Dans un marché du lancement en pleine mutation et à l'ère de la nouvelle économie de l’espace, Arianespace s'apprête à mettre en service Ariane 6 dans moins d'un an. Ce lanceur arrive dans un environnement concurrentiel tendu qui va l'amener à réaliser une variété de missions bien plus larges que ne le fait Ariane 5 : de l'orbite basse, jusqu'à celle de la Lune, voire au-delà. 

Lors du Congrès mondial d'astronautique, qui se tient actuellement à Washington, Stéphane Israël, le P-.D.G. d'Arianespace a exposé ses projets, notamment ceux à destination de la Lune avec le lanceur Ariane 6. À la mission de l'Agence spatiale européenne, qui prévoit d'utiliser une Ariane 6 pour aller sur la Lune avant 2025, s'ajoute une mission commerciale pour cette même destination, annoncée lors de ce Congrès.

Prévue en 2023, cette mission, inédite pour Arianespace, permettrait de livrer 8.500 kilogrammes de charge utile sur une orbite de transfert lunaire pour le compte de clients institutionnels et privés. Vous l'aurez compris, il s'agira d'un lancement multiple avec une variété de satellites, en matière de taille et de masse. Ces orbiters, ou atterrisseurs, atteindront la Lune seulement trois jours après le décollage.

Quant à la mission de l'Agence spatiale européenne, elle a pour objectif l'exploitation du régolithe, un minerai duquel il est possible d'extraire eau et oxygène, permettant ainsi d'envisager une présence humaine autonome sur la Lune et aussi de produire le carburant nécessaire à des missions d'exploration plus lointaine. Elle est actuellement étudiée par ArianeGroup, l'entreprise chargée du développement et de la construction d'Ariane 6 (à ne pas confondre avec sa filiale Arianespace qui la commercialise), qui vérifie la faisabilité d'utiliser ce futur lanceur pour cette mission lunaire.

Vue d'artiste d'une Ariane 6, dans sa version à deux boosters, sur son pas de tir du Centre spatial Guyanais. © ESA, D. Ducros
Vue d'artiste d'une Ariane 6, dans sa version à deux boosters, sur son pas de tir du Centre spatial Guyanais. © ESA, D. Ducros

Arianespace élargi sa base de clients potentiels

Après des années de domination sur le marché des satellites de télécommunications à placer en orbite géostationnaire, son lanceur Ariane 5 devenant le lanceur de référence pour ce type de mission, Arianespace est contrainte de se diversifier et souhaite répondre à tous les segments du marché du lancement de satellites.

Parmi les marchés les plus prometteurs et en forte expansion, on citera les deux principaux. Celui des constellations et celui la myriade des petits et très petits satellites de la nouvelle économie de l'espace menée par des entreprises privées, des start-up ou des fonds d'investissement dont les principaux domaines d'application sont l'Internet à haut débit, l'Internet des objets et l'imagerie quasiment en temps réel pour l'observation de la Terre. Comme le souligne le cabinet Euroconsult, d'ici à 2027, 7.000 petits satellites seront mis sur orbite. C'est six fois plus que lors de la décennie précédente.

Pour répondre à ces deux marchés en très forte croissance, qui nécessitent des lancements multiples, Arianespace mise sur sa gamme de lanceurs et s'y prépare avec déjà deux vols de lancement multiple planifiés. Ces derniers serviront à démontrer les capacités d'Arianespace à contenter toutes les orbites, quelle que soit la masse des satellites. Avec Véga qui, dès son retour en vol, devrait lancer 80 satellites d'un coup (premier trimestre 2020) et Ariane 6, dans sa version à deux boosters, qui mettra en orbite lors de son vol inaugural 30 satellites de la constellation OneWeb (septembre 2020).