Cinquante ans après les premiers pas de l’Homme sur la Lune, le programme Apollo n’a rien perdu de sa superbe. Quelles sont les plus belles missions ? Qui sont les vrais héros de cette incroyable aventure ? Olivier de Goursac, responsable Mars Society France et grand vulgarisateur de la conquête spatiale, nous la fait découvrir à travers son ouvrage Apollo : l’histoire, les missions, les héros (Flammarion, 2019), à coup de panoramas exceptionnels et d’anecdotes oubliées.


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    Passionné de la conquête spatiale, fort de sa participation aux programmes d'exploration robotiquerobotique de Mars (Viking et Pathfinder) au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa dès les années 1980, Olivier de GoursacOlivier de Goursac partage à travers ses ouvrages, notamment, son expertise dans le retraitement des images de Mars et de la Lune, deux astres avec qui il a « une grande histoire ». Actuellement responsable chez Mars Society France, il revient, après Lune (Éditions Tallandier, 2009), avec un beau-livre intitulé Apollo : l’histoire, les missions, les héros (Flammarion).

    Concentré d'aventure humaine et technologique assaisonné de politique, cet ouvrage encyclopédique dévoile à coup de carnets de bord, de panoramas extraordinaires, d'anecdotes et de récits du déroulement des missions, « l'essentiel à connaître sur ApolloApollo : les chiffres, les références, les bases » et les leçons tirées, selon les mots de l'auteur. Il nous dévoile ci-après la genèse de l'ouvrage, ses missions et anecdotes préférées et partage avec nous son opinion sur la nouvelle course à la Lune de notre siècle, cette fois vue comme un tremplin vers Mars.

    Le beau-livre <em>Apollo : l'histoire, les missions, les héros</em> paraît aux éditions Flammarion à point nommé pour les 50 ans des premiers pas sur la Lune. © Flammarion
    Le beau-livre Apollo : l'histoire, les missions, les héros paraît aux éditions Flammarion à point nommé pour les 50 ans des premiers pas sur la Lune. © Flammarion

    La genèse d’une aventure littéraire sur la Lune

    Fruit de trente ans passés à explorer et trier des milliers et des milliers d'archives, afin d'en isoler « les points les plus importants servant de référence pour le programme Apollo », cet ouvrage a une longue histoire. « Ce qui m'intéressait, c'était de faire le récit détaillé de ce qui s'est passé sur la Lune, relate l'auteur. Lorsque le programme Constellation s'est mis en place avec Bush [en 2004, avec pour objectif le renvoi d'astronautesastronautes sur la Lune dès 2020 ; abandonné en 2010], la Nasa s'est dit qu'il fallait réintroduire les astronautes à la Lune », c'est-à-dire, entre autres les refamiliariser avec le paysage lunaire. Quoi de plus simple quand des astronautes américains ont déjà foulé ce lointain « huitième continent », comme on le surnomme ?

    Exploitant l'immense registre en ligne Apollo Lunar Surface Journal, amassant tous les documents des missions sur la Lune (images haute résolutionrésolution, retranscriptions des propos des astronautes et du personnel du centre de contrôle de mission à Houston, descriptions des missions et de ses instruments...), tout y est ! Olivier de Goursac a reconstitué 90 panoramas pour le bénéfice de la Nasa, mais aussi du public puisqu'ils ont été publiés dans l'ouvrage Lune en 2009. Ce travail de titantitan, Olivier de Goursac le présentait d'ailleurs sur Futura il y a quelques années dans le dossier Lune : histoire d'une restauration d'images.

    Voir aussi

    Lune : histoire d'une restauration d'images

    Ce panorama impressionnant montre le site d'atterrissage de la mission Apollo 11, surnommé Base de la Tranquillité, car situé dans le coin sud-ouest de la plaine lunaire appelée mer de la Tranquillité. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés 
    Ce panorama impressionnant montre le site d'atterrissage de la mission Apollo 11, surnommé Base de la Tranquillité, car situé dans le coin sud-ouest de la plaine lunaire appelée mer de la Tranquillité. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés 

    « À l'époque nous avions prévu un deuxième ouvrage », révèle l'auteur, dans le stylestyle carnets de voyage, avec les propos des astronautes sur la Lune. Resté dans les cartons, ce projet voit enfin le jour cette année sous le titre Apollo : l'histoire, les missions, les héros, mais dans une version étoffée d'une vue d'ensemble des technologies, du management et des jeux politiques cachés derrière la conquête spatiale. Le moment ne pouvait pas être mieux choisi, alors que l'on fête en grande pompe les 50 ans d’Apollo 11 et des premiers pas sur la Lune (1969). Des circonstances heureuses, mais tout à fait fortuites, assure cependant Olivier de Goursac. L'anniversaire a certainement permis de concrétiser l'affaire, mais le livre aurait pu être publié plus tôt.

