La vie des habitants de l'île de Pâques est encore aujourd'hui empreinte de mystère. Ont-ils rasé leurs forêts pour construire leurs impressionnants moaï ? Sont-ils à l'origine de leur propre perte ou l'arrivée des Européens a-t-elle précipité leur fin ? Une étude tente de démêler le vrai du faux.
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Lorsque les premiers habitants de l'île de Pâques ont colonisé cette terre entre les XIIe et XIIIe siècles, celle-ci était couverte de forêts qui ont disparu au cours du temps. Il existe une croyance populaire selon laquelle la population aurait coupé tous les arbresarbres de l'île afin de construire et d'ériger les impressionnants moaï, si emblématiques de l'île de Pâques, en l'honneur de leurs clans. La destruction des forêts aurait pourtant mené à l'effondrementeffondrement catastrophique de la population qui n'aurait plus été constituée que de quelques milliers de personnes lors de l'arrivée des Européens sur les rivages de l'île, en 1722. La transformation des forêts en espaces agricoles ainsi que l'introduction d'espèces invasivesespèces invasives telles que les rats auraient également contribué au déclin de la démographie des Pascuans, ou Rapa Nui.
Cependant, une équipe internationale de chercheurs en anthropologie et en sciences environnementales a publié une étude dans Nature Communications qui remet en question ce déclin démographique au cœur du mythe de l'île de Pâques. Les chercheurs rappellent que Rapa Nui, le nom de l'île de Pâques dans le langage des natifs, a été au centre de nombreuses études concernant l'effondrement écologique. Ces études ont tout d'abord eu pour objectif de déterminer quels ont été les niveaux de population passés sur l'île afin de déterminer si un déclin a réellement eu lieu et si oui, dans quelles proportions.
Les proxysproxys les plus souvent utilisés afin de reconstruire les fluctuations démographiques passées sont les âges des individus dans les tombes et le nombre de sites d'habitation. Le Dr DiNapoli, anthropologue à l'université de Binghamton, indique pourtant que cette dernière mesure peut être problématique car elle suppose que le nombre de personnes qui vivent dans chaque maison n'est pas stable ni homogène au sein de la population. La datation au radiocarbone ou carbone 14 est également utilisée afin de déceler l'étendue des activités humaines à une période donnée mais les résultats fournis par cette méthode sont également incertains. Les auteurs de l'étude ont donc utilisé un modèle statistique afin de pallier ces incertitudes et de montrer comment les changements de taille de population ont été liés à des variations environnementales.
Le vrai du faux
Selon les auteurs de l'étude, il n'existe pas de preuve selon laquelle les Pascuans ont consommé les palmiers en excès, au contraire, ils indiquent que la déforestation s'est étendue dans le temps et qu'elle n'a pas provoqué d'érosion intense des sols. Les arbres ont bien été remplacés progressivement par des terres agricoles mais de façon raisonnée. De plus, le modèle statistique indique qu'il est probable que la population de Pascuans n'ait jamais excédé quelques milliers de personnes et que le nombre de ces personnes a globalement crû à partir de leur arrivée sur l'île.
Pourquoi le mythe de l'effondrement de la population Rapa Nui persiste-t-il ? Au cours des années 1960, l'idée selon laquelle les changements environnementaux affectent les populations humaines a commencé à être développée. Or, cette idée est particulièrement médiatisée depuis trois décennies et facilement appliquée à de nombreuses observations. Le Dr Carl Lipo de l'université de Binghamton explique que les Pascuans avaient un mode d'exploitation des ressources qui permettait à l'île d'être résiliente à leurs activités. La survie des Rapa Nui dépendait donc d'une gestion intelligente et raisonnée de leur environnement et leurs pratiques sont, selon le Dr Lipo, un très bon exemple de durabilité.