C'est une femme dont le nom est assez connu dans le monde de l'archéologie de la santé et du soin en France. Anne d'Alègre, aristocrate du XVIIe siècle dont la sépulture découverte il y a 30 ans, fait toujours l'objet d'études. Elle est au cœur de travaux en lien, entre autres, avec son sourire particulier. La dame, qui a vécu en France, a eu la chance de bénéficier d'un appareillage de fils d'or, orné d'une fausse incisive pour pallier une perte dentaire. Un travail minutieux pour retrouver un semblant de sourire plein de santé.


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    C'est un article passionnant qui a été publié dans Journal of Archaeological Science: Reports sur les études menées autour des dents d'une aristocrate qui a vécu en France au XVIIIe siècle. Pour mieux comprendre son état de santé global, l'étude de la bouche a permis de mieux comprendre les soins médicaux, mais aussi les enjeux esthétiques lors d'une perte de dent résultant d'une maladie à cette époque. La publication de l'article a également été à l'origine d'une page publiée par l'Inrap, l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives.

    Un sourire et des questions

    Lorsque sa dépouille a été découverte par une équipe d'archéologues trente ans en arrière, le sourire particulier de l'aristocrate fait de fils d'or a eu de quoi étonner. Pour mieux comprendre comment cet appareillage a été pensé et posé, il a fallu entreprendre des études les années suivantes, mêlant des techniques archéologiques, anthropologiques, mais également des questions d'odontologieodontologie contemporaine. Ainsi, plusieurs spécialistes ont travaillé afin de permettre une étude interdisciplinaire de ce cas particulier.

    54 ans et toutes ses dents - Anne d'Alègre, Comtesse de Laval. © Le Chronographe

    Une maladie parodontale, un mal ancien et actuel également

    Anne d'Alègre a été touchée par une maladie parodontale occasionnant une mobilité de ses dents et, dans le pire des cas, une chute. Les maladies parodontales dans le monde touchent de nombreuses personnes, et l'étude de ces dernières sur les populations du passé permet de mieux comprendre leur prise en charge au fil du temps. Anne d'Alègre, qui a vécu durant les guerres de religion et qui a été plusieurs fois veuve, a connu une vie riche en rebondissements et probablement très stressante. Mais, elle a eu la chance à cette époque de bénéficier d'un soin et d'un suivi de sa maladie palliant les problèmes esthétiques qui pouvaient se poser à son époque lorsqu'il pouvait manquer une dent de façon visible.

    Un soin pas si adapté

    Sourire en ayant des dents en moins dans l'aristocratie du XVIIe siècle n'était pas quelque chose de bien considéré. Si l'imaginaire collectif voit parfois les gens du passé avec des dents sans soins et des mâchoires édentées, en étudiant l'accès aux soins et les mâchoires d'individus anciens, on comprend que les considérations bucco-dentaires étaient bien plus présentes que l'on ne peut le penser.

    Mâchoire d'Anne d'Alègre et son appareillage en fils d'or. © Rozenn Colleter, <em>Plos One</em>
    Mâchoire d'Anne d'Alègre et son appareillage en fils d'or. © Rozenn Colleter, Plos One

    Anne d'Alègre, en tant que femme fréquentant un milieu privilégié, a probablement été poussée tant du point de vue esthétique que social, à trouver des solutions pour combler l'absence d'une des dents les plus visibles : l'incisive. Présenter une bouche sans dent n'était pas envisageable dans la haute société. Or, cet appareillage comprenant une fausse dent en ivoire et une ligature de contention sur les prémolaires a été resserré de nombreuses fois, et cela n'a pas été sans conséquences, puisque les autres dents s'en sont trouvées instables.

    En définitive, étudier les corps anciens, et se pencher sur leurs problèmes de santé de leur vivant, permet de mieux comprendre comment ces derniers se chargeaient de leurs soins, ou de ceux des autres. Grâce aux études, il a été possible de comprendre le comment et le pourquoi du soin, un travail minutieux et de longue durée pour mieux cerner la vie de cette femme si particulière. Découvrez l'étude du portrait d'Anne d'Alègre, dans la vidéo ci-dessus, réalisée par Rozenn Colleter en collaboration avec d'autres chercheurs. Le Chronographe de Rezé a par ailleurs présenté Anne d'Alègre au cours d'une exposition « Prenez-soin de vous » sur l'archéologie de la santé et du soin en 2019.