    Indétrônables héros

    De quels héros parle-t-on exactement ? Inutile de chercher loin ou d'essayer de trouver des personnalités oubliées de l'Histoire, « les vrais héros, ce sont bien les astronautes », tranche Olivier de Goursac, reprochant la mode des héros méconnus. « Les ingénieurs des missions Apollo étaient sans doute la crème de la crème et personne n'aurait pu faire ce qu'ils ont fait à leur place, tempère-t-il. Mais ils n'auraient pas pu remplacer les astronautes. Au bout du compte, les astronautes étaient les seuls à bord capables de connaître les instruments, de piloter leur vaisseau. »

    Les trois hommes formant l'équipage d'Apollo 11 prennent la pause devant une reconstitution d'un module lunaire (LEM). De gauche à droite : Michael Collins, Neil Armstrong et Buzz Aldrin. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    Les trois hommes formant l'équipage d'Apollo 11 prennent la pause devant une reconstitution d'un module lunaire (LEM). De gauche à droite : Michael Collins, Neil Armstrong et Buzz Aldrin. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés

    Également ingénieurs, ces hommes aux multiples compétences étaient « capables de désosser le vaisseau, de le reprogrammer. » Les systèmes étaient peut-être plus simples à l'époque, avec « moins d'informatique », concède Olivier de Goursac, mais « je connais des astronautes qui m'ont confié qu'ils auraient été incapables aujourd'hui de refaire ce qu'ils ont fait » durant les missions Apollo.

    Des missions et des anecdotes inoubliables

    Dans sa liste des « missions d'excellence », les plus remarquables du programme Apollo, Olivier de Goursac retient, dans leur ordre chronologique :

    • Apollo 9 (mars 1969) : cette mission fut une « répétition générale autour de la Terre », où les astronautes ont testé toutes les manœuvres et technologies nécessaires pour que leurs successeurs sur les autres missions puissent partir explorer la Lune. Ils ont exécuté à cette occasion « sept premières scientifiques », admire Olivier de Goursac.
    Les astronautes d'Apollo 9 sont restés en orbite autour de la Terre pour préparer la voie aux prochaines missions à destination de la Lune. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    Les astronautes d'Apollo 9 sont restés en orbite autour de la Terre pour préparer la voie aux prochaines missions à destination de la Lune. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    • Apollo 10 (mai 1969) : Olivier de Goursac la décrit comme une mission « risquée et plus complexe » qu'Apollo 11Apollo 11. Les astronautes de cette mission, commandée par Thomas Stafford, auraient pu se poser sur la Lune, deux mois avant Neil ArmstrongNeil Armstrong et Buzz AldrinBuzz Aldrin. Apollo 10 restera finalement au statut de « répétition générale », mais cette fois autour de la Lune, un précurseur nécessaire et historique mais qui s'efface aisément face à l'exploit Apollo 11.
    Les astronautes de la mission Apollo 10 ont effectué en mai 1969 une répétition générale autour de la Lune, afin de préparer la première mission à atterrir sur la Lune, Apollo 11. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    Les astronautes de la mission Apollo 10 ont effectué en mai 1969 une répétition générale autour de la Lune, afin de préparer la première mission à atterrir sur la Lune, Apollo 11. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    • Apollo 11 (juillet 1969) : cette mission, la plus connue, qui a vu Neil Armstrong devenir le premier Homme à marcher sur la Lune, fut la « cerisecerise sur le gâteau ».
    • Apollo 15 (juillet 1971) : l'exploit effectué, l'enthousiasme autour de l'exploration lunaire s'effrite, mais celle-ci ne s'interrompt pas encore et donnera même lieu à la « plus belle de toutes les missions habitées, au niveau du choix du site d'atterrissage (un endroit cerné de montagnes), de tous les objectifs remplis, des panoramas, de la découverte de la pierre de la Genèse [Genesis Rock, nommée ainsi pour son âge exceptionnel, évalué à environ 4 milliards d'années], qui valait à elle seule d'être allé sur la Lune ».
    Apollo 15 est reconnue par la Nasa comme la plus belle de toutes les missions habitées. Le paysage montagneux aidant, les astronautes ont pu prendre des photos exceptionnelles sur la Lune. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    Apollo 15 est reconnue par la Nasa comme la plus belle de toutes les missions habitées. Le paysage montagneux aidant, les astronautes ont pu prendre des photos exceptionnelles sur la Lune. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés

