L’origine de ce site archéologique à Madagascar est depuis longtemps une énigme. Car rien sur cette grande île située à l’est des côtes africaines ne permet de le relier à la culture malgache. Une nouvelle étude révèle cependant un peu de son secret : ces niches troglodytes auraient été creusées par une communauté étrangère, dans le cadre de rituels funéraires !
au sommaire
Au cœur du parc national de l'Isalo, sur l'île de Madagascar, se trouve un étonnant site archéologique. Connu des scientifiques depuis une centaine d'années, il n'avait jusqu'à présent pas été réellement étudié, en partie à cause de sa situation isolée et difficile d'accès. Il renferme pourtant beaucoup de mystères.
Les magnifiques paysages du parc national de l'Isalo, sur Madagascar. © Bernard Gagnon, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
Ici, la falaise de grèsgrès est en effet percée de nombreuses grottes qui ne sont de toute évidence pas naturelles. Ces chambres ont ainsi tout d'abord été attribuées à un habitat troglodyte construit par des navigateursnavigateurs portugais naufragés qui se seraient aventurés dans les terres pour traverser l'île. Aucune structure similaire n'a en effet été retrouvée ailleurs sur Madagascar ou sur la côte est-africaine, ce qui suggère que la constructionconstruction serait l'œuvre d'étrangers. Une hypothèse émise dans les années 1940 par Alfred et Guillaume Grandidier, deux naturalistes français.
Mais l'histoire du site de Teniky pourrait être bien différente, comme le révèle une nouvelle étude publiée dans la revue Azania : Archaeological Research in Africa.
Le site archéologique de Teniky (Madagascar) et ses niches creusées dans la roche. © Schreurs et al. 2024, Azania: Archaeological Research in Africa
Un site creusé dans la roche il y a 1 000 ans par une communauté inconnue
Si aucun reste humain n'a été retrouvé sur le site, des fragments de céramiquescéramiques et du charboncharbon ont permis d'attester qu'il a bien été occupé entre le Xe et le XIIe siècle. Cependant, l'analyse des céramiques a révélé qu'elles n'étaient pas d'origine locale, mais plutôt associées à la culture d'Asie du Sud-Est. Une découverte qui renforce l'idée que des étrangers ont habité ce lieu, mais qui décrédibilise l'hypothèse des naufragés portugais. Ces navigateurs n'auraient en effet pas arpenté l’océan Indien avant la fin du XVe siècle.
Alors qui a bien pu construire ce site ? Pour les chercheurs, un indice se trouverait dans le génomegénome, la culture et la langue des populations malgaches de la région, qui montrent des liens avec les peuples indiens, arabes, perses et austronésiens (population insulaire de l'Asie du Sud-Est comme l'Indonésie, les Philippines et la Malaisie). Les scientifiques ont donc recherché l'existence de structures troglodytes similaires dans ces cultures. Et c'est en Iran qu'ils ont découvert l'existence de niches très ressemblantes.
Niches troglodytes retrouvées au nord de Siraf en Iran, associées à la culture zoroastrienne. On note l'extrême ressemblance avec le site de Teniky sur Madagascar. © Ali Aghajanzadeh, Schreurs et al. 2024, Azania: Archaeological Research in Africa
La piste des zoroastriens d’Iran
En Iran, ces sites archéologiques sont associés à des ossuaires, construits et utilisés par les zoroastriens. Il s'agit d'une communauté religieuse perse (religion de Zarathoustra) implantée en Iran avant les invasions arabes et l'islamisation des populations. Dans cette culture zoroastrienne, le corps des morts ne doit en effet pas être enterré, mais au contraire exposé en surface dans une niche. Nettoyés par les charognards, les ossements étaient transportés dans des petites alcôves circulaires qui étaient ensuite scellées. Le site de Teniky aurait donc été construit par une communauté zoroastrienne installée sur Madagascar il y a 1 000 ans. Une hypothèse soutenue par le fait que cette communauté naviguait alors dans l'océan Indien entre la Chine et l'Afrique de l'Est.
Reste à comprendre quand cette communauté serait arrivée là et pourquoi elle aurait ensuite abandonné ce site. Le fait qu'aucun reste humain n'ait été retrouvé pose également question. Mais pour les chercheurs, cela pourrait être dû au fait que le site ait été nettoyé au cours des siècles suivants par les populations locales.