L'un des objectifs de la mission Osiris-Rex était de préciser notre connaissance de l'astéroïde géocroiseur Bennu. Grâce, notamment, à la mesure de l'effet Yorp sur sa trajectoire, nous en savons plus sur ses chances de percuter la Terre en 2135.


au sommaire


    Il y a quelques années, à l'occasion de la sortie aux Éditions du Cherche-Midi de son ouvrage, Astéroïdes : la Terre en danger, Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet faisait le point sur notre connaissance des astéroïdes et sur les risques qu'ils font peser sur la vie sur Terre. Futura avait expliqué que, d'après la mission Neowise de la Nasa, il existerait dans le Système solaire environ 4.700 astéroïdes potentiellement dangereux, des PHA (Potentially Hazardous Asteroids) et que seulement 20 à 30 % d'entre eux seraient repérés.

    Rappelons qu'un astéroïde fait partie des PHA lorsqu'il a un diamètre supérieur à 150 m environ, ce qui veut dire qu'il peut atteindre la surface de la Terre sans exploser en vol et qu'il peut s'approcher parfois à moins de 20 fois la distance Terre-Lune. Compte-tenu de certaines incertitudes concernant la forme, la masse et surtout les paramètres orbitaux de tels objets, les calculs de mécanique céleste nous disent que, par le jeu des perturbations gravitationnelles qu'ils subissent de la part des principaux corps célestes du Système solaire, ils pourraient avoir des chances non négligeables d'entrer en collision avec notre Planète.


    Un résumé des progrès dans l'obtention des images concernant l'astéroïde Bennu ainsi que de certains aspects de la mission Osiris-Rex. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center

    Un passage étroit menant à une collision avec la Terre

    Lorsque l'on veut étudier plus précisément les risques de collisions d'un PHA, il convient de déterminer ce que l'on appelle en anglais un « gravitational keyhole », ce que l'on peut traduire par trou de serrure gravitationnel. Il s'agit d'un ensemble de valeurs possibles des paramètres de l'orbiteorbite d'un PHA quand il passe au plus près de la Terre et qui implique ensuite qu'une collision aura vraiment lieu dans le futur après ce passage.

    L'astéroïde Bénou, souvent appelé également Bennu, fait partie des PHA et, rien qu'à ce titre, on pouvait justifier que la mission Origins Spectral Interpretation Resource Identification Security-Regolith Explorer (en abrégé Osiris-Rex) lui rende visite afin d'aider à préciser les dangers que l'astéroïde pouvait faire peser sur notre Planète bleue. En bonus, c'est la première mission de retour d'échantillons d'astéroïdes de la Nasa et c'est pourquoi Osiris-RexOsiris-Rex s'était mis en orbite autour de Bennu le 31 décembre 2018.

    Après avoir mené les études prévues et avoir procédé avec succès à la collecte d’échantillons, la sonde a quitté l'astreastre le 10 mai 2021 avec, pour objectif, de rejoindre la Terre au cours du mois de septembre 2023. Les cosmochimistes et les géologuesgéologues planétaires pourront alors analyser une matièrematière datant du début de l'histoire du Système. Elle devrait avoir conservé de nombreux renseignements concernant la formation des planètes et peut-être sur l'origine de la Vie sur Terre.

    En effet, Bennu est un astéroïde de type B donc carboné. Il fait donc partie des corps les plus primitifs du Système solaire, ayant subi peu de transformation depuis sa création, il y a plus de 4,5 milliards d'années. L'étude de sa surface par spectroscopie laisse à penser que s'y trouvent des silicatessilicates anhydres, des minérauxminéraux argileux hydratés et des polymèrespolymères organiques. En fait, les spectresspectres obtenus sont similaires à ceux observés sur Terre avec des chondriteschondrites carbonées comme la célèbre météoritemétéorite d'Allende ou encore celle de Murchison.


    Une présentation des résultats publiés dans Icarus concernant Bennu. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center

    Mais, revenons à notre problème initial qui concerne la dangerosité de Bennu pour la Terre. Les spécialistes de la mécanique céleste ont déterminé depuis un moment déjà que l'astéroïde devrait passer au plus près de la Terre dans un futur proche, à savoir en 2135. Il ne devrait pas être une menace mais la question se pose de savoir quelle sera exactement son gravitational keyhole à ce moment-là du fait de l'attraction gravitationnelle de notre Planète.

