Depuis 150 ans, les archéologues se questionnaient quant à l'utilité de la grotte de Te'omim, située à proximité de Jérusalem. Une étude récente explique que la caverne aurait potentiellement accueilli des rituels païens voués à communiquer avec le monde des morts, entre les IIe et IVe siècles avant J.-C.


au sommaire


    Une caverne, vieille de plusieurs milliers d'années, dont les boyaux s'étendent sous les collines de Jérusalem, pourrait-elle être la porteporte vers une dimension souterraine ? Un article publié dans la revue Harvard Theological Review le 4 juillet dernier dresse l'état des lieux de plus de cent ans de fouilles archéologiques dans la grotte de Te'omim (ou « Twins Cave »), située en Israël.

    Une nouvelle salve de recherches initiée en 2009 par une équipe de chercheurs dans la ville de Bet Shemesh, à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Jérusalem, a permis d'exhumer de nouveaux artefacts des tréfonds de la grotte. Celle-ci, découverte en 1873, continue de susciter l'interrogation des historienshistoriens quant à son utilité. Mais une hypothèse émise par les universitaires et les théologiens apparaît comme particulièrement pertinente : la grotte de Te'omim accueillait des rituels funéraires et nécromantiques païens.

    Parmi les artefacts retrouvés par les archéologues dans la grotte de Te'omim, des armes. Ici une lame de hache et deux têtes de lances. © Tal Rogovski
    Parmi les artefacts retrouvés par les archéologues dans la grotte de Te'omim, des armes. Ici une lame de hache et deux têtes de lances. © Tal Rogovski

    150 ans de recherches dans les tréfonds d’Israël

    Après sa découverte en octobre 1873, de nombreuses expéditions se sont constituées pour explorer la grotte de Te'omim. D'origine naturelle, les géologuesgéologues qualifient sa structure de « karst », définissant une cavité creusée par l'érosion hydraulique de roches calcairescalcaires. En 1920, puis entre 1970 et 1974, de nouvelles fouilles offrent aux archéologues l'opportunité de découvrir des objets en céramiquecéramique, en pierre et en boisbois. La caverne, vaste et complexe, est divisée en plusieurs chambres et boyaux, chaque session d'exploration permettant de révéler de nouvelles zones et assurant la récupération d'artefacts. En lançant une nouvelle mission de recherche en 2009, les archéologues de l'université de Bar-Ilan et de l'université hébraïque de Jérusalem sont loin de se douter des découvertes pléthoriques qu'ils réaliseront en l'espace de six ans.

    Une partie des 120 lampes à huile datant de l'ère romaine découvertes en 2012. © B. Zissu
    Une partie des 120 lampes à huile datant de l'ère romaine découvertes en 2012. © B. Zissu

    Si les premières traces d'utilisation de la caverne remontent à 4 000 avant J.-C., les artefacts retrouvés entre 2010 et 2016 sont datés du IIe au IVe siècle de notre ère. À cette période, la puissance de l’Empire romain situé à l'ouest de l'Europe s'effrite progressivement. Les caractéristiques de certaines poteries retrouvées dans la grotte sont propres à l'émergenceémergence de l'Empire byzantin et de son art à Constantinople, au cœur de l'actuelle Istanbul, à la moitié du IVe siècle. Dans certaines interstices des galeries de la grotte de Te'omim, les membres de la mission constatent la présence d'environ 120 lampes à huile. À proximité de celles-ci, les scientifiques font de macabres découvertes. Outre les poteries, des armes et des crânescrânes humains sont disposés dans les crevasses. Les artefacts sont alors prélevés pour être étudiés et soumis à des analyses au carbone 14.

    Une caverne dédiée aux morts

    Bien que le christianisme se soit enraciné en Europe et dans certaines régions du Levant à partir du IIIe siècle, le paganisme avait encore pignon sur rue durant les dernières décennies de l'Empire romain d'Occident. Les objets trouvés dans les boyaux de la grotte de Te'omim auraient été employés lors de rituels de nécromancie, visant à communiquer avec les défunts.

    L'article publié sur Harvard Theological Review précise que ce type de rites prenaient place dans des tombeaux ou des cavernes, parfois situées à proximité de cours d'eau. Ces nekyomanteion étaient considérés comme des « oraclesoracles des morts », véritables portes de communication avec les Enfers. Une autre hypothèse pointe vers un culte voué à des déités chthoniennes, divinités infernales de la mythologie grecque.

    Difficile de dire si les archéologues ont réussi à établir le contact avec l'au-delà. Au vu des récentes découvertes, les cavités souterraines de Bet Shemeh devraient continuer d'attiser la curiosité des théologiens et historiens. Souhaitons que les fouilles ne réveillent pas un ancestral dieu lovecraftien...