Les momies se révèlent, par essence, inquiétantes. Mais certaines présentent des caractéristiques plus dérangeantes que d’autres. C’est le cas d’une dépouille retrouvée à Louxor il y a quatre-vingt-dix ans, dont le visage est figé dans un cri presque horrifique. Les chercheurs tentent aujourd’hui de comprendre les circonstances de sa mort. 


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    Son facièsfaciès figé dans la mort fascine autant qu'il inquiète. Entre 1935 et 1936, des chantiers de fouilles dirigés par les experts du Metropolitan Museum de New York permettaient de déterrer plusieurs momies, dont l'une d'entre elles présente un visage aux traits déformés par un cri. Retrouvée à Louxor, cette « femme hurlante » suscite l'interrogation quant aux circonstances de son décès. Une étude publiée le 11 juin dans Frontiers in Medicine tente d'expliquer les singularités présentées par la momie, en essayant de comprendre les raisons de sa mort.

    Un examen médico-légal… 3 500 ans après la mort

    Déterminer les causes d'un décès pouvait parfois s'avérer complexe, il y a plus de trois millénaires. Mais les instruments actuels permettent d'examiner de vieux tissus organiques pour répondre à certaines interrogations. Les scientifiques ont notamment fait passer une batterie de « tests » à cette étrange momie. L'un d'entre eux s'est révélé payant. Une scanographie a ainsi permis d'observer les détails de la dépouille. Mesurant 1,54 mètre, la femme momifiée souffrait d'arthritearthrite au niveau de la colonne vertébralecolonne vertébrale et avait 48 ans au moment de la mort.

    Le processus de momification surprend les spécialistes. La plupart des momies sont dépouillées de certains organes internes, tels que les poumonspoumons ou le foiefoie, seul subsistant le cœur. Ces organes, une fois prélevés, étaient généralement placés dans des récipients, nommés vases canopes. Mais dans le cas de notre mystérieuse momie hurlante, les organes principaux du tronc n'ont pas été retirés lors de la momification. Une spécificité inhabituelle, qui n'altère toutefois pas la qualité de préservation du corps.

    Les vases canopes servaient à recueillir les organes vitaux du corps momifié, à l’exception notable du cœur. © <em>Metropolitan Museum of Art de New York</em>
    Les vases canopes servaient à recueillir les organes vitaux du corps momifié, à l’exception notable du cœur. © Metropolitan Museum of Art de New York

    Mort violente ou spasme post-mortem ?

    Toute la question est d'essayer de déterminer la raison de la mort de cet individu. En 2020, les scientifiques établissaient que la princesse Meritamun, au visage tout aussi distordu, était morte d'une crise cardiaquecrise cardiaque. Un spasme de la mâchoire précédant la momification figeait son faciès, donnant cette impression de momie hurlante. Une hypothèse similaire s'applique à la momie de Louxor. Son visage témoigne d'une rigidité cadavériquerigidité cadavérique au moment de l'embaumement. Mais les circonstances restent floues pour les archéologues et médecins légistes. Chaque détail compte, et les universitaires ont constaté que plusieurs dents manquaient dans la cavité buccale de la momie. Ici aussi, la piste d'un spasme post-mortem est privilégiée.

    La momie hurlante de Louxor interroge par ses caractéristiques impressionnantes et rares. © Sahar Saleem
    La momie hurlante de Louxor interroge par ses caractéristiques impressionnantes et rares. © Sahar Saleem

    Pour les chercheurs, ces études démontrent qu'il existait effectivement plusieurs méthodes pour embaumer les corps en Égypte antique. La présence des organes vitaux dans la dépouille ne signifie pas que l'individu a subi une momification peu qualitative. Au contraire, le corps a été enduit de résine de genévrier, particulièrement coûteuse et nécessairement importée dans la région. Rien ne permet d'affirmer les causes de son décès, mais cette momie se révèle très utile en permettant de considérer de nouveaux processus de momification pour les élites égyptiennes. Mais si elle hurle dans l'au-delà, la momie devrait rester bien silencieuse, préservant encore un peu le secret de son trépas.