Au cœur de la vallée de Chincha au Pérou, des vertèbres humaines datant de la période inca ont été trouvées enfilées sur des roseaux. Des archéologues proposent une nouvelle hypothèse afin d'expliquer la raison de ces réalisations.
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Les pratiques funéraires chez l'être humain dépendent des cultures, elles incluent parfois des rites de plusieurs jours, qui pouvaient autrefois être accompagnés de sacrifices d'animaux et d'êtres humains ainsi que par la constructionconstruction de monuments funéraires colossaux. Les soins apportés au corps pouvaient relever d'actes chirurgicaux et de traitements chimiques, pour la momification ou dans l'objectif de conserver des reliques. Le traitement des corps pouvait plus généralement symboliser le passage d'un état à un autre, permettre de revendiquer des territoires et exprimer des rapports socio-politiques.
“Des têtes ont été prises en tant que trophées et déplacées à Nasca et Wari au cours du premier millénaire après J.-C.”
Après l'inhumation d'une personne, le remaniement de ses restes demeurait une pratique plus rare ou du moins, peu observée par les archéologues, à l'exception de certaines cultures et régions du monde telles que les Andes. Entre les années 100 et 800 après J.-C., les mains de squelettes ont été exhumées pour être déposées en offrande dans d'autres lieux et des têtes ont été prises en tant que trophées et déplacées à Nasca et Wari au cours du premier millénaire après J.-C. Au cours de la période inca (1400 à 1532 après J.-C.), les restes humains étaient également utilisés en tant que trophées, c'est notamment le cas de crânescrânes sculptés pour en faire des coupes et des tambours couverts de peaux humaines.
Des vertèbres en décomposition pour reconstituer les corps
Au cours des dernières années, des fouilles archéologiques dans la vallée de Chincha, à 200 kilomètres au sud de Lima, au Pérou, ont mis au jour des vertèbres humaines enfilées sur des tiges de roseaux. Ces restes se trouvent la plupart du temps dans de grandes tombes élaborées connues sous le nom de chullpas. La datation au radiocarbone place ces « brochettes » de vertèbres entre les années 1532 et 1825 après J.-C.
Les archéologues ont jusque-là proposé plusieurs hypothèses permettant d'expliquer l'existence de ces bâtons de vertèbres. Parmi celles-ci figurent la facilitation du transport des restes de personnes mortes loin de leur communauté, la confection de trophées, de symboles de pouvoir, la représentation de certains individus, notamment au cours de cérémonies. Un récent article publié dans le journal Antiquity propose une nouvelle hypothèse concernant l'élaboration de ces vertèbres enfilées sur des roseaux.
Les auteurs suggèrent en effet que ces réalisations furent effectuées afin de reconstruire le corps des défunts après les pillages ayant eu lieu au cours de la période coloniale. Cette période a également généré des épidémiesépidémies et des épisodes de famine chez les chinchas, dont la population est passée de plus de 30.000 chefs de famille en 1533 à 979 en 1583. Quelque 81 % des vertèbres sur les tiges appartiennent à des adultes (> 20 ans) et dans la plupart des cas, les vertèbres ont été enfilées alors qu'elles étaient dans un stade de décomposition avancé (la décomposition complète des tissus mous dans un tel environnement dure de quelques semaines à quelques mois) et ne présentent pas de marques de coupure.
De plus, la majorité des arrangements de vertèbres ne suit pas un ordre anatomique. Ces observations permettent aux auteurs de supposer que les vertèbres choisies étaient déjà désarticulées avant d'être enfilées sur les roseaux. Cette pratique a pu être effectuée suite à la destruction de tombes par les colons qui ont ainsi altéré l'intégritéintégrité du corps humain, l'un des piliers des sociétés andines.