Si l’on devait citer la fonction la plus à risque dans le monde, ce serait sans doute celle d’empereur de l’empire romain. Suicide, assassinat, mort sur le champ de bataille : bien peu ont tranquillement fini leurs jours dans leur lit. Plus étonnant : la mortalité des empereurs romains semble suivre une loi de Pareto que l’on observe dans beaucoup d’autres phénomènes physiques.
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Durant l'Antiquité, l'empereur romain était sans doute l'homme le plus puissant du monde. Mais c'était aussi l'un des postes les plus risqués. Chacun connaît l'exemple de Jules César, victime d'un complot de son adversaire Brutus et assassiné de 23 coups de poignard. On se souvient aussi de Néron, qui se suicide en 68 pour éviter l'exécution, ou encore de Caius Caligula, un empereur autocratique assassiné à 29 ans par les propres soldats de sa garde.
Complots, suicides et assassinats
Dans une nouvelle étude publiée dans Royal Society Open Science, des chercheurs ont passé en revue les 175 empereurs romains qui se sont succédé sur le trône, depuis Auguste (63 avant J.-C. à 19 après J.-C.)) jusqu'à Constantine XI (1405 à 1463), en incluant ceux de l'empire Byzantin après l’invasion germanique du Nord de 476, mais en excluant les régences ou ceux ayant partagé le poste. Sur les 69 empereurs de l'empire romain occidental, seuls 24,8 % sont morts de cause naturelle ; 40 % ont été assassinés, et les autres se sont suicidés ou ont été mortellement blessés sur le champ de bataille. En prenant en compte tous les empires et les 175 empereurs, le taux de mort violente descend à 30 % mais reste très élevé.
Curieusement, les auteurs remarquent que cette répartition suit un principe de Pareto où l'on observe une distribution de 80 % d'événements communs et de 20 % d'événements rares. « Par exemple, 80 % des cratères lunaires sont relativement petits tandis que 20 % des cratères sont grands. De même, sur les réseaux sociauxréseaux sociaux, 80 % des utilisateurs ont moins de 12 followers, et 20 % en ont plusieurs milliers ou plus », cite Francisco Rodrigues, chercheur à l'Institut des sciences mathématiques et informatiques de l'université de Sao Paulo et principal auteur de l'étude.
Un pic de risque après 13 ans de pouvoir
Les auteurs ont également remarqué une autre statistique surprenante : « Lorsque nous avons examiné la période la plus à risque [de mourir], nous avons noté que ce risque est maximum lors de la prise du trône. Le risque décline ensuite régulièrement jusqu'à 13 ans après la prise du pouvoir, où l'on observe un autre pic de mortalité », relate Francisco Rodrigues. Les chercheurs avancent plusieurs explications possibles : « Peut-être que ces 13 années représentent le temps nécessaire aux adversaires de se rassembler ou à de nouveaux rivaux de se préparer », suggère Francisco Rodrigues. D’autres études invoquent de faibles périodes de pluie qui font que les troupes romaines meurent de faim, ce qui augmente le risque de mutinerie.
Ce pic de 13 ans correspond curieusement à celui d'une autre étude publiée en 2010, qui analysait la durée des régimes dictatoriaux dans les monarchies pétrolières, et constatait que les dictateurs restaient en moyenne 12,3 ans au pouvoir avant d'être destitués. Une autre étude publiée en 2019 avait montré que la durée moyenne d'une civilisation était de 336 ans, en raison notamment de complexités croissantes qui font qu'elles s'effondrent sur elles-mêmes. Les empereurs romains seraient ainsi peut-être victimes de leur propre arrogance.
Les chercheurs notent également que les empereurs ayant hérité du trône plutôt que de s'en être emparé par la force ont tendance à connaître une fin plus paisible et une probabilité accrue de mort naturelle, à l'instar de Marc-Aurèle, décédé en 160 après 40 ans de règne. Mais, même les morts naturelles peuvent être pénibles : Galère (250 à 311 après J.-C.) est ainsi décédé dans d'atroces souffrances après une longue agonie due à un cancercancer.