Une équipe d'archéologues étudiant un individu vieux de 5 000 ans, déterré lors de fouilles en Espagne en 2008, a déterminé que le personnage, surnommé « Homme d'ivoire », était en réalité de sexe féminin. Grâce à des méthodes d'analyses toujours plus perfectionnées, c'est toute la pratique de l'archéologie et l'interprétation des données concernant le genre et le sexe biologique qui pourraient évoluer dans les prochaines années.


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    Le mystère planait depuis quinze ans autour de l'identité de l'énigmatique « Homme d'ivoire », supposé dirigeant, ayant vécu durant la Préhistoire ibérique entre 2900 et 2650 avant J.-C. En 2008, en Espagne, une tombe abritant de somptueux artefacts était exhumée. Les archéologues déterminent alors que l'individu reposant à l'intérieur est un homme. Récemment, une équipe d'archéologues espagnols identifiait formellement le sexe biologique du prestigieux personnage ayant vécu durant l'âge de bronze ibérique, il y a environ 5 000 ans. En analysant sa dentition, les chercheurs ont réussi à établir que « l'Homme d'ivoire » est une femme. Le résultat de plusieurs années d'études est détaillé par les chercheurs dans un article publié le 6 juillet dernier dans Scientific Reports. Pour les archéologues, l'existence de la « Femme d'ivoire » est une opportunité pour en apprendre plus sur l'importance des femmes dans les sociétés et redéfinir une conception plus diversifiée de l'archéologie en Europe.

    Quinze ans de recherches pour découvrir l’identité du mystérieux « Homme d’ivoire »

    C'est dans la commune de Valencina de la Concepción, à quelques kilomètres de Séville, dans le sud de l'Espagne, qu'est révélé en 2008 un important site archéologique. Dans une aire d'environ 450 hectares sont découverts de nombreux vestiges de l’âge de bronze. Parmi les fosses et les chambres mégalithiques creusées dans le sol, les chercheurs mettent au jour un vaste chantier de fouilles. Une tombe ornementée individuelle est décelée. Les archéologues déterrent les restes d'un individu inconnu, entouré d'objets fabriqués en silex et en bronze ainsi que d'une défense d'éléphant pesant 1,8 kilo. Un lieu de sépulturesépulture d'une rare opulence en Europe, tel que noté par les universitaires dans l'étude. La présence de tels éléments dans la tombe permet aux archéologues d'affirmer que « l'Homme d'ivoire » accusait d'une certaine importance dans la société locale.

    Représentation de la tombe de la « Femme d'ivoire » et des objets recueillis à proximité des restes : on observe une défense d'éléphant, plusieurs plats en céramique et des objets en ivoire. © Groupe Atlas, Université de Séville
    Représentation de la tombe de la « Femme d'ivoire » et des objets recueillis à proximité des restes : on observe une défense d'éléphant, plusieurs plats en céramique et des objets en ivoire. © Groupe Atlas, Université de Séville

    Si les archéologues ont longtemps pensé que l'individu de la prestigieuse tombe de Valencina était un homme, âgé de 17 à 25 ans environ, l'analyse de l’émail dentaire du corps a permis de recueillir une protéineprotéine nommée amélogénine. L'amélogénine, offrant des informations sur les chromosomeschromosomes, est le principal outil ayant permis de déterminer le sexe réel de l'individu, en l'occurrence une femme. Dès l'automneautomne 2021, des prélèvements avaient été envoyés à l'Université de médecine de Vienne. Avec la confirmation de ces observations par un consortium d'experts européens, les chercheurs espagnols ouvrent la voie aux questions sur la position sociale de la femme durant la Préhistoire sur le continent.

    Connaître le rôle des femmes dans les sociétés préhistoriques

    La « Femme d'ivoire » obtint manifestement un rôle d'importance dans la société de son vivant. Une place obtenue grâce au mérite et à des accomplissements personnels selon les données anthropologiques étayées dans Scientific Reports. D'autres artefacts collectés à Valencina légitiment l'idée selon laquelle la défunte aurait continué à être célébrée 200 ans après son décès. L'étude ajoute que de telles marques d'opulence sont une occurrence rare voire inexistante de la Préhistoire ibérique.

    Schéma détaillé de la tombe, avec les photographies des objets précédemment décrits. © Groupe Atlas, Université de Séville
    Schéma détaillé de la tombe, avec les photographies des objets précédemment décrits. © Groupe Atlas, Université de Séville

    D'autres faits viennent appuyer les preuves déjà existantes de l'importance des femmes en Espagne il y a 5 000 ans. À 100 mètres du lieu d'inhumation de la « Femme d'ivoire », les archéologues découvraient une chambre funéraire circulaire, appelée tholos, dans laquelle reposaient les corps de 15 à 20 individus de sexe féminin. L'utilisation de cette grande chambre s'étend de 2875 à 2635 avant J.-C. À l'instar du lieu de sépulture de la « Femme d'ivoire », les scientifiques ont de nouveau constaté la présence de nombreux objets de valeur constitués de matériaux similaires tels que de la céramiquecéramique ou encore du silex.

    La découverte du sexe biologique réel de la « Femme d'ivoire » provoque des débats autour des interprétations anthropologiques liées au genre chez les historienshistoriens et les archéologues. L'étude publiée dans Scientific Reports permet néanmoins de souligner que de nouvelles méthodes sont aujourd'hui élaborées pour s'assurer précisément les distinctions génétiquesgénétiques entre les individus examinés par les scientifiques. À terme, les universitaires indiquent que ces nouvelles techniques « modifieront probablement l'approche du genre dans l'archéologie dans le futur »