Une étude récente suggère que l'Empire romain, malgré sa prospérité, a laissé un héritage toxique qui pourrait avoir affecté le QI de ses habitants.


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    Dans l'Empire romain, le plomb était omniprésent. Certains chercheurs se demandent même si une intoxication au plomb aurait pu causer la chute de ce dernier. Une étude récente menée par des scientifiques du Desert Research Institute (DRI) vient renforcer l'idée que ce métal aurait bien pu avoir un impact sur les populations de l'époque.

    Publiée le 6 janvier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, l'étude révèle que la pollution au plomb durant l'Empire romain aurait entraîné une diminution moyenne du quotient intellectuel (QI) de 2 à 3 points chez les populations de l'époque, en particulier chez les enfants.

    À l'origine de la contamination, les activités industrielles

    En analysant des carottes de glacecarottes de glace prélevées dans l'ArctiqueArctique, les chercheurs ont mesuré les niveaux de pollution au plomb entre 500 avant notre ère et 600 après. Cette période, couvrant l'ascension et la chute de l'Empire romain, a atteint son apogée en matière de pollution durant la Pax Romana, époque de prospérité et de stabilité. Grâce aux isotopes de plomb, ils ont identifié les principales sources de pollution : les activités minières et principalement la fontefonte de la galène, un mineraiminerai riche en plomb utilisé pour extraire l'argentargent.

    Le traitement de chaque onceonce d'argent générait des milliers d'onces de plomb, libérées dans l'atmosphèreatmosphère. Des modélisationsmodélisations informatiques ont permis de cartographier la dispersion de cette pollution sur toute l'Europe. Environ 500 kilotonnes de plomb ont été émises au cours des deux siècles d'apogée de l'Empire.

    D'importantes conséquences sur la santé cognitive

    L'exposition au plomb, même à faible dose, a des effets dévastateurs sur le développement cognitif, notamment chez les enfants. Même de faibles niveaux d'exposition ont été associés à une réduction du QI.

    Ici, les chercheurs ont calculé que les niveaux de plomb dans le sang des enfants à cette époque pourraient avoir augmenté de 2,4 microgrammes par décilitre, causant ainsi un réduction du QI de 2 à 3 points. « Le plomb est connu pour avoir un large éventail d'effets sur la santé humaine, mais nous avons choisi de nous concentrer sur le déclin cognitif parce que c'est quelque chose que nous pouvons chiffrer, explique Nathan Chellman, coautrice de l'étude. Une réduction du QI de 2 à 3 points ne semble pas énorme, mais lorsqu'on l'applique à l'ensemble de la population européenne, c'est vraiment une grosse affaire. »

    Les effets sanitaires liés au plomb ne se limitent pas au cerveau : chez les adultes, une exposition prolongée est associée à des troubles cardiovasculaires, des problèmes de mémoire et un risque accru de cancercancer et d'infertilitéinfertilité.

    L’empreinte durable d’un poison invisible

    Des études antérieures avaient déjà mis en évidence une contaminationcontamination significative des eaux du Tibre due aux canalisationscanalisations en plomb, doublant la concentration naturelle de ce métal dans le fleuve. Cependant, les niveaux relevés n'étaient pas suffisants pour constituer un risque majeur pour la santé des Romains. La nouvelle étude, quant à elle, fournit des chiffres suggérant des taux potentiellement dangereux.

    Mais quel que soit l'impact du plomb sur la santé des populations de l'époque, la Rome antique fournit le premier exemple de pollution humaine de l'environnement à grande échelle, estime M. McConnell, professeur de recherche en hydrologiehydrologie au DRI et auteur principal de l'étude. « Je laisse aux épidémiologistes et aux historienshistoriens le soin de déterminer si, et dans quelle mesure, elle a changé l'histoire. »