     Si le parfum de l'aventure transpire à travers toutes les missions Apollo, elles n'échappent pas aux petites anecdotes amusantes, comme l'iconique « discours des oranges » de John Young, commandant d'Apollo 16, évoquant alors que son micro était encore branché les problèmes gastriques qu'il éprouve à force de boire le jus d'orange spécialement préparé pour les astronautes. « Tout le monde (journalistes et personnel de la Nasa) a pu l'entendre et a éclaté de rire, raconte Olivier de Goursac. Cela montre que c'est aussi une aventure humaine. »

    Plus sérieusement, au cours des missions, mais aussi dans les années qui ont mené à leur lancement, certains moments ont laissé une impression très forte, relève Olivier de Goursac. En fait partie la réunion du président Kennedy avec la Nasa à la Maison Blanche, le 21 novembre 1962, pendant laquelle il prononça des propos décisifs, remettant les pendules à l'heure sur les priorités du programme spatial en affirmant que les États-Unis se devaient de remportent la « course » à la Lune face à la Russie. On peut noter également la communion bouleversante de Buzz Aldrin sur la Lune, durant la mission Apollo 11.

    La communion de Buzz Aldrin sur la Lune était un moment fort, mais peu médiatisé de la mission Apollo 11, selon Olivier de Goursac. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    La communion de Buzz Aldrin sur la Lune était un moment fort, mais peu médiatisé de la mission Apollo 11, selon Olivier de Goursac. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés

    Cet acte est « très révélateur d'Aldrin » qui, « avec d'autres astronautes, a réfléchi à ce que cela signifie pour l'humanité » de marcher sur la Lune. « Au-delà de l'exploit humain, c'était important sur le plan spirituel de manifester que l'humanité passait à une autre étape de sa quête des étoilesétoiles, que, pour une fois, elle franchissait l'espace, même pour un monde hostile et stérile », explique l'auteur.

    La course à la Lune relancée

    Pour ceux qui douteraient encore que l'on ait posé le pied sur la Lune, Olivier de Goursac voit une « preuve irréfutable » dans les réflecteurs laserlaser que les astronautes ont déposés à sa surface durant les missions Apollo, et qui encore aujourd'hui servent à mesurer la distance entre la Terre et la Lune, et la vitessevitesse à laquelle celle-ci s'éloigne de nous. Selon lui, si l'exploit d'une mission habitée sur la Lune était à refaire, « ce ne serait pas de la même manière. On réinventerait tout, mais en mieux », estime-t-il, soulignant qu'on dispose de nos jours de meilleurs matériaux et technologies.

    Les astronautes d'Apollo 11 (puis ceux d'Apollo 14 et 15) ont laissé des réflecteurs laser sur la Lune. Chaque semaine, la distance Terre-Lune est mesurée en pointant depuis le sol des lasers sur ces instruments, qui les renvoient en direction de la Terre. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés
    Les astronautes d'Apollo 11 (puis ceux d'Apollo 14 et 15) ont laissé des réflecteurs laser sur la Lune. Chaque semaine, la distance Terre-Lune est mesurée en pointant depuis le sol des lasers sur ces instruments, qui les renvoient en direction de la Terre. © Images Nasa/JSC, Retraitements Olivier de Goursac. Tous droits réservés

    Cette « nouvelle course à la Lune, elle est politique et technologique. Mais on va s'amuser. On a une nouvelle génération, ils vont faire de belles découvertes, découvrir des grottes et peut-être de la glace », étant donné que le pôle sud lunaire constitue la cible rêvée que ce soit du côté de la Nasa ou de l’agence spatiale chinoise (CNSA). Aller sur Mars reste toujours plus « compliqué » à envisager, « pas tellement au niveau technologique, mais de l'argentargent », explique Olivier de Goursac : une mission sur la Planète rouge coûterait facilement dix fois plus fois cher que d'essayer de décrocher à nouveau la Lune.

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