les planètes ». L'analyse de sa matière a pour objectif de nous aider à mieux comprendre « comment le Système solaire s'est formé, comment les planètes sont nées et comment la vie a émergé sur Terre ».

    Cette connaissance sera d'autant plus fine et précise « que l'on connaît le contexte géologique dans lequel ont été récupérés les échantillons sur Bennu, sans le biais de l'atmosphère terrestre qui aurait pu les contaminer comme c'est le cas, par exemple, avec les météoritesmétéorites que l'on peut récupérer sur Terre, même si celles-ci nous offrent aussi des informations extrêmement précieuses ».

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    Patrick Michel, de la mission Osiris-Rex, nous décrypte les premières images et données de l'astéroïde Bennu

    Mieux comprendre l’émergence de la vie sur Terre

    Sachant que l'astéroïde Bennu contient de la matière organique et des minéraux hydratés, « c'est-à-dire qui ont été en contact avec de l'eau dans le passé », les scientifiques pourront également chercher à « comprendre quel a pu être le rôle des astéroïdes dans l'émergence de la vie sur Terre ».

    Comprendre quel a pu être le rôle des astéroïdes dans l'émergence de la vie sur Terre

    Enfin, Patrick Michel espère que Osiris-Rex a pu « récupérer des grains pré-solaires, c'est-à-dire dont la formation pré-date celle du Système solaire et donc que cela pourrait nous renseigner sur l'environnement dans lequel le Système solaire s'est formé, il y a quelque 4,5 milliards d'années ».

    100 milligrammes de matière donnés à la France

    D'ici quelques semaines, des scientifiques de pays partenaires de la mission vont participer à l'analyse préliminaire d'une partie de cette matière de Bennu. Concrètement, plusieurs laboratoires aux États-Unis recevront « un peu de Bennu », ainsi que le Japon (0,5 % du total), le Canada (4 % du total), mais aussi la France. Le Pr. Guy Libourel, Professeur à l'Université Côte d'Azur au Laboratoire Lagrange/CNRS de l'Observatoire de la Côte d'Azur à Nice, coordonne l'analyse des 100 milligrammes que la Nasa a accordés à la France. Deux laboratoires situés à Nice, en collaboration avec un laboratoire situé à Sophia-Antipolis, et à Strasbourg analyseront ces échantillons de matière. L'Allemagne contribuera aussi à ces analyses. Après cela, il y aura, d'ici à la fin 2024, un appel d'offres international pour les redistribuer afin de réaliser des analyses ultérieures ouvertes à l'ensemble de la communauté scientifique.

    Pour comprendre la décision de la Nasa d'impliquer la France dans l'étude des échantillons de Bennu, bien que nous n'ayons pas fourni d'instrument à la mission, il faut savoir que nous sommes à la pointe de la recherche dans le domaine des astéroïdes et dans l'analyse des échantillons extraterrestres. Dans le cas d'Osiris-Rex, c'est un instrument situé au laboratoire CRHEA à Sophia Antipolis reposant sur la cathodoluminescence qui sera utilisé par Guy Libourel, dont l'expertise en cosmochime est reconnue à l'échelle internationale, et le personnel de ce laboratoire, permettant une analyse minéralogique propre à cette technique. Il faut également savoir que Patrick Michel est une référence mondiale. Investigateur principal de la mission Hera de l'ESAESA, il est aussi co-investigateur de nombreuses missions internationales, dont les missions japonaises Hayabusa 1 & Hayabusa 2 et MMX (Mars Moons Explorer, retour d'échantillon de PhobosPhobos).

    Notez qu'à ce sujet une conférence de presse est prévue à Nice début novembre pour présenter les échantillons attribués à la France. Nous y reviendrons.

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    De la matière pour les générations futures

    Toute la matière de Bennu ne sera pas distribuée et étudiée ces prochaines années. La Nasa a décidé de conserver hermétiquement 70 % de ce qui a été récolté pour les générations futures. Comme cela a été le cas avec les échantillons des missions Apollo dont certains ont été analysés plus de 40 ans après le retour sur Terre dans les années 1970. Comme le souligne Patrick Michel, c'est un « investissement sur le long terme, car les générations futures disposeront d'instruments plus sophistiqués leur permettant de participer à ces aventures en effectuant encore des découvertes ».