C'est une véritable enquête au cœur du Paléolithique supérieur qui est menée autour du site de l'abri de Cro-Magnon dans la région de la Dordogne en France. Le site découvert il y a 150 ans a permis de collecter les ossements de plusieurs personnes, et leur étude est toujours d'actualité. Les lésions constatées sur le crâne de l'individu appelé « Cro-Magnon 2 » sont au centre d'une recherche qui interroge sur les causes de sa mort. Accident ? Meurtre ? C'est le sujet d'un article récemment publié.
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Cro-Magnon, victime de meurtre ? Une étude récente publiée dans Journal of Human Evolution se penche sur des lésions constatées sur le crânecrâne d'un individu découvert il y a 150 ans, sur le site de l'abri de Cro-Magnon, en Dordogne. Étudier des ossements aussi anciens permet de mieux comprendre les gestes du passé, mais cela s'avère complexe. D'une part à cause de la haute technicité des méthodes à utiliser, d'autre part, parce que les ossements anciens n'ont pas toujours été collectés de façon rigoureuse au moment de leur découverte. Dans cet abri, par exemple, les scientifiques actuels manquent de détails quant aux contextes d'inhumation. C'est une double enquête, celle qui touche le site en lui-même pour mieux le comprendre, et celle qui touche les ossements humains découverts à l'intérieur.
Un véritable puzzle
L'une des difficultés liées à ce site, est de reconstituer les squelettes des individus retrouvés, et déterminer quels os vont ensemble. Au XIXe siècle, lorsque les restes en question ont été découverts, les méthodes archéologiques, tant de relevés que de prélèvements, étaient très différentes de celles d'aujourd'hui. Ainsi, il est très difficile 150 ans plus tard pour les chercheurs de pouvoir recréer ce puzzle d'ossements, cela nécessite de nombreux travaux qui peuvent donner lieu à des débats scientifiques houleux.
Sur le site de l'Abri de Cro-Magnon, c'est un individu appelé « Cro-Magnon 2 » qui est au cœur de l'étude publiée récemment. Ce dernier est porteur d'une anomalieanomalie sur le crâne, élément qui avait déjà interrogé à l'époque de sa découverte, et qui a été consigné dans des carnets de recherche. Tous ceux qui se sont penchés sur ce cas au XIXe siècle estimaient que ce défaut résultait d'un coup profond, parlant déjà d'un possible meurtre. Au cours du XXe siècle, les méthodes d'analyses des ossements s'affinent et d'autres chercheurs se penchent sur ce cas au fur et à mesure des années qui passent.
Comprendre les os
Autour de cette lésion particulière, plusieurs questions ont commencé à émerger. À savoir, est-ce que cela a été fait au cours de la vie de la personne ? Ou bien est-ce perimortem, autrement dit arrivé au moment de la mort ? Ou encore, est-ce que cette blessure a été à l'origine du décès ? Et si ce n'était qu'une lésion post-mortem ? Tant de questions qui se posent à chaque fois qu'un corps ancien est retrouvé avec des lésions.
C'est tout le travail des spécialistes de l'anthropologie biologique et de la paléoanthropologiepaléoanthropologie que de comprendre le pourquoi de ces marques, ainsi que de repérer ce qui est du domaine des maladies en paléopathologie grâce aux analyses et aux CT-scans. La fracture a été analysée dans ses moindres détails pour tenter d'en déterminer l'origine. De plus, une autre question reste en suspens, celle du sexe biologique de l'individu, longtemps considéré comme étant de sexe féminin ; des analyses ultérieures invitent à la prudence quant à cette conclusion. « Cro-magnon 2 » reste ainsi de sexe indéterminé bien que l'individu soit décédé à la trentaine ou quarantaine, et qu'il ait été porteur d'une difformité du crâne d'origine congénitale.
Cro-Magnon n'est pas mort tout de suite
Après moult analyses poussées de la fracture qui interrogent les chercheurs depuis 150 ans, l'étude tend à démontrer que la blessure a été infligée du vivant de l'individu mais que la mort serait survenue au moins un mois après avec une cicatrisationcicatrisation incomplète au moment du décès. Une blessure qui a pu être à l'origine de graves troubles cérébraux en réponse à un tel choc. De plus, l'ensemble de l'étude va dans le sens d'une blessure qui découle d'un coup porté, et non d'un accidentaccident. Les autres individus découverts dans l'abri ne portent pas de fractures similaires, ce qui éloigne l'hypothèse d'une tuerie de masse.
Le défunt a été inhumé dans une tombe avec une forte présence d'ocreocre rouge, nettement supérieure aux normales de cette période. L'ocre se retrouve dans de nombreuses tombes du Paléolithique supérieur mais ici, sa présence est bien plus importante, faisant écho à d'autres cas, en particulier celui de Sunghir en Russie. L'ensemble de ces éléments interrogent à propos des considérations liées au statut et à la santé pour ces périodes se traduisant en contexte funéraire. L'ensemble de ces éléments, font de l'inhumation de « Cro-Magnon 2 » une situation toute particulière, le coup reçu ayant été volontairement porté.
Violence préhistorique ?
Si le grand public peut encore être marqué par l'image véhiculée ces derniers siècles sur nos ancêtres, habillés en peaux de bête se frappant avec des massues et traînant leurs femmes par les cheveux, il faut tout de même prendre en considération ce que la science permet d'avancer ou non sur les comportements anciens. Les études de terrain et les analyses poussées comme celles-ci permettent de collecter des cas et de tenter de dresser des hypothèses. Néanmoins, concernant les peuples de la préhistoire, il est important d'être dans l'absolu prudent sur les interprétations concernant leur façon de vivre au quotidien.
Ici, on en apprend plus sur le soin apporté par les vivants au mort, tant au moment de son trépas qu'au moment de son inhumation. Cela ne donne pas davantage d'indications ni sur la temporalité d'un rite en amont de l'inhumation s'il y en a eu un, ni de la division genrée des tâches autour du décès. Quant aux questions sur la violence préhistorique, la communauté scientifique continue à travailler sur cette question. Cette notion est toujours très débattue, et là aussi sujette à de nombreux échanges entre spécialistes. La préhistoire est loin d'être une page tournée au regard de l'intérêt que le public exprime pour cette période, ainsi que les nombreuses études qui existent venant remettre en question parfois ce que l'on pensait savoir sur des périodes encore pleines de zones d'ombre.
En attendant d'en savoir plus, vous pouvez découvrir au gré d'une promenade dans la région le musée de l'Abri Cro-Magnon en Dordogne pour découvrir le site et son histoire.