    Pour le moment, les données disponibles et les calculs menés sur ordinateurordinateur nous disent que le 24 septembre 2182, la probabilité d'impact avec la Terre est de 1 sur 2.700 (ou environ 0,037 %) et la seconde date préoccupante concerne l'horizon 2300 où la chance d'un impact est d'environ 1 sur 1.750 (ou 0,057 %).

    Ces estimations ont été obtenues en faisant un bilan plus précis des forces pouvant s'exercer sur Bennu. Les détails sont accessibles dans un article que vient de publier la célèbre revue Icarus.

    Un destin fixé par la lumière du Soleil ?

    Les astronomesastronomes y ont pris en compte de nombreuses forces perturbatrices comme la gravitégravité du SoleilSoleil, des planètes, de leurs lunes et de plus de 300 autres astéroïdes. Les effets de la force de traînée causée par la poussière interplanétaire, la pressionpression du vent solairevent solaire et les événements d'éjection de particules de Bennu ont été évalué, jusqu'au transfert de quantité de mouvementquantité de mouvement causé par Osiris-Rex lors de l'événement de collecte d'échantillons dit Touch-And-Go (TAG) d'octobre 2020.


    L'équipe d'Osiris-Rex présente la nouvelle vidéo de 321Science sur l'effet que la lumière du Soleil peut avoir sur l'orbite de petits astéroïdes. La vidéo montre comment l'effet Yarkovsky peut changer l'orbite des astéroïdes au point de les faire frôler la Terre plutôt que de la percuter… ou l'inverse ! © Université d'Arizona, Agence spatiale canadienne

    L'effet le plus crucial à mesurer pour préciser la trajectoire future de Bennu, et qui a permis d'en faire la plus précise déterminée pour un astéroïde à ce jour, est celui de la lumièrelumière du Soleil. Cela peut paraître absurde ou tout simplement étonnant mais il faut savoir que la lumière, tout comme la matière en mouvement, possède une impulsion. Ce qui veut dire que, lorsqu'un corps reçoit ou émet de la lumière, cela peut le mettre en mouvement. L'effet est très faible, bien sûr, mais néanmoins, il existe. Si donc on considère un corps céleste, et en rotation, éclairé par le Soleil, son sol sera plus chaud en fin de « journée » qu'en début de « matinée ». La quantité de lumière émise ne sera pas la même partout à sa surface et le calcul montre que sa rotation peut alors être lentement, mais sûrement, accélérée. C'est en fait à proprement parler l'effet Yarkovskyeffet Yarkovsky-O'Keefe-Radzievskii-Paddack ou effet Yorp. Le terme « effet YarkovsKy » désignant l'influence générale sur le mouvement d'un petit corps céleste de la quantité de lumière émise par sa surface avec des différences de températures.

    Pour en savoir plus sur l'effet Yorp mesuré et évalué sur la trajectoire de Bennu, on pourra consulter avec profit les deux excellentes vidéos de l'Université d'Arizona, traduites et commentées en français par l'Agence spatiale canadienneAgence spatiale canadienne, et qui parle aussi dans ce contexte de la mission Osiris-Rex qui a permis cette mesure.

    « Les données orbitalesorbitales de cette mission nous ont aidés à mieux apprécier les risques d'impact de Bennu au cours des deux prochains siècles et notre compréhension globale des astéroïdes potentiellement dangereux. C'est un résultat incroyable », a déclaré dans un récent communiqué de la Nasa Dante Lauretta, chercheur principal d'Osiris-Rex et professeur à l'Université d'Arizona. « Le vaisseau spatial rentre maintenant chez lui, emportant un précieux échantillon de cet objet ancien fascinant et qui nous aidera à mieux comprendre non seulement l'histoire du Système solaire, mais aussi le rôle de la lumière du Soleil dans la modification de l'orbite de Bennu puisque nous mesurerons les propriétés thermiques de l'astéroïde à une échelle sans précédent dans les laboratoires sur Terre ». Ces propriétés thermiques vont en effet nous permettre de contraindre encore mieux la façon dont Bennu est chauffé par la lumière du Soleil et comment il se refroidit en émettant de la lumière.


    Une vidéo bonus sur l'origine présumée de Bennu. © Université d'Arizona, Agence spatiale canadienne.