Bien avant les représentations familières du monde que nous connaissons, les préhistoriques se sont attelés à dessiner leur environnement, à le carter, matérialisant les notions de propriétés et les relations au sein de leur société. Gravée dans la roche il y a 4.000 ans, la carte de Bedolina, en Italie, représente ainsi l’une des plus anciennes cartes topographiques au monde.
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De tous temps les hommes se sont attelés à mesurer le monde dans lequel ils vivent, à le carter. Approche pratique, informative, scientifique, religieuse ou politique, l'art de la cartographie n'a cessé d'évoluer avec le temps.
Le plan d’un village préhistorique
Si l'on considère les Grecs comme les inventeurs de la cartographie en tant que technique à visée scientifique, certains éléments tendent à montrer que la conception des premières cartes remonte à bien plus longtemps. La première carte topographique daterait ainsi du Néolithique ! Il s'agit de la carte de Bedolina, taillée dans la pierre sous la forme de pétroglyphe.
Située dans la vallée du Valcamonica, au-dessus du village de Bedolina (Italie), cette œuvre créée durant l’âge du Bronze (2200-750 ans avant notre ère) est une représentation très soignée d'un village préhistorique. Gravées dans un rocher de grèsgrès sur 35 m2, on découvre des figures humaines et animales, mais également des représentations géométriques carrées ou rectangulaires symbolisant des maisons, des fermes, des champs, des clôtures, des chemins, des montagnes et des rivières, voire des systèmes d’irrigation...
La richesse d'informations qu'apporte la carte de Bedolina est donc exceptionnelle. Pour les historienshistoriens, il pourrait s'agir du tout premier plan cadastral de l'humanité.
La carte de Bedolina, témoin de l’évolution de la société préhistorique
Cette carte témoigne de l'émergenceémergence du besoin des populations de l'époque de dessiner leur espace de vie, de le cartographier. Elle montre la nécessité pour ces sociétés archaïques de matérialiser de façon durable une mémoire collective et notamment de témoigner de la transformation du territoire et de l'évolution historique d'un lieu en particulier. S'il s'agit certainement avant tout d'un objet social permettant de délimiter les espaces et les propriétés de chacun, sa complexité suggère qu'elle a pu servir également pour la planification des tâches agricoles ou encore pour établir les lois régissant certaines techniques, comme l'irrigation des terres.
La carte de Bedolina reflète donc un changement majeur survenu dans les sociétés humaines à la fin du Néolithique. En effet, cette période marque le début de la sédentarisation de la population, avec de grands changements du mode de vie liés au développement de l’élevage et de la culture. La société s'organise désormais autour de ces activités au sein de différents villages. Ces bouleversements sociétaux s'accompagnent du besoin d'acter certains événements et certaines situations. La cartographie est ainsi un moyen de matérialiser sur un support pérenne la répartition des terres, les rapports de parentés entre les individus, les rivalités ou encore les incursions guerrières.
La carte de Bedolina semble d'ailleurs avoir évolué au fil du temps. Elle aurait ainsi été modifiée plusieurs fois à la suite de la réorganisation des terrains agricoles. Les dernières gravures sont en effet datées de l'âge du Fer, soit du premier millénaire avant J.-C. Cette carte aurait donc été utilisée pendant plus de 1.000 ans et représenterait de fait un témoignage exceptionnel de l'évolution des rapports sociaux des sociétés préhistoriques.